La journée du 6 mai s'achève...
Pendant la campagne, j'ai souvent été tentée de faire suivre des témoignages... mais ne l'ai pas toujours fait, en me disant que les gens convaincus que le mode sécuritaire de Sarkozy dépassait tout entendement le savaient déjà et que, de la part des autres, je me heurterai forcément aux questions :
"mais est-ce qu'on est bien sûr que c'est vrai ?"
"tu ne crois pas qu'on le diabolise, ce sarko ?"
"c'est un complot contre lui"
bon, je ne crois absolument pas à la quelconque diabolisation, simplement à un catalogue de faits réels... mais effectivement je ne pouvais rien prouver...
Et voilà que ce week-end, c'est moi qui fut dans la ligne de mire de la police locale, moi qui étais l'individu dangeureux, moi qui ai vécu le mépris des sous-fifres de Sarkozy... donc j'ai envie de vous raconter MON vécu.
Samedi soir, en sortant d'un spectacle au centre de Romans, je fais une petite moustache carrée et une mèche noire sur la tête de Sarkozy, à la peinture, sur les 2 panneaux électoraux qui se trouvent sur la route de mon retour, histoire de clore nos actions diverses et variées lors de cette campagne électorale.
Je rentre, discute avec Léandre...
Il est 23h50. Le téléphone sonne.
"vous êtes bien propriétaire d'une R21 ?
vous êtes bien propriétaire d'une R21 immatriculée 4461WR26 ?
vous avez été filmé : ça vient d'être votre anniversaire (NB : Léandre, propriétaire de la voiture, est né le 4 mai)...
vous ne croyez pas que vous avez passé l'âge de saccager les affiches ; 36 ans, quand même... (Léandre est né en 71)
Maintenant, vous allez rester chez vous, c'est bien compris ?
On verra si on donne suite"
Je n'ai répondu que des oui ou des non... et me disais que décidément, tout ce contre quoi je luttais (délation, impolitesse, mépris, vie fliquée, ETC)... existait déjà...
Le lendemain matin, à 8h30, téléphone :
"c'est le commissariat de police;
Vous êtes bien propriétaire (... idem) ?
Etiez-vous au volant de votre véhicule hier soir à 23h20 ?
Vous êtes convoquée au commissariat, tout de suite
- mais j'avais prévu quelque chose
-nous aussi, on a prévu quelque chose. Est-ce que vous pensez qu'il vaut mieux venir toute seule ou qu'on vienne vous chercher ?
- je vais choisir
- vous me donnez la réponse tout de suite
- bon je vais venir
- ah ben voilààààà. On vous attend dans l'heure qui suit"
On trouve un super-copain (ouf, ils sont toujours là) pour garder nos enfants et Léandre m'accompagne.
On arrive ; la nana de l'accueil semble surprise, se renseigne puis nous demande d'attendre, dans un commissariat désert.
un gars en civil arrive, me prie de le suivre. je demande à être accompagnée. Il refuse. Je refuse de venir. il s'énerve, nous demande nos papiers :
- on ne les a pas
- et vous êtes venus en voiture sans vos papiers ?
- on n'est pas venus en voiture
- vous vous foutez de moi ? "(NB : on était venus à vélo)
Le gars sénerve, veut prendre le nom de léandre (et le mien) pour en référer au procureur...
bon, finalement je le suis.
Je m'installe en face de lui dans un bureau et réponds patiemment à ses questions :
état civil, mes parents, mon crédit (?), mes enfants, mon niveau d'études, mon travail, le lieu, mon concubin et tout;
puis vient la déposition. un gars en uniforme de police se rajoute à notre conversation, reste debout, croise les bras.
-qu'avez-vous fait hier soir ?
j'explique, avec le moins de mots possibles, mais lui s'arrange toujours pour allonger mes phrases...
- et pourquoi aviez-vous de la peinture dans votre voiture ?
- pourquoi avez-vous fait ça ?
- est-ce la première fois ?
- qu'avez-vous voulu représenter ?
"une petite moustache et une petite mèche dans le vent, pour que sarkozy ne soit plus lui"
Je sentais le terrain glissant du nazisme... et effectivement, clou de l'entretien :
- avez-vous voulu nuire au candidat, ou soutenir un candidat éliminé au premier tour ?
je ne comprends pas la question (je pensais à mon candidat du premier tour, José Bové, et me demandais ce qu'il venait faire là...).
Le gars jubile :
-question difficile, hein ?
- j'ai compris la première partie de la question, mais pas la deuxième
Agacé, il répète et moi je dois prendre la phrase mot après mot pour comprendre :
- pour nuire à Nicolas sarkozy.
S'en suit un discours sur mon rôle d'enseignante, sur ma propagation de l'idéologie du nazisme, sur mon idéologie dictatoriale (sic).
- saviez-vous que vous encouriez des sanctions pénales ?
Nous pourrions vous mettre en garde à vue et faire une perquisition chez vous.
Nous allons en référer au procureur et prévenir l'Inspection Académique.
Ils me font patienter, et j'ai le privilège de pouvoir rejoindre Léandre dans le hall de l'entrée, en attendant que mes deux interlocuteurs parlent au préfet (zut, je ne sais plus si c'est préfet ou procureur).
Je conseille à Léandre de rentrer (libérer notre baby-sitter improvisé, préparer le pique-nique). Il sort.
Je veux le suivre pour prendre l'air devant le commissariat : on me bloque la porte.
la nana de l'accueil : - vous ne sortez pas
-Mais enfin, je voudrais prendre l'air...
- j'ai reçu des ordres : vous restez là, je vais vous ouvrir une fenêtre (NB : avec des barreaux).
Etonnamment, quelques minutes plus tard, le gars en civil revient(déjà).
Il m'explique... euh, en fait je ne sais plus trop quoi : j'ai juste compris que j'allais être... libérée et ça m'a suffit.
il a évoqué des poursuites ultérieures.
Voilà, j'ai essayé de vous relater mon début de 6 mai de manière objective, moi la dangereuse activiste romanaise...
Je suis bien sûr OK pour que cet événement soit diffusé...
et y joins des travaux pratiques :
1.qui saurait me renseigner sur ce qu'un flic peut demander, peut faire, peut exiger. quelles questions, combien de temps, etc, et qu'est ce qu'on est en droit de refuser ?
2.j'ai vu des affiches de Ségolène Royal en diable, aujourd'hui... alors que mes moustaches et cie avaient partout été cachées par de nouvelles affiches = rien de visible le 6 mai.
que pensez-vous de l'idée que quelqu'un aille se dénoncer auprès du commissariat comme étant l'auteur de cet outrage, en faisant un peu le niais type "j'ai appris qu'on n'avait pas le droit ; je préférais donc venir vous le dire tout de suite plutôt qu'être dénoncé (style faute avouée à moitié pardonnée)", en exigeant vraiment de faire une déposition (qui ressemblerait à la mienne).
L'idée serait de démontrer (je l'espère !) que le traitement est inéquitable entre la protection rapprochée de l'image de sarko et celle sans enjeu pour la police de ségolène Royal
Qu'en pensez-vous (ben oui, ça fait du bien de continuer à penser malgré l'abrutissement qu'on nous propose) (ou impose ?) ?
Merci de m'avoir lue : ça me permet de me sentir moins seule dans une situation ubuesque pareille.
Bonne soirée (il est bientôt 19 heures...)
2007-05-07
00:26:37
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mickael d
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