Bonsoir,
C'est un sujet tristement connu, délicat et beaucoup trop fréquent.
Je fais du bénévolat dans un "foyer" pour femmes battues et victimes d'abus sexuels.
Voici un apperçu car la liste serait très longue,
si je devais vous donner toutes l'es statistiques.
A savoir que l'abus sexuel, a lieu dans tous les milieux sociaux "sans distinction."
A quelle vie sexuelle d’adulte peut on s’attendre après avoir été un enfant abusé, victime de viol, d’inceste, de pédophilie ?
(Certains termes vous devrez les consulter je manque de temps pour vous les décrire un par un)
Une "séméiologie multiforme" marquant un impossible dialogue avec son corps.
Le traumatisme en s’ancrent dans le corps va donner naissance au symptôme.
Un symptôme qui sera la seule expression de la sexualité une fois atteint l’âge adulte. La petite fille abusée va devenir une femme frigide, anaphrodisique, vaginique, dyspareunique, vulvodynique…Un symptôme qui sera là pour bien marquer l’impossible accès à son propre corps de femme, au corps de l’autre.
Un symptôme qui peut prendre différentes formes, mais qui ne sera jamais systématique ni reproductible en fonction de la nature de l’abus, de sa gravité apparente, ou de l’ancienneté des faits. Il sera certainement davantage fonction de son retentissement émotionnel et du fonctionnement psychologique de chacun. Un symptôme déroutant donc, si l’on cherche à l’analyser autrement qu’au travers de l’individu lui-même.
C’est ainsi que certaines femmes victimes de viols arriveront quelquefois à un fonctionnement sexuel satisfaisant, alors que d’autres, victimes d’attouchements sans pénétration, apparemment minimes, pourront être porteuses de blocages sexuels graves. Retenons simplement qu’en la matière, il n’existe pas de traumatisme minime et que la gravité des séquelles est fonction de l’impact émotionnel ressenti et de l’âge de la victime au moment de l’agression.
Quelquefois aussi, après une période plus ou moins longue où tout semblait être acquis, la jeune femme, installée pourtant dans une sexualité d’adulte épanouie, réactive par hasard le souvenir de l’abus, et la difficulté sexuelle s’installe, interdisant désormais désir et plaisir, l’un ou l’autre.
Quelquefois encore, et cela n’a rien d’exceptionnel, la jeune fille n’a pas été elle-même victime de l’abus sexuel, mais sa mère, sa grand mère, une femme proche de l’enfant a perpétué pour elle le souvenir de son propre inceste ou viol, générant chez la petite fille devenue femme, la même impossibilité d’accès à son corps érotique. L’observation clinique semble montrer dans ce type de pathologie "transgénérationnelle", davantage de cas de vaginismes que de frigidités.
Un face à face interdit avec le partenaire : céder ou refuser.
Le symptôme sexuel, qui signe l’impossibilité d’épanouissement pour une petite fille devenue adulte dans un corps de femme qu’elle n’arrive pas à reconnaître comme sexuel et érotique, signe aussi l’impossibilité de dialogue physique avec un homme. La sexualité adulte de la femme victime d’agression sexuelle, c’est la sexualité de l’autre. Le désir et le plaisir ne sont que désir et plaisir de l’autre.
Un désir qui ne signifie rien d’autre pour elle qu’une prise de risque.
Risquer de refuser et reproduire inlassablement un scénario qui conduit au rejet de l’autre, au risque de le décevoir, d’être abandonnée, d’être trompée, de s’exposer à son mécontentement, à ses plaintes, à sa colère, ou bien tout simplement de le rendre malheureux une fois de plus.
Le refus expose à l’abandon, à la violence de l’autre, à la culpabilité de soi.
Risquer de céder
L’autre risque, c’est de céder, une fois de plus, de se laisser faire sans désir, juste pour le plaisir de l’autre, ou pour avoir la paix, par devoir conjugal, ou parce que, de temps en temps, « il faut bien le faire »…
Risquer d’être indéfiniment victime… face à l’autre devenu agresseur malgré lui
Dans les deux cas, la femme reste victime de son impossibilité à désirer, à aimer. Dans les deux cas, l’autre, même s’il n’a pas le profil d’un agresseur, le devient bien vite, par son impossibilité à comprendre, par son insistance, par ses maladresses, par sa frustration. Un autre, d’ailleurs souvent choisi en complémentarité, et l’on est frappé en consultation, par la qualité du partenaire, trop souvent non seulement incapable de se mettre à l’écoute, mais aussi incapable de faire autrement que de devenir à son tour, par ses insistances, harcelant et abuseur sexuel lui-même. Un cercle vicieux parfait, générateur d’incompréhension, voire de violence, entre une femme blessée dans son corps et un homme en carence affective ou narcissique incapable de l’aider, et qui très vite, va s’enfermer dans le repli, l’agressivité, le silence. Un cercle vicieux qui, une fois mis en place, reproduit inlassablement le scénario initial de l’agression et de la victimisation.
Un désir inaccessible
Pour désirer, il faut pouvoir s’aimer, avoir envie de se montrer
Mais comment désirer l’autre quand on se sent enfermé dans un corps qui n’inspire plus que dégoût, honte, un corps qui fait horreur depuis qu’il a été sali. Le corps devient le lieu de l’effraction, de la transgression. Un corps frappé d’interdit , devenu une prison, et qu’il faut soustraire au regard de l’autre, au désir de l’autre. Un corps devenu signal de danger dans la relation à l’autre. C’est ainsi que l’on va s’habiller de manière informe pour se cacher, et développer des conduites alimentaires, anorexies, boulimies, des comportements agressifs qui permettront de se tenir à l’abri du désir de l’autre.
Un désir remplacé par la honte, la culpabilité, la peur.
Toutes émotions vécues lors du traumatisme et qui continuent à se perpétrer indéfiniment. Peur, honte, culpabilité, de se sentir différente, de porter cette tâche, et qui sait, peut être, d’avoir suscité le désir de l’autre et son comportement, d’avoir déclenché la violence de l’autre.
"Un désir remplacé par la dépression."
La dépression est l’issue la plus fréquente, elle permet d’abandonner la partie en refusant de la jouer vraiment. Elle correspond à un comportement de fuite et d’évitement, d’engourdissement sensoriel et général protecteur.
Un désir rendu impossible par la faillite identitaire
" Plus l’inceste a lieu tôt dans la vie, plus il y a de risques que les blessures soient irréversibles au niveau de l’identité" L’enfant victime d’abus sexuel est arrêté dans sa construction identitaire à l’âge du traumatisme.
La plupart des observations cliniques soulignent bien cet aspect.
"Un plaisir impossible"
Le plaisir est rendu impossible par l’absence d’abandon, l’absence de confiance en ce corps dont on se défie, que l’on refuse , que l’on cache à soi, à l’autre.
"Les somatisations"
Elles sont là pour marquer dans le corps l’impossibilité du plaisir. Des somatisations qui ont souvent commencé bien avant, généralement au moment du traumatismes sexuel. De nombreux travaux, portant malheureusement sur de trop petits nombres de cas, font état de troubles principalement génito- urinaires ou digestifs dans les suites d’abus sexuel, et perdurant longtemps après le traumatisme sans support lésionnel particulier.
"L’agressivité"
Le plaisir est remplacé par l’agressivité. Une agressivité que l’on tourne contre soi même, en multipliant les troubles des conduites alimentaires, les addictions, alcool, drogues, la prostitution. Contre soi aussi, les somatisations multiples.
Il arrive aussi que l’agressivité soit dirigé contre l’autre et elle se marquera par du vaginisme, de l’homosexualité. Quand l’agressivité devient plus globale, elle prendra le caractère de conduites antisociales ou borderline, particulièrement fréquentes. L’adulte qui a imposé sa violence à l’enfant lui a aussi ouvert la voie de la transgression et du franchissement des limites.
"La douleur"
Quand le plaisir survient, il se fait culpabilité et se métabolise en douleur. Les femmes victimes d’abus sexuels décrivent souvent des pleurs incoercibles lorsque le plaisir survient. Ou alors, c’est la douleur qui vient tout submerger, une douleur déclinée sous forme de dyspareunies, vulvodynies, vaginites qui n’en finissent jamais.
Au delà du désir et du plaisir : un corps désinvesti.
La construction du corps érotique se fait à partir des expériences vécues par le corps physiologique.
"Le développement du corps érotique est le résultat d’un dialogue entre l’adulte et l’enfant, autour du corps et de ses fonctions".
Mais ici, le jeu s’est arrêté le jour du traumatisme. La violence introduite par l’adulte dans ce dialogue essentiel détruit à tout jamais le développement de la relation.
La violence subie va définitivement et irréparablement transformer l’expérience affective du corps. Le corps violé, abusé, incestué, sera un corps qui ne parvient plus à sentir la vie en soi, un corps anesthésié, paralysé. Il sera un corps adulte frigide, impuissant, incapable d’échanger avec le corps de l’autre, incapable de trouver le chemin du désir et du plaisir partagé.
Le jour du traumatisme, et a fortiori lors de traumatismes répétés, quelque chose de soi s’est définitivement retiré de la zone, des zones du corps touchées par l’autre, par l’agresseur. Une zone, des zones, oblitérées, devenues froides et lisses, vidées de tout investissement affectif. Des zones devenues froides, sur lesquelles plus rien d’érogène ne pourra jamais s’inscrire. Des zones protégées en écriture à tout jamais.
En tous cas de cette écriture bien particulière qui fait que l’on ne fait qu’un avec son corps, que l’on peut l’investir, que l’on aime le sentir vivre et vibrer, que l’on s’y sent suffisamment chez soi pour en jouer avec l’autre, pour échanger de l’amour avec l’autre.
"Les chemins de la guérison"
La guérison est possible. Elle demande du temps, une thérapie, le concours du partenaire quand il y en a un. Grâce à lui, à son amour, une autre image de l’homme peut se mettre en place et remplacer celle du violeur, de l’abuseur. Il sera l’irremplaçable support par lequel le changement peut s’opérer.
Le changement passe par un corps à investir, une identité à construire, une relation à l’autre, aux autres à transformer. Guérir, c’est transformer peu à peu l’expérience affective du corps. C’est apprendre à aimer la vie qui s’éprouve en soi.
C’est apprendre à se sentir libre d’accepter ou de refuser le désir de l’autre, c’est apprivoiser le plaisir.
"Pour guérir, il faut cesser d’être victime."
Bises Paola
Meilleurs voeux pour 2008.
Je t'étoile car ce sujet me tient très à coeur.
Parfois même le manque d'information et/ou de sensibilisation me font bondir. Croyez vous que l'information n'est pas suffisante des nos jours?
Et bien pas du tout il s'agit purement d'indiférence.
Certaines personnes sont conscients et d'autres ne veulent même pas en parler, elles oublient que "le malheur n'arrive pas qu'aux autres".
"l'impuissance" que j'épprouve face à toutes les victimes me touche et me fait souffrir, mais le regard d'un enfant "petite victime innocente" ça m'empêche de dormir car il vous marque à jamais!!
INCROYABLE MAIS VRAI!
Merci Jean Pierre bisou.
2007-12-30 07:46:19
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answer #1
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answered by paola.rially 5
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