Cette chronique d'une famille bordelaise offre coups de théâtre et surprises. Au premier étage de sa propriété, dans une chamble claire et agréable, un vieillard attend la mort. Il l'attend impatiemment, car elle est pour lui une forme de vengeance. Il va pouvoir enfin assouvir quarante ans de rancunes en ne donnant pas d'héritage à sa famille, leur rédigeant une lettre vengeresse, où il peut enfin laisser aller son coeur,"ce noeud de vipère saturé de leur venin".
Vingt-trois ans plus tôt donc, il avait cru faire un mariage d'amour avec Isa, demoiselle Fondaudège, en même temps qu'il accédait enfin à la reconnaissance sociale. Mais très vite, Isa l'avait détrompé : elle avait épousé l'argent, et non l'homme. De là était née une haine permanente et indélébile : toute sa vie, il avait abominé chacun des membres de cette famille, jusqu'à ses propres enfants, qui le lui avaient bien rendu. Et à présent, il allait leur faire payer toutes ces années, en les privant de l'héritage sans lequel ils ne pourraient pas vivre.
Le début est époustoufflant; on frise le nihilisme absolu. Vingt pages gorgées de haine : le fond remue les tripes, la forme coupe le souffle. Le soufflet retombe un peu par la suite, mais ces vingt premières pages méritent à elles seules d'être lues.
La suite, donc... un texte court et sinueux, une écriture habitée conférant un impact inattendu à un drame de l'incommunicabilité somme toute très conventionnel. Comme toutes les histoires de Mauriac, celle-ci n'a rien d'exceptionnelle, elle est même stupéfiante de banalité. C'est la manière qui fait toute la différence...
Les caractères y sont oppressants, le climats étouffant, et la phrase la plus banale peut tout à coup sembler terriblement dérangeante. On peut dire que Mauriac à écrit les "Chroniques de la haine ordinaire".
Pour n'en être pas moins réussie, la seconde partie fait un peu dans la surenchère et atténue la force de la première.
2007-12-02 07:40:27
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answer #1
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answered by Eurydice 7
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Mauriac, un catho-coincé-un-peu-ringard ? … si, si ça a été dit à mots couverts sur ce site mais je m'insurge : j'ai commencé avec "Le Sagouin" (une merveille), ensuite "Le nÅud de vipères" (mon préféré) et maintenant je suis plongé dans "Thérèse Desqueyroux" et chaque fois la même évidence : un chef-d'Åuvre. Tant le fond, la forme que le plaisir de lecture : tout est impeccable.
Revenons sur l'histoire : un vieil homme au seuil de la mort écrit une lettre remplie de haine et de fiel à sa femme, désireux de régler ses comptes avec sa famille. Il abhorre cette famille : une engeance de vipères, une meute soudée contre lui, aux basques de sa fortune. Mais le nÃud de vipères est tout autant au fond des entrailles de ce vieillard prisonnier de son avarice et de sa haine. Ce vieux dont la seule raison de vivre est de haïr et de se faire haïr, dont l'unique plaisir est de déjouer les complots de la famille et de manÅuvrer pour les déshériter : « Et moi, témoin de cette lutte que j’étais seul à savoir inutile et vaine, je me sentis comme un dieu, prêt à briser ces frêles insectes dans ma main puissante, à écraser du talon ces vipères emmêlées, et je riais »
Réquisitoire contre la famille à héritage, contre la ladrerie et la cupidité qui enchaîne (« La où est ton trésor, la aussi sera ton cÅur »), critique acerbe d'une forme de religion consistant en l'exercice de dévotions convenues, ce roman se lit d’une traite. La trame romanesque est excessivement prenante, et les figures centrales sont fulgurantes et inoubliables.
Un roman noir, désespéré ? Dans un sens oui, ainsi cette tirade à propos de le vieillesse : « Ils ne savent pas ce qu’est la vieillesse. Vous ne pouvez imaginer ce supplice : ne rien avoir eu de la vie et ne rien attendre de la mort. Qu'il n’y ait rien au-delà du monde, qu’il n'existe pas d’explication, que le mot de l'énigme ne soit jamais donné. ». Mais pourtant la grâce est présente de manière fugace dans le récit, par l’entremise de personnes tierces (tel cet épisode touchant ou le vieux aperçoit une jeune modiste en train de prier dans l'église de Saint-Germain-des-Prés). Cette grâce touchera le cÅur du vieux in extremis, le glaive de l’évangile avec lequel il tranchera le nÃud de vipères qui enserrait son cÃur. Cela a effectivement un petit coté « parabole évangélique » mais rien à voir avec le « catho coincé » annoncé. Au contraire : c'est plein de tumulte, de révolte, d'intensité dramatique. Un chef-d'oeuvre à l'évidence.
John
2007-12-05 03:28:00
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answer #2
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answered by Anonymous
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J'ai lu ce livre au collège. J'avoue avoir commencé sa lecture contraint et forcé... Cependant, ces premières pages sont tellement poignantes, cinglantes, précises... que mon attention en a tout de suite été accrue et le plaisir de lecture a totalement annihilé l'obligation (pour avoir de bonnes notes...).
Je rejoins Bijou sur son très bon "résumé". Le début est réellement époustouflant d'intelligence d'écriture et de violence dérangeante (car parfaitement méditée). La fin est un peu trop poétique et fantaisiste à mon goût... Ceci dit, Mauriac est tellement puissant dans sa description de la "haine" que l'on ne peut que se sentir un peu trahi dans ses excès (tout de même très intéressants à parcourir) d'"amour".
Encore une fois, excellent livre (je l'ai relu deux fois depuis...) qui mérîte un intérêt plus grand que la corvée du devoir en classe. Pour vous en convaincre, lisez le début, vous deviendrez accros...
2007-12-03 05:12:41
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answer #3
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answered by biaggi 2
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le début aussi, tu devrais le lire
2007-12-02 04:44:58
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answer #4
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answered by coline50 7
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La fin est bien , je l'ai lu au college !
2007-12-02 04:18:27
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answer #5
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answered by keny 5
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