Tu m'as offert un petit moment de pur bonheur: me replonger dans un bain philosophique sur le thème "Pensée et langage" et je me suis régalée.
Ayant fait le tour de tes trois questions, et m'étant attardée sur celle se rapportant aux sourd /muets, je suis allée à la recherche de témoignages, considérant que n'étant pas sourde/muette, je ne pouvais penser à leur place et encore moins parler!!
Je t'en donne ci -après quelques uns, plus quelques réflexions philosophiques, et enfin, ma propre penée:
1- sur les témoignages:
Q/Bonjour,
je viens juste de m'inscrire sur ce forum pour essayer de comprendre comment une personne sourde pense. Ma question est la même que manumax mais j'aimerais avoir plus de précision en sachant évidemment que c'est très compliqué de rapporter les mécanismes de sa propre pensée.
Pour ce qui est des fonctionnements de ma pensée( je suis entendant), je pense la majorité du temps en me parlant à moi même, comme si une voix argumentais à l'intérieur de moi. D'où mon interrogation: si nous nous pensons avec des mots donc avec la langue, quelles sont les caractéristiques de la pensée d'un malentendant?
Fidelsf parle de pensée par image. J'ai essayé de pensé comme cela: c'est tout à fait possible pour nous entendant mais comme ce n'est pas quelque chose de naturel, nous avons plus de mal à l'utiliser. C'est surement une autre manière de pensée qui est à explorer. L'exemple de la pensée d'une personne sourde est très intéressante car cela démontre que l'on peut penser sans avoir des notions par rapport à un language oral, mais par un language signée.
Comme je m'intéresse au relation language et pensée en se moment, les précisons que vous pourrez m'apporter seraient très enrichissantes et instructifs.
merci
R/Je pense qu'il est légitime de se poser la question de la relation entre le langage et la pensée...c'est une très vieille question philosophique: y'a-t-il une pensée sans langage?, la pensée précède-t-elle le langage?, etc...
Mais je ne comprends pas qu'on se pose cette question par rapport aux sourds puisqu'ils ont une langue!!
Certes, leur langue n'a pas de sons...mais depuis quand les sons sont-ils directement liés à la pensée? Il me semble que, même lorsqu'on est entendant, on peut très bien comprendre cela! Vous avez sans doute déjà appris une langue étrangère? "Apple" et "pomme" ne sont pas une même suite de sons, et pourtant, ils renvoient bien au même objet du réel...ce que l'on voit, ce que l'on pense n'est donc pas directement lié aux sons de notre langue
Eh puis, non, vous ne vous "parlez" pas "à l'intérieur de vous" en permanence...Si vous faites la cuisine par exemple, vous ne vous dites pas (je suppose!) "Je prends un oeuf dans le réfrégirateur, je le casse, je prends une fourchette..." mais vous agissez d'une manière sensée (vous préparez bien une omelette!) donc vous pensez!!
D'après moi langage et pensée sont liés...mais "son" et pensée ne le sont pas!
2- sur l'aspect philosopphique(non exaustif):
Le langage et la pensée
Pour nous protéger des assauts du monde, nous avons toujours la ressource de prendre refuge dans nos pensées. Le repli sur soi peut donner le sentiment que "je me comprends", parce que je me possède toujours moi-même, parce que ma pensée m'appartient, parce que j'y suis immergé. Mais cette intimité du moi est-elle vraiment intelligente et consciente d'elle-même ? Peut-il y avoir une pensée claire là où il n’y a pas d’expression ? Le repli sur soi pourrait tout aussi bien relever du mutisme et de la confusion. Il est bien facile de prétendre que l’homme peut s’exprimer parce qu’il « pense », mais encore faudrait-il que cette pensée soit consciente d’elle-même. Mais peut-elle être consciente en-deçà de l’expression dans un langage ?
Étrangement, la position inverse est tout aussi problématique. La linguistique, forte de ses succès, portée par la mode du structuralisme, a tenté de ramener toute la pensée au langage. Elle en vient à dire que l’homme ne pense-t-il que parce qu’il parle et qu'il est "parlé" par la langue. Mais un esprit rempli de mots et confus verbalise aussi beaucoup ! Comme l’écrit Sartre : « Il fut un temps où l’on définissait la pensée indépendamment du langage, comme quelque chose d’insaisissable, d’ineffable qui préexistait à l’expression, Aujourd’hui, on tombe dans l’erreur inverse: on voudrait nous faire croire que la pensée est seulement du langage, comme si le langage n’était pas lui-même parlé ».
Formulé dans une question le problème serait celui-ci: dans quelle mesure le langage contribue-t-il à la formation de la pensée ?
2-1/
Le vécu et l’en-deçà du langage
Le premier point à considérer est la relation entre le vécu et le langage. Distinguons les termes. Par vécu il faut entendre le pâtir immédiat de la conscience, ce que la subjectivité éprouve, ce dont elle fait immédiatement l’expérience. Le langage, comme système de signes, semble relever d’emblée de ce qui est au contraire médiat, ( on parle même des médias ou mass média ), il est un intermédiaire dont se servent des sujets pour communiquer entre eux. Le langage est donc plus extérieur à soi que ne l’est le vécu.
1) Allons plus loin. Le vécu est-il la même chose que la pensée ? La plupart du temps, ce sont deux termes qui sont pris comme des équivalents. Le mot pensée désigne les constructions mentales. a) Les modes de conscience : ma perception de la pluie sur les carreaux ou ma démarche d’addition de mes comptes mensuels. Une image, un souvenir, sont mes « pensées ». b) Plus précisément, le mot pensée peut s’entendre comme les concepts, les idées, sur lesquels porte la réflexion. (texte)
Dans le premier sens, il est clair que je n’arrête pas de penser toute la journée ce qui inclut le fait de beaucoup verbaliser. Dans le second sens, je ne pense que lorsque je réfléchis vraiment, le reste du temps, je ne pense pas vraiment. La pensée c’est donc le flux de la conscience et son objet peut fort bien être une idée. L’idée est l’objet de la pensée, ce que la pensée pense, en bref, la forme qu’elle a en vue, qu’elle tient sous le regard de l’intellect.
On ne voit pas très bien comment une idée pourrait être pensée sans des mots, sans un langage. (texte) Par contre, le flux de la conscience peut exister sans le langage, sous la forme de conscience immédiate. Le vécu, dans le flux temporel de la conscience, n’est pas toujours verbalisé. Il arrive qu’il ne le soit pas. C’est par exemple le cas des sentiments. Au moment où, marchant dans une rue de boutiques de luxe, je me trouve face à face avec un homme dans la misère qui me tend la main, je ne peux pas ne pas éprouver un trouble. Cet homme exprime tant d’angoisse, tant de souffrance et d’humiliation que je ne peux pas être indifférent. La misère, la souffrance sont présents entraînant avec eux un sentiment d’affliction, de compassion, un haut-le-cœur devant la possibilité d’un tel état de chose au milieu de tout cet apparat. Le sentiment est là de lui-même, il surgit et n’a pas été provoqué par le langage; il est là d’abord comme sentiment, comme affection du cœur. Ce qui fait que je l’éprouve ne vient pas des mots que je mets bien plutôt ensuite dessus pour commenter, voire détourner le regard, ou bredouiller en sortant mon porte-monnaie. (texte)
D’ailleurs, si bien souvent mon langage est maladroit, si je ne sais pas mettre les mots justes, cela n’empêchera pas le sentiment d’advenir de lui-même. Il me faudra trouver les mots pour le dire. Il y a donc un passage à l’expression du vécu à travers le langage qui fait qu’il est impossible de réduire l’un à l’autre. La pensée immanente au vécu n’est pas le langage. Le passage à l’expression peut réussir ou échouer, ce qui voudrait dire qu’il peut y avoir une sorte de déformation de la pensée dans le langage ou bien que la pensée s’accomplit dans le langage.
Ce passage du vécu à son expression dans le langage, d’un point de vue logique, va : a) depuis l’immédiat vers le médiat. Le vécu c’est l’immédiat de ce qui est éprouvé, ce qui se donne sans distance, tandis que le langage est par définition un médiateur de la communication, un intermédiaire. Il ne saurait être aussi intime que le vécu. b) du singulier au général. Le langage en effet est du côté de ce qui est général, tandis que le sentiment est dans le singulier. c) du subjectif vers l’objectif. Ce que je suis, c’est une subjectivité et le langage se présente à moi comme un élément qui fait déjà partie du monde et qui m’oblige à une objectivité.
Ma réponse:
Nous échouons souvent à traduire ce que notre ame ressent.. Et en cela, il n'y a pas de dualité pensée/ langage, ni de catégories sourds-muets/ autres!! Il n'y a que nos EMOTIONS et notre capacité à s'ouvir à l'autre..
bizz
ps: c'est long, désolée, mais ne me "survolez" pas en me mettant des pouces en bas lol.. ayez la patience de me faire défiler(mon reve wawoo, et je prendrai la pose lol), et passez au suivant;-o))
2007-11-23 01:28:45
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answer #1
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answered by Anonymous
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