Extrait de l'avant-propos de "Une brève histoire de l'avenir" de Jacques ATTALI - Editions FAYARD
Aujourd'hui se décide ce que sera le monde en 2050 et se prépare ce qu'il sera en 2100. Selon la façon dont nous agissons, nos enfants et nos petits-enfants habiteront un monde vivable ou traverseront un enfer en nous haïssant. Pour leur laisser une planète fréquentable, il nous faut prendre la peine de penser l'avenir, de comprendre d'où il vient et comment agir sur lui. C'est possible : l'Histoire obéit à des lois qui permettent de la prévoir et de l'orienter.
La situation est simple : les forces du marché prennent en main la planète. Ultime expression du triomphe de l'individualisme, cette marche triomphante de l'argent explique l'essentiel des plus récents soubresauts de l'Histoire : pour l'accélérer, pour la refuser, pour la maîtriser.
Si cette évolution va à son terme, l'argent en finira avec tout ce qui peut lui nuire, y compris les Etats, qu'il détruira peu à peu, même les Etats-Unis d'Amérique. Devenu loi unique du monde, le marché formera ce que je nommerai l'hyperempire, insaisissable et planétaire, créateur de richesses marchandes et d'aliénations nouvelles, de fortunes et de misères extrêmes ; la nature y sera mise en coupe réglée ; tout sera privé, y compris l'armée, la police et la justice. L'être humain sera alors harnaché de prothèses, avant de devenir lui-même un artefact, vendu en série à des consommateurs devenant eux-mêmes artefacts. Puis, l'homme, désormais inutile à ses propres créations, disparaîtra.
Si l'humanité recule devant cet avenir et interrompt la globalisation par la violence, avant même d'être libérée de ses aliénations antérieures, elle basculera dans une succession de barbaries régressives et de batailles dévastatrices, utilisant des armes aujourd'hui impensables, opposant Etats, groupements religieux, entités terroristes et pirates privés. Je nommerai cette guerre l'hyperconflit. Il pourrait lui aussi faire disparaître l'humanité.
Enfin, si la mondialisation peut être contenue sans être refusée, si le marché peut être circonscrit sans être aboli, si la démocratie peut devenir planétaire tout en restant concrète, si la domination d'un empire sur le monde peut cesser, alors s'ouvrira un nouvel infini de liberté, de responsabilité, de dignité, de dépassement, de respect de l'autre. C'est ce que je nommerai l'hyperdémocratie. Celle-ci conduira à l'installation d'un gouvernement mondial démocratique et d'un ensemble d'institutions locales et régionales. Elle permettra à chacun, par un emploi réinventé des fabuleuses potentialités des prochaines technologies, d'aller vers la gratuité et l'abondance, de profiter équitabliment des bienfaits de l'imagination marchande, de préserver la liberté de ses propres excès comme de ses ennemis, de laisser aux générations à venir un environnement mieux protégé, de faire naître, à partir de toutes les sagesses du monde de nouvelles façons de vivre et de créer ensemble.
On peut alors raconter l'histoire des cinquante prochaines années : avant 2035, prendra fin la domination de l'empire américain, provisoire comme celle de tous ces prédécesseurs ; puis déferleront l'une après l'autre trois vagues d'avenir : hyperempire, hyperconflit, puis hyperdémocratie. Deux vagues a priori mortelles. Une troisième a priori impossible.
Sans doute ces trois avenirs se mêleront-ils ; ils s'imbriquent déjà. Je crois en la victoire, vers 2060, de l'hyperdémocratie, forme supérieure d'organisation de l'humanité, expression ultime du moteur de l'Histoire : la liberté.
2007-03-21 23:14:35
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answer #4
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answered by cdydy 2
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