Sans doute Camus, par ce roman du "cycle de l'absurde", a transposé sur le plan romanesque la théorie du Mythe de Sisyphe. C'est du moins la lecture immédiate que l'on peut faire de ce récit, celle que Sartre a fort bien éclairé dans Situations I. L'existence ici-bas n'a pas de sens. Les événements s'enchaînent de manière purement hasardeuse, et c'est une sorte de fatalité qui se dresse devant nous. C'est pourquoi Meursault se borne à faire l'inventaire des événements de manière froide, distante, comme si ceux-ci survenaient indépendamment de toute volition. Mais Meursault reste un personnage positif, qui s'accommode parfaitement de cette existence. Aussi ne triche-t-il pas avec la vérité, devant Marie ou le tribunal. Non qu'il manifeste ainsi un quelconque orgueil : simplement, il accepte les choses telles qu'elles sont et ne voit pas l'intérêt de mentir aux autres ou à lui-même.
En tuant l’Arabe, Meursault ne répond donc pas à un instinct meurtrier. Tout se passe comme s'il avait été le jouet du soleil et de la lumière. En ce sens, la relation du meurtre prend une dimension quasi mythique, d'autant que ce soleil et cette lumière sont omniprésents dans le roman, et agissent même concrètement sur les actes du narrateur-personnage.
La seconde partie du roman voit un Meursault emprisonné, contemplant sa mort en sursis, et obligé de réfléchir sur sa vie et son sens. Naîssent alors la révolte devant l'injustice, la révolte contre une mort qui survient trop tôt, et la réconciliation avec le monde et soi-même. Si on perçoit assez clairement la répugnance de Camus face à l'injustice et la peine de mort, on constate également que Meursault devient l'homme révolté que l'auteur évoquera plus tard. "Le contraire du suicidé, écrit Camus dans Le Mythe de Sisyphe, c'est le condamné à mort" : car le suicidé renonce, alors que le condamné se révolte. Or, la révolte est la seule position possible pour l'homme de l'absurde : "Je tire ainsi de l'absurde trois conséquences qui sont ma révolte, ma liberté et ma passion. Par le seul jeu de la conscience, je transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort - et je refuse le suicide." écrit encore Camus dans son essai;
Il n'en reste pas moins que L'Étranger pose encore de nombreuses questions auxquelles il est bien difficile de répondre. "Les grandes œuvres se reconnaissent à ce qu'elles débordent tous les commentaires qu'elles provoquent. C'est ainsi seulement qu'elles peuvent nous combler : en laissant toujours, derrière chaque porte, une autre porte ouverte.
Cependant, c'estune fiction et non un essai ; en effet Camus avoue lui-même avoir écrit l'Étranger dans un but de distraire : son roman est inscrit dans un but ludique, et non pas philosophique. Cependant il est difficile de ne pas faire de rapprochement entre cette fiction et l'existentialisme.
2007-03-21 05:05:13
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answer #1
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answered by Super 7
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Ça, ce n'est plus une question, c'est une "dissert" ...
2007-03-21 12:41:08
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answer #2
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answered by régis 6
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Tout dépend ce que tu entends par "héros"; en fait, il y a deux conceptions:
-un héros peut être (et c'est là l'héritage épique, depuis l'antiquité jusqu'aux grands romans de chevalerie), un personnage essentiellement noble, qui a des valeurs nobles, qui peut connaître l'erreur, le péché (type Lancelot du Lac) mais qui finit toujours par avoir une fin digne de sa vertu. C'est le héros idéalisé:
-Le problème, c'est qu'en littérature, des héros aussi univoques, à sens unique, il y en a peu: le moyen-âge interprétait le personnage d'Ulysse de manière négative: on voyait en lui la ruse et la traitrise et non les inventions subtiles. Le roman picaresque en Espagne a inventé un héros vil, une sorte de anti-héros; on dit aussi que Buchner a inventé le premier anti-héros.
En fait, il faudrait distinguer le héros comme personnage positif du héros comme pièce centrale de l'action, indépendamment de son sens moral.
La révolution de l'etranger appartient à la seconde sorte de héros: Camus parvient à créer un personnage en apparence vide, dénué de volonté, qui ne vit que par stimulus, envie passagère, désirs fugaces (cf. fumer une cigarette, Marie, le meurtre de l'arabe - à cause du jet de lumière); mais en prison, Meursault découvre la profondeur du fait de vivre, de ce qui n'était qu'une évidence sans saveur pour lui auparavant. C'est en ce sens un nouveau type de héros qui suscite une véritable interrogation morale sur la liberté, la vie, les sentiments, le rapport aux autres, le sens de la justice. Ce n'est pas Meursault qui a un comportement absurde, c'est l'ensemble de la société qui l'observe et le hait.
2007-03-21 18:49:25
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answer #3
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answered by Marko 3
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Mes souvenirs sont lointains, mais je dirais qu'il est à la fois héros et anti héros; de même que l'étranger est un roman circulaire, son protagoniste revêt tour à tour ces deux visages.
2007-03-21 12:04:42
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answer #4
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answered by La girafante 6
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