Quelques lectures intéressantes :
Qu'est-ce que le temps ? Qu'est-ce que l'espace ? Carlo Rovelli
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L'espace-temps comme champ gravitationnel
Les boucles de la gravitation quantique sont tout-à-fait comparables aux "lignes de Faraday" d'un champ électromagnétique qui se reboucle sur lui-même (entre les deux pôles d'un aimant par exemple). Il n'y a que le champ qui existe (un espace dépourvu de champ n'a aucune signification physique disait Einstein) et c'est donc ce champ qui est déformé. L'existence du champ électromagnétique n'est pas si mystérieux qu'il paraît car il n'y a rien de plus visible au contraire même si on ne voit pas les ondes radios par exemple, situées au-delà du "spectre visible" :
Un coup de génie de Maxwell est d'avoir compris que la lumière n'est rien d'autre qu'un des mouvements ondulatoires rapides des lignes de champ. On dit souvent que les champs sont "invisibles", alors qu'en réalité nous ne "voyons" que le champ ! Nous voyons la lumière réfléchie par les objets, et non pas les objets eux-mêmes directement. p22
La meilleure façon de décrire la grande découverte d'Einstein est de dire que l'espace de Newton n'existe pas : c'est en réalité le champ gravitationnel (...) Ce qui existe, c'est le champ gravitationnel : un objet physique élastique et dynamique du même genre que le champ électromagnétique. p24
Jusqu'il y a vingt ans, la relativité générale était considérée comme une théorie très belle mais exotique, connaissant peu d'applications et peu de confirmations expérimentales. Depuis lors, cependant, on a assisté à une explosion de confirmations expérimentales et des applications de la relativité générale. p27
D'une part, Einstein a découvert que l'espace est un champ, comme le champ électromagnétique. D'autre part, la mécanique quantique nous apprend que tout champ est formé de quanta, et qu'on ne peut décrire que le "nuage de probabilité" de ces quanta. Si l'on met ensemble ces deux idées, il s'ensuit immédiatement que l'espace, c'est-à-dire le champ gravitationnel, doit lui aussi présenter une structure granulaire, exactement comme le champ électromagnétique. Il doit donc y avoir des "grains d'espace". De plus, la dynamique de ces grains doit être probabiliste. Donc, l'espace doit être décrit comme un "nuage de probabilités de grains d'espace"... p30
Einstein a également découvert que l'espace et le temps ne peuvent être décrits qu'ensemble (...) Donc, quand j'ai dit que la notion d'espace devait être remplacée par le champ gravitationnel, ce n'était pas précis : c'est en fait la notion d'espace-temps qui doit être remplacée par celle de champ gravitationnel. Et donc c'est l'espace-temps qui doit devenir granulaire et probabiliste. p31
Ces boucles constituent les lignes de Faraday du champ gravitationnel quantique. On avait des lignes individuelles au lieu de l'ensemble continu de lignes du champ classique, parce qu'il s'agissait ici de la théorie quantique : dans la théorie quantique, le champ gravitationnel se brise en lignes de champs séparées les unes des autres, comme le champ électromagnétique se brise en photons. Mais puisque le champ gravitationnel est l'espace, nous ne pouvons dire que ces boucles sont immergées dans l'espace : elles sont l'espace elles-mêmes ! L'espace est constitué de ces boucles. p37
Pour représenter notre monde, il suffisait de superposer un grand nombre de solutions constituées d'une seule boucle chacune. On obtenait ainsi un "tissu" formé d'un nombre fini de boucles. contrairement au champ classique, où les lignes de Faraday sont en nombre infini, on peut compter le nombre de boucles dans le champ gravitationnel quantique (...) En l'absence de masses, les boucles restent fermées sur elles-mêmes. Au voisinage d'une masse, les boucles s'ouvrent, tout comme les boucles du champ électromagnétique s'ouvrent sous l'action des charges. p38
On pourrait dire que cette théorie réussit à quantifier l'espace, que celui-ci est devenu granulaire. Je préfère dire qu'il n'y a plus d'espace. Il n'y a que des particules, des champs et des boucles de champ gravitationnel, le tout en interaction. p39
- Le temps n'existe pas
Jusqu'ici je n'ai parlé que de l'espace, le moment est venu de parler du temps. p75
Le temps devient encore plus variable avec la théorie de la relativité générale. Un champ gravitationnel plus fort (au voisinage de la Terre, ou du Soleil, par exemple) fait fonctionner les horloges plus lentement. c'est d'ailleurs là la raison des corrections dues à la relativité générale qu'il faut introduire dans le fonctionnement du GPS. Le GPS est basé sur la mesure très précise du temps de parcours de signaux entre la terre et des satellites en orbite. Ceux-ci se déplacent à grande vitesse, et en plus ils sont un peu plus à l'extérieur du champ de gravité terrestre que nous. Donc leur temps n'est pas exactement le même qu'au sol : il s'écoule un tout petit peu plus lentement. Si l'on ne corrige pas les calculs des distances, en tenant compte de cette différence, le résultat sera totalement faux. Pour la petite histoire, la réalité de ces phénomènes est tellement contraire à notre intuition que lors du développement du système GPS, les généraux de l'armée américaine - qui étaient les responsables du projet - ont eu du mal à y croire (...) Pour être sûre, l'armée américaine a testé le système avec les deux options : une sans correction et une avec correction. p76-77
Que signifie cette idée que le temps n'existe pas ?
Cela signifie que nous ne mesurons jamais le temps lui-même. Nous mesurons toujours des variables physiques A, B, C... (oscillations, battements, et bien d'autres choses), et nous comparons toujours une variable avec une autre. p82
Tout comme l'espace, le temps devient une notion relationnelle. Il n'exprime qu'une relation entre les différents états des choses. p84
L'inexistence du temps dans les équations fondamentales de la théorie n'empêche pas que nous puissions faire des prédictions précises. Par exemple, au lieu de prédire la position d'un objet qui tombe "au bout de cinq secondes", nous pouvons prédire sa chute "après cinq oscillations du pendule". La différence est faible en pratique, mais grande d'un point de vue conceptuel, car cette démarche nous libère de toute contrainte sur les formes possibles de l'espace-temps. p84-85
- Boucles et cordes
A côté de la théorie des boucles, il existe aujourd'hui une autre théorie bien développée de la gravitation quantique : la "théorie des cordes". Celle-ci suppose que les particules élémentaires ne sont pas des particules, mais de petites cordes. Bien qu'il y ait un air de famille entre les cordes et les boucles, la différence est énorme : les cordes sont des petits segments qui bougent dans l'espace, tandis que les boucles sont elles-mêmes l'espace.
L'avantage de la théorie des cordes est qu'en plus de chercher une solution possible au problème de la gravitation quantique, c'est une théorie qui tente d'unifier toutes les forces et toutes les particules de la physique. Elle affiche donc une ambition de généralité plus grande que la théorie des boucles. p93
Dans la théorie des cordes, la gravitation réside simplement dans les excitations d'une corde qui se trouve plongée dans un espace (...) Il s'agit d'un espace fixe, classique, newtonien - dont on sait qu'il ne correspond pas à la réalité (...) En outre, pour fonctionner, la théorie des cordes a besoin d'un espace à dix dimensions ainsi que de particules supersymétriques, autant d'hypothèses très fortes et sans le moindre début de confirmation expérimentale à ce jour. p94-95
Au final, la théorie des cordes et la théorie des boucles pourraient s'avérer complémentaires (...) Malgré leur différence de perspectives, les deux théories ont indéniablement des points communs, en particulier l'idée centrale selon laquelle ce sont des objets à une dimension qui sont le support du champ gravitationnel à l'échelle fondamentale - qu'on les appelle cordes ou boucles. p97
Ma conclusion est que je ne serais pas du tout surpris si la géométrie non-commutative (d'Alain Connes) faisait partie, d'une manière ou l'autre, de la synthèse que nous cherchons. p98
Il est très important de dire que toutes ces théories restent hypothétiques. Chacune court le risque de s'avérer complètement fausse. p98
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http://superstringtheory.com/
http://www.pbs.org/wgbh/nova/elegant/program.html
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Si t'es motivé par une thèse
Un des problèmes encore non résolus de la physique contemporaine est de construire la théorie des interactions fortes à basses énergies. La phénoménologie à hautes énergies, ou petites distances, a été expliqué avec succès par une théorie de jauge non-abelienne, la chromodynamique quantique, dont les particules élémentaires sont les quarks et les gluons. A grandes distances cette description n'est plus adaptée, et il est généralement admis que l'interaction forte est décrite par une théorie des cordes. Cette théorie des cordes n'est pas encore identifiée, mais on s'attend à ce qu’elle puisse être obtenue comme une déformation de la corde supersymétrique à 10 dimensions.
Depuis une trentaine d'années, avec les travaux de 't Hooft, Migdal et Polyakov, on pense qu'il existe une dualité exacte entre les théories de jauge et celles des cordes. Il y a quelques années, cette hypothèse a été rendue plus précise par la conjecture de Maldacena, qui met en correspondance la théorie de cordes IIB dans un espace courbe, AdS5 x S5 et la théorie super-symétrique de Yang-Mills N=4. Cette dernière est une théorie conforme (CFT) et donc beaucoup plus simple que la chromodynamique quantique.
Les premières vérifications de cette conjecture, dite AdS/CFT, ont été faites pour les états protégés par la supersymétrie. Actuellement, des méthodes sont mises au point pour aller au-delà de ce secteur et vérifier quantitativement la conjecture dans le cadre le plus général. Ceci est devenu possible grâce aux structures intégrables découvertes du côté de la théorie de jauge et de la corde. L'intégrabilité de la théorie de jauge a été établie jusqu'à trois boucles dans la théorie des perturbations. à cet ordre, l'opérateur de dilatation s'avère être l'hamiltonien d'une chaîne de spins intégrable et donc il peut être diagonalisé par la technique de l'ansatz de Bethe.
Jusqu'à l'ordre de deux boucles, les résultats sont en accord parfait avec ceux obtenus du côté de la théorie des cordes en étudiant la limite classique du modèle sigma non-linéaire sur l'espace AdS5 x S5. A partir du troisième ordre, les résultats de la théorie des cordes et de la théorie de jauge ne coïncident plus, et ceci est probablement du à l'inversion de l'ordre des limites (limite constante de couplage grande vs. limite thermodynamique).
Pour vérifier cela, il est nécessaire d'avoir une solution complète de la chaîne de spin et du modèle sigma non-linéaire quantique. Nous proposons d'étudier l'intégrabilité de la théorie de jauge aux ordres plus élevés, où l'opérateur de dilatation est décrit par une chaîne de spins avec interactions à longue portée. Une autre direction de recherche serait d'étudier les corrections quantiques du modèle sigma non-linéaire de la corde.
2007-03-21 05:49:21
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answer #1
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answered by Anonymous
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