C'est la fois futile... et vital.
Futile, car dans la société d'aujourd'hui, certains estiment qu'être spécialiste dans "son" domaine, pointu et technique dans la branche que l'on exerce, suffit amplement à vivre. Je pense que ce plaisir qui consiste à être connaisseur d'un domaine qui nous est utile dans le cadre professionnel, ou a tout savoir du loisir que l'on préfère (par exemple le gars qui n'ignore rien de la pêche et ne fait que cela, celui qui vit pour le tuning ou le rugby sans jamais en sortir, en dehors de leur job) donne à ceux qui l'ont une fierté suffisante pour s'accepter, et un sentiment de domination de leur propre vie, même s'il n'est que limité et ponctuel...
Ca leur suffit : pourquoi iraient-ils chercher plus loin ?
Je pense que pour une partie de l'humanité, c'est ainsi que la culture générale est perçue. Comme une chose encombrante, inutile, démesurée donc inaccessible. Rien ne vous paraît plus haut que la montagne que vous n'avez pas commencé d'escalader, pas vrai ?
Tout n'est pas toujours fait, non plus, pour faciliter l'accès à cette culture. Les Nazis disaient "Quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver !" et considéraient celle-ci comme un instrument de l'esprit critique, donc dangereux (vous voyez pourquoi, je ne développe pas). Hitler considérait la foule comme peu évoluée, d'où sa communication orchestrée par Goebbels, fondée sur la répétition de slogans simples, qui "façonna" une partie de l'esprit des jeunes Allemands de 1933 à 1945, avec lesrésultats que l'on sait pour la paix du monde. Un petit extrait de son laïus, juste pour vous faire bondir un peu...
« La faculté d’assimilation de la grande masse n’est que très restreinte, son entendement est petit, par contre son manque de mémoire est grand. Donc, toute propagande efficace doit se limiter à des points forts et peu nombreux, et les faire valoir à coup de formules stéréotypées aussi longtemps qu’il le faudra, pour que le dernier des auditeurs soit à même de saisir l’idée. » (Mein Kampf) « L’âme de la masse n’est accessible qu’à l’idée de ce qui est entier et fort. De même que la femme est peu touchée par des raisonnements abstraits, qu’elle se soumet au fort tandis qu’elle domine le faible, la masse préfère le maître au suppliant, et se sent plus rassurée par une doctrine qui n’en admet aucune autre près d’elle, que par une libérale tolérance. »
No comment !
On peut aussi utiliser la culture (une culture soigneusement orientée s'entend) pour diriger les gens où on veut qu'ils aillent. En Corée du Nord (j'ai vu là -dessus un reportage effrayant, vous l'avez peut-être visionné, vous aussi), on inculque aux jeune enfants (en les faisant annoner des formules toutes faites et en leur racontant des histoires édifiantes) une pensée acquise aux idées du dictateur au pouvoir, et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres de l'utilisation abusive d'une culture orientée (cf. Chine de Mao, URSS de Staline, etc...)
D'où l'on peut conclure (puisque des politiques le pensent) que la culture peut conduire et déterminer une partie de la vie même... Tu parles dans une autre question, Athéna, des enfants entrant en 6ème sans savoir lire, dans notre France actuelle : c'est grave, mais ne serait-ce pas toléré, sinon voulu ?
Les plus sceptiques et négatifs vont parfois sous-entendre que dans l'Education Nationale, on formerait des abrutis à la chaine, pour en faire des citoyens soumis et réceptifs. Personnellement je pense que c'est plus compliqué que cela, heureusement... Mais ça donne à réfléchir, tout de même, non ?
A l'inverse, la culture est considérée par beaucoup (dans les pays les plus pauvres, par exemple, j'ai vécu en Afrique et je l'ai vu) comme l'accès vers la liberté : le savoir sert à tout, plus on en a, plus on est capable de faire un grand nombre de choses, plus on agit sur sa vie, et plus on l'améliore ! J'ai connu en Ouganda des élèves insatiables, qu'il fallait pousser hors de la salle de classe pour qu'ils s'en aillent et rentrent enfin chez eux...
Il y a donc un enjeu personnel à la culture, mais aussi politique, les deux étant intimement liés. Le tout est donc, pour chacun d'entre nous, d'y accéder, ou pas. Qu'est-ce qui peut aider à en bénéficier, et au contraire freiner l'acquisition de la culture personnelle ?
Dans les facteurs qui aident, incontestablement le "bain culturel" joue beaucoup. L'enfant que l'on a stimulé intellectuellement, à qui l'on a montré des choses variées dès l'enfance, a un champ de savoirs, donc une gamme d'émotions plus vaste que celui qu'on a laissé s'abrutir devant des jeux vidéo ou des séries télévisées.
Mais l'hérédité joue pas mal également. On a (ou pas) le "gène" de la curiosité, de l'ouverture d'esprit. La soif d'apprendre, de connaître, de découvrir ne s'inculque pas : on peut la favoriser; l'aider, mais non la créer de toutes pièces... Certains esprits se contentent naturellement de ce qui leur est utile ou de ce qui leur plaît (on revient ici au premier paragraphe) et leur "appétence" à la nouveauté est faible : c'est ainsi ! Et le chemin parcouru vers la culture générale dépend aussi de ces facteurs personnels, que je dirai "caractériels". (Je parle de mon expérience, ayant fréquenté les enfants depuis 25 ans dans le cadre de mon dur et passionnant métier, devinez lequel).
Ce qui n'aide pas : les loisirs aliénants. Ces jeux vidéo et cette télé qui vous aspirent l'esprit, vous gavent et vous remplissent, mais parfois d'un vide culturel inquiétant. Mais il n'y a pas que cela, loin de là ... Si de nombreux sports sont agréables et utiles (physiquement) à pratiquer, la monomanie (du football, du rugby par exemple) peut favoriser un repli sur le sujet de notre passion, et du même coup diminuer l'appétence pour le reste !
La spécialisation (on l'a dit au début aussi) peut donc être un élément handicapant, lorsqu'on se laisse happer par elle. Il faut savoir en même temps aller au bout de ce que l'on aime, et rester à l'éveil, ouvert sur ce qui provient d'autres horizons.
En même temps, de quoi se plaindrait-on aujourd'hui ? La culture est à portée de nos doigts (sur les claviers d'ordinateurs) et toute connaissance (on le voit bien avec le wikipédisme qui prévaut parfois ici) est accessible d'un ou deux clics de souris. C'est donc ultra-facile aujourd'hui de savoir, de trouver, de connaître... Plus qu'auparavant ! Non ?
Et pourtant, on peut parfois s'effrayer de la relative inculture de beaucoup de nos contemporains et de certains de nos jeunes. Les raisons sont nombreuses, nous en avons évoqué quelques unes. Mais c'est un sujet essentiel, primordial... Car il est lié à ce que nous cherchons tous (plus ou moins) : le bonheur !
Et ce sera ma conclusion. Le bonheur passe par la passion, le plaisir, l'envie satisfaite. Or pour cela, il faut avoir des envies, justement. Et je suis frappé de voir cet ennemi mortel du bonheur qui sévit aussi bien chez certains retraités qui dépriment parce que ne travaillant plus, ils "n'ont plus rien à faire" et donc "ne valent plus rien", aussi bien que chez ces jeunes des cités ou d'ailleurs, qui errent comme des âmes en peine dès que l'ipod, l'écran ou le scooter ne sont plus à portée de main : "on n'a rien à faire, eeehh... on s'emmerde, ici... alors faut bien qu'on s'occupe !"
L'ennui, c'est la plaie absolue. Générateur d'insatisfaction, de dévalorisation de soi-même. A l'inverse, la culture personnelle, qui procure une émulation interne (on veut toujours en savoir un peu plus, et chaque nouvelle connaissance pointe une nouvelle ignorance, qu'on veut combler, et qui nous ouvre sur de nouvelles problématiques) est comme une sorte de "réaction en chaîne" de l'esprit. Elle entretient un feu intérieur qui nous occupe, nous enrichit, nous appelle toujours ailleurs et plus loin, et nous permet de découvrir autour de nous un monde fascinant...
C'est un effet ensuite exponentiel : on s'aperçoit que chaque nouvelle connaissance dévoile de notre ignorance un coin nouveau du grand tableau de la vie, et plus celui-ci s'agrandit, plus on a envie d'en connaître les limites, les contours, les détails... C'est ainsi qu'on est devenu heureux, sans s'en rendre compte, par ses propres moyens. (Même s'il n'y a pas que cela dans le bonheur, l'amour et les conditions matérielles de vie jouent aussi leur part, of course)
En gros, le savoir, c'est un ticket pour le bonheur. Plusieurs moyens sont à notre portée (la lecture étant le moins utilisé des jeunes de notre temps, et ils le regretteront peut-être un jour), mais le "moteur" de cette envie qui nous pousse à chercher le savoir est en chacun de nous. Si personne n'a été là pour actionner le bouton, à chacun de le trouver, pour appuyer dessus !
2007-03-09 05:02:29
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answer #4
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answered by boisgobey 3
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