Rezala : l'insoutenable confession
Si on avait fait ça à quelqu'un de ma famille, j'aurai tué le coupable, je lui aurai arraché le cœur et l'aurai bouffé. Que dieu aide les familles et qu'il me donne que du malheur. C'est dur à supporter. Je suis un être humain, j'ai aussi un coeur. J'ai essayé plusieurs fois de me suicider, Dieu n'a pas voulu de moi. Je me suis ouvert les veines, essayé à la carotide et la pendaison à l'hôpital San Joao de Deus, l'hôpital de la prison de Caixas. Je voulais me pendre dans les chiottes, le nœud s'est cassé un surveillant m'a dépendu. Il m'a mis deux claques, je n'ai rien dit et je suis allé pleurer dans un coin comme un gamin. Ça n'a pas réussi. Alors, j'ai tenté de m'évader. On m'a balancé,j'avais trouvé un bleu de travail pour me déguiser.
Les flics français sont venus me voir. Ils ont tenté de me faire parler. Ils m'ont retenu pendant douze heures. Ils sont venus avec une dizaine de paquets de cigarettes. Parfois, ils me prenaient pour un gamin, d'autres fois pour un dur. Il y avait aussi un juge avec eux. Je ne leur ai rien dit. Ils sont repartis sans rien. Ils avaient fait la misère à ma famille. Ils ont menacé mon frère, ils lui ont dit qu'en sortant du commissariat, une voiture allait le renverser et qu'elle n'aurait pas fait exprès.
Dans le train, j'étais défoncé. A l'époque, je buvais deux litres de Jack Daniels par jour, mélangé au shit, et je prenais aussi des cachets, c'était des " missiles " (des acides en forme d'ogives, NDLR). Je ne voyage jamais seul. Quand tu voles dans les trains, tu as toujours besoin de quelqu'un pour faire le guet. Mais les mecs avec qui j'étais ne se sont aperçus de rien. J'enroulais ma chemise autour de mon bras, je restais en tee-shirt et personne voyait le sang sur ma chemise. Ce n'était pas très difficile de faire les sacs, surtout la nuit, en plus les contrôleurs te laissent tranquilles. Tu fais semblant de dormir, ils ne te réveillent pas. En général, je vidais le portefeuille, je prenais l'argent et je le remettais à sa place ou je le lançais sous la banquette. Une fois, j'ai braqué le shit d'un mec, je lui ai montré mon colt, il m'a donné les 25 grammes qu'il avait.
"C'est un flash, tu la vois morte"
Pour Emilie Bazin, il y a des gens qui ont vu le cadavre dans la maison, mais ils n'ont rien dit, c'était sans doute pour me protéger trois personnes au moins étaient au courant. Je ne sais pas pourquoi je m'en suis pris à des femmes. Je n'ai jamais eu de problèmes avec elles. Au contraire, elles m'ont élevé, en Algérie. Je ne sais pas. Je faisais plutôt peur aux mecs. Moi, je n'ai jamais eu peur de personne, sauf de Dieu. Le mal ne pouvait pas m'atteindre. Je me sens fort.
J'ai fait la connaissance d'Emilie Bazin à l'université d'Amiens. Je vendais du shit. Les étudiants ont peur d'aller dans les cités, alors j'allais leur vendre sur place. Tout le monde fumait du teushi. Les étudiants se retrouvaient à la Maison bleue, ils se roulaient des joints. Des potes d'Emilie me l'ont présentée, elle fumait aussi. On a sympathisé. Elle sortait avec deux mecs. Il y en avait un, c'était un gros. Une fois, je l'ai vu pleurer, ça m'a fait pitié. J'étais en train de connaître la même situation avec Nadia. A elle, je ne pouvais pas lui faire de mal. Il pleurait parce qu'il souffrait avec Emilie. Je l'aimais bien. Je l'ai tuée pour venger son mec. Je trouvais dégueulasse de faire souffrir un mec. Trente secondes avant, je ne savais pas que j'allais la tuer. C'est un flash, tu la vois morte, c'est comme un ordre qu'on te donne en image et après tu l'exécutes.
Isabelle Peake, c'était un peu pareil. Elle était très douce. On a sympathisé à la gare de Limoges, il était 3 heures du mat. Elle allait à Paris, elle devait rejoindre son mec en Angleterre, elle voulait l'appeler. Elle m'a demandé mon portable, je lui ai prêté. J'ai toujours aidé les autres, si tu as froid, je peux enlever ma chemise et te la donner. Mes parents m'ont appris. Elle a téléphoné à son mec, elle a tiré sur mon joint. J'ai encore vu ce flash...
Corinne Caillaux, elle, c'était complètement gratuit. De la folie pure. Je ne comprends pas. Je l'ai suivie dans les toilettes du train pour l'endormir (amadouer, en langage des cités, NDLR) en lui parlant pour lui faire son sac. Je voulais juste la voler. Elle était avec son petit chien. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je n'ai pas vu qu'elle avait un gamin parce que je n'aurais rien fait, c'est sûr. Pour moi, les enfants, c'est plus fort que tout. Si quelqu'un prend mes gosses et me dit tu te flingues ou sinon c est eux, je le ferais sans hésitation. Tu as un flash, tu ne vois plus rien, tu es poussé par... Quand tu fais ça, ce n'est pas toi, tu ne contrôles plus rien. Tu ne réalises même pas quand tu vois le sang. C'est la nuit que ça vient, tu commences à réaliser quand tu te retrouves seul. Je ne dors pas la nuit. Je crie, je me lève, je me débats, et puis après, ça me calme.
Ici, à l'hôpital San Joao de Deus, c'est l'hosto de la prison, je suis entré le 26 avril. Il y a une psy qui m'aide. Je ne la vois pas assez souvent. Je ne prends les médicaments que la nuit, j'avale aussi deux anti-dépresseurs. Sans ça, je ne dors pas. Dans mes cauchemars, je me vois mort, tué d'une balle dans la tête par un flic. Je me réveille, je crie, je tape contre les murs, je veux mourir. Il y a un de mes codétenus qui me parle, il me prend dans ses bras, il me parle de Dieu, alors je me calme. Les médicaments qu'on me donne ici, je les vends. Cent escudos le cachet, ça permet de survivre. Sans argent, tu n'es rien. Faut se débrouiller. En février, mon premier séjour à l'hôpital de la prison, on me gavait de médicaments. Ça n'a pas duré longtemps, j'ai trouvé mes marques ici. On me laisse tranquille et j'emmerde personne. On sait que je n'ai rien à perdre.
2007-01-25 21:24:59
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