Nicolas Sarkozy a traversé l'Océan Atlantique pour serrer la main de George W. Bush, se présentant comme « Sarko, l'Américain ». Que le Ministre de l'Intérieur aime l'Amérique et les Américains ne doit pas surprendre ; de la part d'un Français c'est même naturel. Que M. Sarkozy veuille se transformer en Américain peut sembler excessif, mais, à la rigueur, pourquoi pas, l'outrance fait partie du personnage. Mais qu'il confonde sciemment l'Amérique et son président est une faute politique majeure. D'une fusion personnelle revendiquée avec l'Amérique, il est passé à une symbiose avec son contestable Président. Ce n'est plus seulement « Sarko l'Américain », mais « George W. Sarkozy ».
Aimer l'Amérique oui, mais laquelle ? Nous admirons celle de Martin Luther King, celle de Franklin Delano Roosevelt et de son dirigisme keynésien, celle du 1er amendement qui garantit la liberté d'expression, celle de Michael Moore dénonçant les compromissions du pouvoir, celle de Bob Wodward et de Carl Bernstein dans l'affaire du Watergate, celle de Ralph Nader et de son mouvement de citoyens environnementalistes quand Nicolas Sarkozy vénère celle de Wall Street, celle de l'ultralibéralisme qui multiplie les travailleurs-pauvres, celle de Guantanamo et celle de Carl Rowe et ses coups tordus, celle de Schwarzenegger et son populisme fiscal, celle aussi du scientologue Tom Cruise avec lequel il s'exhibait à Bercy il y a peu.
Au-delà des différences de goût, ce qui est frappant et inquiète, c'est le soutien qu'apporte le numéro 2 du gouvernement français à l'administration Bush. Outre la question éthique posée par un Ministre d'Etat qui fait sa campagne personnelle aux frais du contribuable français, les positions favorables de Nicolas Sarkozy sur la politique étrangère de l'administration Bush provoquent un malaise à la hauteur de l'enjeu et posent une interrogation fondamentale pour la France et l'Europe, surtout compte tenu du rôle joué par l'une et l'autre dans le passé récent.
Les lecteurs du Washington Post ont pu lire après la visite de Nicolas Sarkozy à la Maison Blanche, le commentaire suivant : « Nicolas Sarkozy a prononcé sans aucune honte un discours proaméricain. Il a eu le genre de rhétorique qu'on aurait attendue d'un responsable de l'administration Bush, particulièrement sur l'Iran, Israël et la lutte contre le terrorisme. » Un lecteur du New York Times du même jour a pu lire l'analyse suivante : « Il a utilisé son voyage pour se distinguer de ce qu'il considère comme la diplomatie maladroite de son gouvernement dans des crises comme l'Irak et le Liban ».
Revenons à l'année 2003. Alors que de très importantes manifestations à Londres, Berlin, Madrid et Rome montraient l'hostilité de l'opinion européenne à la politique étrangère de Bush, il était du devoir de la France d'utiliser tous les instruments pour défendre ses convictions, à savoir le multilatéralisme, le droit international et la diplomatie, afin d'éviter une guerre illégale. Qu'on s'en souvienne : cette guerre fut motivée par deux raisons avouées, les liens prétendus de Saddam Hussein et Al-Qaida et la détention supposée d'armes de destruction massive. L'ONU ne voulant pas de cette guerre qu'elle savait illégitime, le rôle joué par la France fut décisif pour rallier les pays indécis autour du respect du droit international et ne pas rendre l'ONU complice de cette voie de fait. La position française a contraint Bush à contourner l'ONU, jouant de sa rhétorique empruntée au western plus qu'à la diplomatie, avouant ainsi qu'il préférait l'usage de la force au respect du droit, et laissant la vérité, nue, surgir : les enjeux pétroliers justifiaient cette guerre, indépendamment de toute considération pour une hypothétique démocratie irakienne et sans aucune prévision des conséquences géopolitiques de ses actes à court comme à moyen terme.
Plus de trois ans après, on peut juger rétrospectivement les positions de chacun et observer que, comme prévu, les liens avec Al-Qaida se sont révélés factices, et qu'aucune espèce d'armes de destruction massive n'a été trouvée. La guerre en Irak est donc privée de tout fondement. Pire : l'Irak s'enfonce chaque jour davantage dans la guerre civile, le terrorisme alors inexistant est quotidien, et il est avéré que Bush a outrageusement manipulé l'opinion. Il a menti au Congrès et à son opinion alors qu'il s'apprêtait à engager la vie de milliers de ses soldats. Quand on aime vraiment le peuple américain, on ne peut se réjouir de l'insulte qui lui a été faite. Il a menti devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, présentant même de grossiers montages photographiques en guise de preuve. Il a menti à ses alliés. Il a pratiqué la désinformation et la menace auprès des petits pays. Il a humilié les organes multilatéraux de résolution pacifique des conflits. Il a mis en doute leur utilité dès qu'ils ne suivaient pas aveuglément les Etats-Unis, contribuant ainsi à les affaiblir. Tout cela pour faire une guerre qui se transforme en bourbier pour les malheureux citoyens américains portant l'uniforme en Irak.
Le plus grave est que, comme vient de le révéler un rapport du Conseil national du renseignement américain, depuis l'invasion de l'Irak, le monde est moins sûr et la menace terroriste n'a jamais été aussi forte. Le Moyen Orient est plus instable que jamais ; Israël se sent moins en sécurité ; la perspective d'un État palestinien s'est encore éloignée ; la République islamique d'Iran s'impose comme une puissance régionale incontournable et la Syrie est redevenue un interlocuteur qui pèse. Le fossé s'est encore creusé entre le monde musulman et le monde occidental. L'incompréhension est totale.
Tout cela valait-il la poignée de mains de Washington dans le bureau de Mme Rice ? Car il est en France un Ministre d'Etat de l'Intérieur qui prétend que la menace de veto, faite par le gouvernement auquel il appartient pourtant, fut « arrogante ». Face à la faillite de la diplomatie de Bush, Nicolas Sarkozy fait acte d'allégeance. S'il avait été aux responsabilités au moment de cette crise, il y aurait donc sans qu'il soit possible désormais d'en douter des soldats français en train de se faire tuer à Mossoul, à Bagdad, à Bassora. La France serait co-responsable et comptable de la plus grande faute de politique internationale commise depuis des décennies. Et, par l'alignement atlantiste de Sarkozy, la France se trouverait être complice des violations des droits de l'homme dont les Etats-Unis sont devenus coutumiers, notamment dans leurs centres de détention, qu'il s'agisse des prisonniers de Guantanamo arrachés aux règles élémentaires de protection posées par le droit international, qu'il s'agisse des ignobles tortures de la prison d'Abu Graib, ou qu'il s'agisse encore des prisons secrètes installées en Europe pour échapper au droit américain. Et c'est devant le responsable en chef de toutes ces atteintes aux droits de l'homme que Nicolas Sarkozy quémande une entrevue.
Admirateur de ceux qui ont insulté la démocratie, Nicolas Sarkozy ne rêve sans doute que de les imiter. En annonçant son soutien à la politique de George Bush, le candidat Sarkozy se rallie à la vision d'un monde où les grandes puissances agiraient de manière unilatérale et violente. Il serait tout de même étrange et regrettable qu'au moment où, après l'Espagne et l'Italie, la Grande Bretagne semble s'éloigner de cette conception, ce soit la France qui en devienne le nouveau porte étendard en Europe. Tony Blair va quitter le pouvoir à cause de son alignement aveugle sur Bush, Nicolas Sarkozy semble pourtant atteint de la même cécité. Et, bravache et prétentieux, il souligne son prétendu courage à défendre les Etats-Unis. Mais quel courage y a-t-il à se soumettre devant la première puissance impériale de ce pauvre monde ?
La France partage avec les Etats-Unis la volonté de voir les valeurs de démocratie, de respect des droits de l'homme et de liberté se diffuser sur la planète. Nous estimons pourtant que les moyens doivent être pacifiques et s'appuyer sur les institutions internationales. Etre un allié, c'est soutenir l'autre, mais c'est aussi être franc envers lui quand il se fourvoie. En exprimant honnêtement mais fermement ses convictions, la France s'est non seulement comportée en alliée mais en ami, libre, dialoguant honnêtement avec une autre grande puissance, les Etats-Unis. Que ne fut-elle entendue alors !
Ce voyage coûtera très cher au Président de l'UMP, et si les Français par mégarde, désinvolture ou malheur fermaient les yeux dessus, c'est à la France et sa réputation d'équilibre, de liens entre les deux mondes qui s'affrontent, et aux Français qu'il coûtera cher
2007-01-27 12:36:44
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answer #2
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answered by Teixeira Jean paul 3
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Les partis politiques ont pour première vocation d'organiser le jeu politique et d'offrir à tous, toutes origines confondues, l'opportunité d'accéder au pouvoir.
C'est un vecteur, en théorie bien sûr, d'égalité des chances.
Nul besoin d'avoir fait une grande école ou d'avoir une fortune personnelle pour militer, faire connaître ses idées et son charisme, et finalement accéder aux plus hautes fonctions. En théorie du moins. La réalité est moins flatteuse puisque les mieux armés dans les grands partis seront ceux qui seront passés par des formations de type Sciences-Politiques qui préparent à l'exercice du pouvoir. De même quiconque jouit d'une aisance financière a plus de temps à consacrer à sa montée en puissance au sein d'un parti en l'absence du premier mandat qui lui apportera une source de revenus.
On voit cependant des hommes et femmes politiques en France qui ne brillent pas par leur niveau d'études ou leur patrimoine mais qui néanmoins savent défendre des idées, quoi que l'on puisse penser du réalisme de celles-ci (Bové, Laguiller, Besancenot...)
La théorie est moins évidente au sein des grands partis il est vrai où un système de réseau privilégie l'émergence d'hommes et de femmes issus du même milieu que ceux à la direction desdits partis...
Au sein de ces grands partis coexistent de multiples courants d'idées, parfois antagonistes. C'est non seulement normal mais salutaire. On aboutirait sinon à des partis monolithiques porteurs d'une pensée unique et d'où serait banie l'idée même d'innovation, condition indispensable du progrès, quel que soit le contexte... Ces courants aboutissent à la création de clans qui hélas parfois s'entredéchirent et donnent une image peu flatteuse de la politique, surtout quand les intérêts des hommes passent avant la défense des idées. C'est tout le drame du PS et de l'UMP/RPR depuis 25 ans...
Le dernier représentant français ayant eu plus à coeur le destin de la France que celui de son parti restera sans doute VGE, vraisemblablement parcequ'il était dans le cadre d'une France en fin de reconstruction à l'issue des 30 Glorieuses. Il maintiendra ainsi en fonction Raymond Barre jusqu'au terme du mandat présidentiel, contre l'avis de tous ses conseillers de campagne, ce qui ira dans le sens de sa non-réélection, aidée il est vrai par les coups bas d'un certain Jacques Chirac... Raymond Barre est pourtant reconnu aujourd'hui par tous les intervenants politiques comme l'un des meilleurs économistes que la France ait produit et son action sous VGE a permis au pays de passer les deux crises pétrolières bien mieux que les autres pays européens, au prix il est vrai d'une baisse sensible du pouvoir d'achat des français à l'époque. Mais une autre politique aurait vraisemblablement entraîné dès alors une explosion du chômage très au-delà des chiffres d'alors et un appauvrissement de la France. Nul n'est prophète en son pays il est vrai...
Depuis 25 ans les problématiques sont toutes autres. Plus question de lutter contre une crise pétrolière qui frappait l'ensemble des pays du monde mais une nécessité de permettre à la France de trouver sa place dans une économie mondialisée. Et il faut reconnaître que UMP et PS peinent à trouver la solution, sans doute parcequ'ils sont au moins autant attachés à se présenter comme els détenteurs de la Solution qu'à chercher la solution qui nous permettrait de sortir de l'ornière.
Le plus grand danger pour la France aujourd'hui ce n'est plus la fracture sociale, qui est une résultante, mais la fracture politique. L'opposition droite gauche systématique ne peut plus être acceptée devant l'ampleur des défis à relever. Les deux courants doivent s'accepter et surtout accepter les bonnes idées d'où qu'elles viennent. Ni l'UMP ni le PS ne sont aujourd'hui entrés dans cette dynamique, ces grands partis étant sclérosés par des décennies de luttes partisanes.
L'UDF quant à lui propose par sa position médiane résolument nouvelle (qui ira aujourd'hui qualifier Bayrou de soutien de la droite quand il vote contre le Budget proposé par le gouvernement Villepin !) de rassembler les énergies réformatrices d'où qu'elles viennent.
Nous sommes entrés dans une ère qui n'a rien à envier à celles des chocs pétroliers. La mondialisation est là, il faut l'accepter. mais elle doit être canalisée. Des règles du jeu nouvelles doivent s'imposer où éthique et morale auront leur place. Cela ne se peut que si le pays tout entier avance dans le même sens et peut ainsi faire avancer dans son sens l'Union Européenne qui à son tour pourra infléchir la marche du monde. pour que cet élan national existe, tous les courants doivent accepter non plus de simplement cohabiter mais de travailler ensemble. Seul François Bayrou me semble à même aujourd'hui de permettre à cette nouvelle configuration politique d'émerger. Alors votons UDF puisque UMP et PS n'ont toujours pas compris l'urgence...
2007-01-25 04:27:34
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answer #3
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answered by Oracle 4
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