D'après ses déclarations, sa vie privée se limite à son chat !!!
Croisille la cristalline
De vous à moi, Nicole Croisille est de retour pour ses quarante ans de carrière. Sa tournée intimiste, combinée à la promotion d’un album des essentiels (dont deux titres inédits), sonne le glas de son absence remarquée.
Au Théâtre de Dix Heures, où elle se donne littéralement jusqu’au 8 février, Croisille se veut cristalline, avec le désir de vérité. Cet animal du music-hall, structure polymorphe évoluant sur scène, doué de facultés vocales éprouvées, capable de mimer ou de jouer la comédie, de danser, nous a livré sa parole sans retenue. Croisille, comme le cristal, fragile, si elle est violemment traitée, se casse. Celui-ci scintille aussi dès que le feu des projecteurs l’illumine. Élégance et transparence comme qualités.
Sa tournée, Nicole Croisille la conçoit en forme d’aveu et de don de soi. Ses interlocuteurs peuvent douter de sa crédibilité au vu de la longueur de sa disparition. Mais chez elle, la langue de bois n’existe pas. Clarté du propos, énergie sans faille, travail pour se parfaire dominent. Elle ne pouvait qu’ouvrir son retour par cet aphorisme nourri de transparence. De vous à moi, son spectacle qu’elle étrenne actuellement au Théâtre de Dix Heures, à Paris, fait salle comble. Elle flirte quotidiennement avec bonheur avec son public. Quarante ans de carrière, certes, mais combien d’embûches et de soubresauts dans cette quête du public qui ne le lui a pas toujours si bien rendu ? Problèmes et joies ponctuent nos semblables existences. Histoire de famille aussi. Elle lance spontanément avoir toujours dansé, " depuis l’âge de trois ans, pas pour imiter les vedettes de la télévision, c’était manifestement un don ". Grâce au soutien de sa mère, pianiste à la carrière inassouvie, Nicole fait des petits pas. " Mon père était normalement inquiet pour l’avenir de sa progéniture. · l’époque, il voulait que j’ai un boulot administratif et sérieux dans une grosse institution comme l’UNESCO ! " Les pères exigent souvent une vie lisse et rangée pour leur fille unique. Nicole sera une " gamine solitaire, paresseuse, qui s’évade en lisant des bouquins d’aventures. Jules Verne. ". Pourquoi ce choix ? " Je voulais être un garçon. Mon père souhaitait un fils, il me l’a fait sentir pendant toutes les années d’enfance. J’ai logiquement voulu lui faire plaisir. Après, je trouvais insupportable d’être une bonne femme parce qu’une fille, on ne la laisse pas faire les mêmes choses que les garçons, enfin dans ma jeunesse. " Elle pense toujours à poursuivre sa carrière toute tracée de danseuse étoile. Sur son parcours, il y en aura de nombreuses. Celles qui jaillissent de ses yeux d’enfants quand " les soldats américains offraient gomme à mâcher, chocolat et oranges à la Libération ". Celle que la destinée généreuse placera sur son chemin artistique, dans son champ amical, la bonne étoile. La musique jazzy, imprégnée de blues et de gospel, de Maya Jackson la transportera. Les comédies musicales hollywoodiennes aideront à forger un goût immodéré pour le spectacle, la danse. Quand la féerie du rêve devient réalité ! Ginger Rodgers, Fred Astaire, Gene Kelly, Judy Garland, son univers culturel, par extension professionnelle et personnelle, sera perpétuellement mâtiné de cette source noire américaine. Prédisposée à incarner, jouer, Nicole a toujours " souhaité être quelqu’un d’autre ". Celle que son père a empêchée d’" être petit rat de l’Opéra " passe son bac. Sa propension à maîtriser les langues étrangères devait la conduire vers une carrière de traductrice. " Mes parents, d’un milieu très moyen, n’ont plus de sou pour financer mes études. Alors, je passe une audition pour rentrer à la Comédie-Française. " Dans la maison de Molière, Nicole, pour sa première apparition, intègre la petite troupe de danseurs qui y officie. La suite s’enchaîne, comme des étoiles filantes, lumineuses, cristallines qui se suivent selon une trajectoire où le talent est épaulé par une force de travail acharné. Marcel Marceau la prend immédiatement après : " Deux mois après, je suis engagée dans sa troupe de mimes. Il a téléphoné chez moi, mais mon père a refusé. Cela m’a définitivement débranchée des liens familiaux. Parce que j’estimais qu’avoir vingt ou vingt et un ans, c’est pareil ! " Ces épisodes d’incompréhension marqueront son manque d’empressement pour créer une famille. " Ce que j’en ai expérimenté étant jeune ne m’a pas donné envie d’en fonder une ! " Dont acte. Sa vie privée se limite à son chat, nous dit-elle. Comédienne, chanteuse, sa voix la portera aux sommets. Ce désir de monter sur une scène " pour être aimée, pour transmettre à d’autres ce que la musique me fait ressentir comme émotions fantastiques ", fait que Nicole touche à tout. Tour latino-américain avec le mime Marceau. Puis elle décroche un premier rôle dans une comédie musicale de Jean Marais, l’Apprenti fakir, sur une chorégraphie de Georges Rech. En 1961, Nicole se lance dans l’enregistrement d’une chanson. Le jazz qu’elle a découvert aux USA la grise. Choisit d’interpréter Halleluyah, I love him so du grand Ray Charles. La même année, elle fait la première partie de Jacques Brel à l’Olympia. Une autre étoile, stable et fidèle, se pose sur son chemin. Lelouch ne la quittera plus. La cooptera souvent. En 1966, avec la complicité de Francis Lai et Pierre Barouh, elle grave sur vinyle l’un des plus gros succès internationaux du moment : Un homme et une femme. Claude décroche la Palme d’or du Festival de Cannes. Un disque d’or aux États-Unis consacrera Croisille et sa bande. En 1968, le cinéaste Marcel Carné, visiteur du soir et enfant du paradis, lui fait changer de pseudonyme pour devenir Tuesday Jackson. Elle chantera I never leave you, thème du film les Jeunes Loups. Tube gigantesque. Les succès se multiplient : Quand nous n’aurons que la tendresse, Parlez-moi de lui, la Garonne, Téléphone-moi, Femme. Puis un soir de septembre 1976, lors de sa première à l’Olympia, elle s’envole comme une étoile, la ville des lumières lui fait un standing ovation. Sa carrière cinématographique et théâtrale parallèle se poursuit et constitue toujours son avenir, " si les rôles sont intéressants ". Ses amours pour le jazz la mènent vers Didier Lockwood, Steve Grossman. L’africanité du jazz, au fond, la conduit à Dakar. Un album, Black et blanche, naît. Un spectacle au Casino de Paris en 1991 en tirera ce nom. Aujourd’hui, le choix du Théâtre de Dix Heures est volontaire. Pas forcé par la conjoncture, son album s’est déjà vendu à 40 000 exemplaires. Parce que " la trajectoire logique d’un artiste, quelle que soit la branche, c’est de partir du plus époustouflant et, en épurant, aller vers l’essentiel ".
Stéphane Godin
2006-11-25 21:07:02
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answer #1
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answered by schludo12 4
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