Le droit de préemption urbain
Principes généraux
Dans les procédures d'expropriation, le propriétaire peut être obligé de céder son bien à la puissance publique, même s'il souhaite le conserver. Le droit de préemption obéit à une logique différente. Ici, c'est la puissance publique, principalement la commune, qui s'interpose entre un vendeur et un acquéreur. Contrairement à l'expropriation qui peut frapper un propriétaire jouissant paisiblement de son patrimoine, le droit de préemption ne concerne donc que les personnes qui souhaitent vendre un bien immobilier. Dès lors qu'il n'y a plus d'intention de vendre, le droit de préemption n'a plus d'objet, par définition.
Le droit de préemption permet donc à une collectivité publique d'acquérir un bien immobilier, le plus souvent en se substituant à l'acquéreur trouvé par le vendeur.
Les zones concernées
Ce droit ne peut intervenir que dans des zones préalablement définies par un acte administratif, qui désigne en même temps le titulaire de droit.
On distingue ainsi les droits de préemption dans les espaces naturels sensibles, que peuvent exercer les Départements, les zones agricoles où les Safer peuvent intervenir, les Zones d'Aménagement Différé (ZAD) qui ne concernent que les territoires non couverts par un Plan d'Occupation des Sols (POS).
Mais le plus courant est le droit de préemption urbain (DPU) que la commune peut exercer sur tout ou partie de son territoire.
Par souci de simplification, c'est ce seul DPU qui sera traité ici.
Les motifs invoqués
La collectivité publique ne peut exercer son droit de préemption que dans les zones géographiques bien délimitées au préalable, et uniquement pour mettre en œuvre des opérations d'intérêt général : réalisation d'équipements collectifs, valorisation du patrimoine, lutte contre l'insalubrité, développement d'activités économiques, etc.
L'exercice du DPU doit toujours préciser le motif invoqué (cf. ci-après).
Les opérations concernées
Le DPU concerne l'ensemble des mutations immobilières à titre onéreux : ventes (quelles qu'en soient les conditions), échanges, apports en société, vente aux enchères volontaires, les cessions de droits indivis à un tiers, etc. Sont donc exclus les transmissions à titre gratuit (donation, succession), les partages de communauté ou de succession, les cessions de droits indivis à un membre de l'indivision, les transferts de jouissance, les ventes dans le cadre de liquidations judiciaires.
La récente loi Solidarité et Renouvellement Urbain a soumis au DPU les ventes forcées dans le cadre de saisies immobilières.
Le DPU concerne tous les types de biens (terrains, constructions, etc.) à l'exception des immeubles achevés depuis moins de dix ans et des logements isolés dans les copropriétés. Mais, même pour ces deux derniers cas, la commune peut instituer un droit de préemption "renforcé" par délibération motivée du conseil municipal.
Les droits du propriétaire
Tout propriétaire peut adresser une simple lettre à la mairie pour savoir si son bien peut faire l'objet d'un DPU.
Si le bien est soumis à un DPU, son propriétaire peut en proposer l'acquisition à la commune, même s'il ne l'a pas encore mis en vente. Il lui suffit d'adresser (en recommandé avec AR) le formulaire appelé "déclaration d'intention d'aliéner" (DIA) qui précise le prix demandé.
Si la commune accepte, la vente est supposée conclue. Et le prix doit être versé dans les six mois.
En l'absence de réponse après un délai de deux mois ou en cas de refus express, le propriétaire est libre de vendre son bien à tout acquéreur potentiel, mais seulement au prix précisé dans la DIA.
La commune peut aussi manifester sa volonté d'exercer son droit de préemption mais à un prix inférieur à celui demandé. Elle doit alors engager une procédure de fixation du prix auprès du tribunal de grande instance (cf. ci-après).
La procédure de préemption
Généralement, la procédure débute quand le vendeur a trouvé un acquéreur potentiel. Après la signature de l'avant-contrat, le notaire chargé de la rédaction de l'acte envoie, au nom du vendeur, une DIA à la mairie, qui précise naturellement les conditions de la vente.
Cette formalité est indispensable : en l'absence de DIA, la commune peut, en effet, introduire une action en justice devant le tribunal de grande instance dans les cinq ans qui suivent la transaction pour faire annuler la vente.
Dès lors plusieurs hypothèses sont possibles.
A. La commune peut renoncer à exercer son droit, soit par décision expresse, soit en ne répondant pas dans le délai de deux mois après la réception de la DIA. Dans ce cas, le vendeur peut céder le bien, sans limitation de durée, aux conditions et prix définis dans le formulaire.
B. La commune décide d'exercer son droit de préemption. Elle doit le faire savoir dans le délai de deux mois au propriétaire, en précisant avec précision le motif invoqué.
En l'absence de motif ou en présence d'une décision insuffisamment motivée, le propriétaire peut contester la décision auprès du tribunal administratif.
B1. La commune accepte les conditions demandées. La vente est censée parfaite puisqu'il y a accord sur le chose et le prix. Le vendeur est obligé de signer l'acte authentique de cession avec la commune.
B2. La commune propose un prix inférieur.
Dans ce cas, le propriétaire dispose de deux mois pour formuler sa réponse écrite. Là encore, plusieurs hypothèses sont possibles.
B2a. Le propriétaire renonce à vendre le bien, soit de façon expresse, soit en ne répondant pas pendant le délai de deux mois.
B2b. Le propriétaire accepte le prix proposé par la commune. La vente est supposée parfaite : l'acte authentique doit être signé dans les trois mois qui suivent et le prix doit être versé dans les six mois.
B2c. Le propriétaire refuse le prix proposé. Dans les quinze jours qui suivent sa réponse, la commune doit saisir le juge de l'expropriation (au tribunal de grande instance) et demander une fixation judiciaire du prix.
Si le délai de quinze jours n'est pas respecté, la Commune est censée avoir renoncé à son droit de préemption.
Dans les huit jours qui suivent sa saisine, le juge fixe une date pour visiter les lieux et la communique aux parties en présence, au moins quinze jours à l'avance. En audience publique, le juge fixe ensuite la valeur des biens en question en tenant compte des différents paramètres en sa possession.
Les parties en présence et toute personne intéressée (locataire, etc.) peuvent faire appel du jugement auprès de la Cour d'appel compétente dans les quinze jours qui suivent la notification.
Une fois que le prix judiciaire a été fixé de façon définitive (après l'arrêt de la Cour d'appel ou après épuisement des délais d'appel), il s'impose aux deux parties et le propriétaire et la commune disposent de deux mois pour accepter la transaction.
Le silence des deux parties au terme de ce délai équivaut à une acceptation tacite.
L'acte authentique doit ensuite être signé dans les trois mois qui suivent et le prix doit être versé dans les six mois.
Si la commune refuse le prix judiciaire, le propriétaire peut vendre le bien à la personne de son choix mais au prix fixé par le tribunal, dans un délai de cinq ans.
A tout moment, et pendant les deux mois qui suivent la fixation définitive du prix par voie judiciaire, le propriétaire peut aussi revenir sur son intention de vendre et conserver le bien.
Le droit de rétrocession
On l'a vue : le DPU doit être exercé dans un but d'intérêt général, qui doit être précisé dans la décision de la commune. Les anciens propriétaires et les acquéreurs lésés bénéficient donc d'un droit de regard sur l'utilisation ultérieure du bien.
Si, dans les cinq ans qui suivent, la commune affecte ou cède le bien à d'autres fins que celles annoncées, elle doit en prévenir l'ancien propriétaire et lui proposer de racheter l'immeuble. Si elle ne propose pas cette rétrocession, ce dernier peut engager une action en justice dans les cinq ans qui suivent l'utilisation non conforme du bien et demander, en plus de la rétrocession, des dommages-intérêts.
Une fois informé, l'ancien propriétaire dispose de deux mois pour faire connaître sa décision (son silence étant assimilé à une renonciation) et proposer éventuellement une contre-évaluation. Dès réception de sa réponse, la Commune dispose de deux mois pour accepter de rétrocéder le bien au prix proposé ou pour saisir le juge de l'expropriation.
Une fois que le prix judiciaire a été fixé de façon définitive (après l'arrêt de la Cour d'appel ou après épuisement des délais d'appel), l'ancien propriétaire dispose de trois mois pour formuler une acceptation expresse (son silence étant assimilé à une renonciation).
Si l'ancien propriétaire renonce à son droit de rétrocession, la commune doit engager la même procédure à l'égard de l'acquéreur évincé lors de la préemption.
A condition naturellement que son identité ait été précisée dans la DIA.
Cette procédure complexe explique que les communes ont tout intérêt à respecter les engagements pris.
2006-11-20 08:20:11
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answer #2
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answered by surlekiviv 7
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