Alors... si vraiment tu veux la réponse du point de vue catholique, c'est une vaste question qui exige une vaste réponse.
Cette réponse un peu longue, j'ai pris beaucoup de temps pour la rédiger. J'ai fait attention d'être compréhensible mais je pense qu'il faut me lire avec attention et bien se mettre dans les conceptions que je développe pour voir comment elles découlent tout naturellement les unes des autres. J'espère que j'ai répondu à ta question, et surtout j'espère que je ne me suis trompé sur aucun point et qu'il n'y a rien que l'Esprit Saint n'eût pu dire.
D'abord, le point sur les réponses données avant moi:
- il est faux de dire (comme gilles n) qu'il y a eu des femmes évêques ou prétresses dans l'Antiquité. Cela a existé certes, mais dans des sectes hérétiques des bords de la mer Noire, donc pas dans l'Eglise catholique. En revanche il est vrai qu'il y a eu des diaconesses jusqu'à une certaine époque que je ne peux pas préciser. Peut-être (peut-être, je dis bien) que c'est interdit maintenant parce qu'avant c'était juste considéré comme une fonction dans l'Eglise, alors qu'aujourd'hui c'est le premier degré de l'ordination. Il doit y avoir aussi le poids de la Tradition, parce que pendant longtemps il n'y avait de diacres que les séminaristes. Mais la Tradition, dans l'Eglise catholique (à la différence des protestants) ne compte pas moins que les Ecritures. Les diacres "permanents" qui vivent en laïcs et peuvent se marier ont été recréés par Vatican II. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas, comme le dit Maud, une "décision prise assez tard".
- le célibat des évêques et des prêtres peut, lui, être considéré comme une décision tardive. En tant que décision obligatoire pour tous les prêtres et évêques, en effet c'est tardif, sous l'influence des moines, et parce qu'on commençait à se transmettre les hautes dignités épiscopales de père en fils, ce qui empêchait le renouvellement social et mettait en péril le caractère pieux et religieux de ces fonctions. Je ne crois pas que ce soient là de mauvais motifs... On peut donc dire que c'est une décision tardive, mais sans jamais oublier que le célibat consacré a toujours existé chez les chrétiens, dès l'origine: simplement au début il n'était pas obligatoire.
- la papesse Jeanne est une légende, tout-à-fait explicable d'ailleurs: ça fait fantasmer, ces processus d'inversion/transgression... Par ailleurs, à supposer qu'elle ait existé, comme il s'agit d'une usurpation dont personne ne s'était aperçu jusqu'à ce qu'elle accouche en pleine procession (ça la fout mal quand même), on ne peut pas dire qu'on autorisait autrefois les femmes papes: on pourrait juste dire qu'une femme a un jour réussi à se faire élire pape parce que personne ne l'avait devinée; ça ne veut pas dire que c'était autorisé... Je n'ai jamais entendu parler de Guillelma etc. et de ses cardinales, mais une chose est absolument certaine: vu la date, si elle a existé et a fait ce que Iconoclaste raconte, elle n'était pas dans l'Eglise catholique. Il ne peut s'agir que d'une hérésie et d'un schisme. Au XIIIe siècle, tout cela était largement fixé. On ne peut donc pas non plus invoquer son cas pour parler du point de vue catholique là-dessus.
- il est effectivement faux de dire qu'on a décidé au moyen-âge si la femme avait ou non une âme. Les femmes ont toujours tenu une place très éminente et très singulière dans l'Eglise, je veux dire qu'elles aussi ont des statuts qui ne sont pas accessibles aux hommes. Ce qui a dû se passer, c'est qu'un jour des théologiens délirants se sont mis à dire que la femme n'avait pas d'âme: alors l'Eglise a dit explicitement que si, elles en ont une. Cela s'est passé très souvent dans l'histoire des "définitions dogmatiques": quelqu'un remet en cause une idée dont personne encore ne doutait, alors l'Eglise se pose la question et y apporte une réponse nette.
Bon maintenant que j'ai fait ce bilan, passons à l'explication, puisque tu dis que tu as posé une question sérieuse en t'adressant aux gens qui connaissent la réponse.
Commençons par le pape. Il ne peut pas y avoir de papesse parce que le pape est l'évêque de Rome et qu'il ne peut pas y avoir d'évêque femme, c'est tout simple!
Les évêques. Il ne peut pas y avoir d'évêque femme pour deux raisons: 1/ parce que dans la foule de ses disciples, qui comptait beaucoup de femmes (dont certaines jouent dans les Evangiles un rôle plus grand que certains Apôtres), le Christ n'a sélectionné que des hommes pour être ses Apôtres. Ces Apôtres ne sont pas des gens plus proches de Jésus que les autres disciples: par exemple au pied de la croix, tous ses Apôtres l'avaient lâché, sauf Jean, mais il y avait des femmes. De même c'est les femmes qui se rendent au tombeau et qui découvrent qu'il est ouvert et vide, pas les hommes. Si ce ne sont pas des gens plus proches de Jésus, alors ce sont juste des gens qui ont un statut différent. Ce qu'on appelle l'ordination, aujourd'hui. Et les évêques d'aujourd'hui sont les successeurs directs, non pas des disciples, mais des Apôtres: comme le Christ a sélectionné des hommes au début, encore aujourd'hui il ne choisit que des hommes pour continuer leur fonction bien particulière. Que les évêques soient les successeurs des Apôtres, c'est une idée qu'on trouve dès les origines du christianisme. 2/ il ne peut pas y avoir d'évêque femme parce que les évêques sont prêtres et qu'il ne peut pas y avoir de prêtre femme.
Les prêtres. C'est le point le plus important.
1 Il faut d'abord se demander ce que c'est qu'un prêtre. Dans toutes les religions, le prêtre c'est celui qui s'adresse à la divinité au nom des humains (comme le prophète est celui qui s'adresse aux humains au nom de la divinité, cf. récemment sur Y! Q/R une question sur les prophètes). Et tout particulièrement, c'est celui qui offre le sacrifice: les humains prélèvent sur leurs propres biens quelque chose qu'on offre à la divinité, pour différentes raisons, qui ne sont pas différentes des raisons pour lesquelles tu offres un cadeau à tes parents ou à ta chérie (sacrifice d'action de grâce pour remercier, sacrifice propitiatoire pour se rendre la divinité favorable, sacrifice expiatoire pour se faire pardonner les offenses qu'on a commises envers la divinité en question).
2 Pour les chrétiens, qui est prêtre? C'est le Christ, et lui seul, et une fois pour toutes. Sa mort sur la croix, c'est son sacrifice: il est à la fois le prêtre parfait, parce qu'à la différence des prêtres purement humains il n'a jamais péché; et il est l'offrande parfaite, parce qu'il est l'offrande sans tache, sans péché. En lui, c'est Dieu qui s'offre à Dieu comme un homme, à la façon d'un homme, et pour les hommes; c'est la perfection qui s'offre à la perfection, en sacrifice d'action de grâce, de propitiation et d'expiation pour nous (lui n'en a pas besoin). Et comme son sacrifice est parfait, il est définitif et il est le dernier sacrifice, qui n'a pas besoin d'être complété par d'autres sacrifices.
3 Or lorsque Dieu est venu dans le monde, il avait bien le choix. Et il a choisi d'être un homme, un humain de sexe masculin. Il faut respecter ce choix, et c'est pourquoi on ne peut ordonner prêtre que des humains de sexe masculin.
4 Mais, me direz-vous, si le seul prêtre c'est le Christ, et si son sacrifice est le dernier, pourquoi encore des messes et pourquoi encore des prêtres? Il n'y a plus qu'à se réjouir et à progresser dans la foi; et on se fiche bien que ce soient des hommes ou des femmes qui continuent cette oeuvre, puisque ce n'est plus l'oeuvre qu'a accompli le Christ, puisque le Christ l'a fait une fois pour toutes? C'est exactement ce que se sont dits les protestants: pour eux le culte n'est plus que le rappel du sacrifice du Christ, et du coup ce n'est pas important que ce soit des hommes ou des femmes qui prêchent et qui célèbrent. Mais pour les catholiques c'est très différent.
5 Effectivement, même chez les catholiques, ce n'est pas très important, dans des circonstances normales, que ce soit un homme ou une femme qui s'exprime sur la foi, qui enseigne la foi, etc. Les femmes font très souvent le catéchisme, sont appelées à témoigner autant que les hommes, etc. Mais dans la messe, ce n'est pas la prédication et l'enseignement qui sont l'essentiel. L'essentiel c'est l'Eucharistie. L'Eucharistie, c'est la célébration du sacrifice du Christ. Non pas comme un souvenir (comme chez les protestants) ou comme un re-sacrifice du Christ (comme ils croient que les catholiques croient), mais c'est ce sacrifice-là qui a été fait par Jésus Christ mourant un jour d'avril 30 (ou quelque chose comme ça) c'est celui-là même (et non pas un tout pareil) qui se produit dans la messe. De messe en messe et jusqu'aux jours de la crucifixion et de la résurrection, c'est un seul sacrifice qui a lieu. Pour te représenter, prends une feuille de papier, plie-là en 8, prends une aiguille et perce en plein milieu. Quand tu déplies la feuille, tu as fait une seule fois un seul trou, mais il y en a plusieurs, à des endroits différents de la feuille. C'est à peu près la même chose: le sacrifice du Christ a traversé et transcende le déroulement du temps (la feuille dépliée). La messe c'est un temps hors du temps, parce qu'il est le même moment éternel qui est toutes les messes et les trois jours du sacrifice du Christ.
6 Tu vois bien quelles sont les conséquences de cette vision de la messe: le pain et le vin qui sont offerts et qui sont consacrés, ce n'est pas du pain et du vin, c'est le Christ Lui-même, puisque c'est le Christ qui est l'offrande du sacrifice. Et l'homme qui célèbre l'Eucharistie, ce n'est pas cet homme, c'est le Christ, puisque c'est le Christ Lui-même qui est le prêtre du sacrifice. En théologie on dit que le prêtre agit "in persona Christi": il est la figure que prend le Christ pour venir célébrer le sacrifice, le sacrifice de lui-même avec ce qui prend la figure de pain et de vin. Et comme, en venant un jour dans la chair, il a choisi la chair d'un homme pour accomplir son sacrifice, c'est dans la chair d'un homme qu'il vient éternellement.
Mais on peut pousser encore l'explication.
7 L'Eglise est appelée par saint Paul "corps du Christ". C'est une image qu'il développe à plusieurs reprises (1e épître aux Corinthiens, 12, 12-27 ; épître aux Colossiens, 2, 17-19 ; épître aux Ephésiens, 4, 1-16). Il dit que nous sommes unis au Christ, de manière à ne former qu'un seul corps ensemble et avec lui, et que la tête de ce corps, c'est le Christ. Or ce qui réalise notre union en un seul corps, c'est tout simplement la communion à ce corps de Jésus qui s'est rendu présent lors du sacrifice sous l'aspect du pain et du vin. Comme dans un corps, chacun a son rôle à jouer, qui n'est pas moins important que les autres rôles, même s'il est moins visible. Dans la messe, la Tête c'est-à-dire Jésus joue son rôle qui est de nous nourrir, de nous fournir des forces qui sont la vie et l'amour de Dieu ("ce n'est pas seulement de pain que l'homme vivra" dit le Christ en Luc 4, 3 "mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu", c'est-à-dire Jésus Christ lui-même). Le prêtre qui est là n'est, encore une fois, pas là pour lui-même mais pour que le Christ se rende présent; il faut donc que ce soit un homme.
8 Cela rejoint ce que j'ai dit plus haut, mais il existe une autre image de l'Eglise: c'est celle de l'Epouse du Christ. L'Eglise est l'Epouse du Christ et la Mère des chrétiens. Dans la messe, il n'y a pas seulement la communion en tant qu'unité corporelle avec Jésus Christ, mais il y aussi l'aspect d'union charnelle entre le Christ et l'Epouse, par lequel des hommes et des femmes sont engendrés comme Fils et Filles de Dieu. Ces deux aspects ne sont pas contradictoires: justement cela rejoint exactement la conception chrétienne du mariage: c'est que les deux époux ne font plus qu'une seule chair. La preuve qu'ils ne font plus qu'une seule chair, c'est que leurs chromosomes se mettent ensemble et ne forment plus qu'un seul être, qui est comme la matérialisation de leur amour, et cela c'est l'enfant. C'est exactement la même chose qui se passe dans la messe. Je n'hésite pas à dire que dans la messe, c'est le Christ qui fait l'amour avec l'Eglise; parce que si des catholiques pensent que ça ne convient pas à la messe de dire ça, c'est qu'ils ont une basse idée de l'union charnelle, et qu'ils ont tort, comme on le voit à tout ce que je viens d'expliquer.
9 Mais à tout cela, on voit bien qu'il faut que le Christ soit un homme, et que ce n'est pas indifférent. Car lorsque le prêtre humain dit les paroles du Christ "ceci est mon corps livré pour vous", ce n'est pas seulement le Christ qui s'adresse à l'Eglise, mais c'est le prêtre humain aussi qui peut s'appliquer cette parole, parce que vraiment, par le célibat consacré, il a livré son corps à l'Eglise seule, et qu'en ce moment où il célèbre la messe il est le Christ qui s'unit à l'Eglise, et il est un chrétien à qui le Christ s'unit.
Bien à toi
2006-11-08 20:23:35
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answer #1
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answered by Saxo Grammaticus 3
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