Ãconomie sociale
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On regroupe sous le terme d'économie sociale tout un pan de l'activité économique qui n'est
* ni une entreprise capitaliste, puisque ses buts et les règles internes en différent (pas d'objectif de recherche de profit). Elles peuvent cependant être parfois en concurrence avec des entreprises capitalistes sur un même marché.
* ni une entreprise publique, puisqu'elles dépendent du secteur privé. Elles partagent cependant des objectifs avec le secteur public.
On parle ainsi de troisième ou tiers secteur : le premier secteur étant le secteur capitaliste dont le but est la rentabilisation des investissements par la recherche de profit, et le deuxième secteur étant le secteur public dont l'activité cherche à satisfaire ce qu'il juge être l'intérêt général. L'appelation tiers secteur amène à considérer l'économie sociale comme une forme pour « entreprendre autrement ».
On parle aussi d'économie sociale et solidaire en y incluant de nouvelles formes d'activités, dont notamment l'insertion par l'activité économique.
La 2e Rencontre internationale sur la globalisation de la solidarité (Québec, octobre 2001) a défini ainsi l'économie sociale : « L'économie sociale et solidaire désigne un ensemble d'initiatives économiques à finalité sociale qui participent à la construction d'une nouvelle façon de vivre et de penser l'économie à travers des dizaines de milliers de projets dans les pays du Nord comme du Sud. Elle place la personne humaine au centre du développement économique et social. La solidarité en économie repose sur un projet tout à la fois économique, politique et social, qui entraîne une nouvelle manière de faire de la politique et d'établir les relations humaines sur la base du consensus et de l'agir citoyen ».
Sommaire
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* 1 Composition et principes de l'économie sociale
o 1.1 Les 4 familles de l'économie sociale
o 1.2 Les principes
* 2 Historique du mouvement coopératif et mutualiste
* 3 Définitions et activités par pays
o 3.1 En Belgique
o 3.2 Au Canada
o 3.3 En France
o 3.4 En Italie
o 3.5 En Espagne
o 3.6 En Suède
o 3.7 En Suisse
* 4 Liens
* 5 Polémique
* 6 Voir aussi
o 6.1 Liens externes
Composition et principes de l'économie sociale [modifier]
Les 4 familles de l'économie sociale [modifier]
Dans la pratique, l'économie sociale correspond à des types d'organisation avec des statuts juridiques précis :
* les Associations
* les Mutuelles
* les Coopératives
* les Fondations
L'économie sociale présente une proportion importante des entreprises et des emplois au sein de l'Union Européenne. Les plus importantes sont les coopératives avec 63 millions de membres et plus de 370 milliards d'euros de chiffre d'affaire ; puis les mutuelles de prévoyance avec 47 millions de sociétaires et un chiffre d'affaire de 22 milliards d'euros ; ensuite les 25 millions de familles couvertes par des coopératives et des mutuelles d'assurance pour un chiffre d'affaire de 40 milliards ; et enfin les 40 millions d'associés et 3 millions de salariés animant des associations.
Source : Commission Européenne (4 mars 1993).
L'Amérique du Sud, le Canada et l'Europe de l'Est bénéficient aussi d'une part importante de l'économie sociale.
Les principes [modifier]
L'économie sociale se compose des activités économiques exercées par des sociétés, principalement des coopératives, des mutuelles et des associations dont l'éthique se traduit par les principes suivants :
* Un statut privé
* La primauté de l’Homme sur le capital,
* Un but non lucratif ou de non recherche de profit,
* Un secteur économique à part entière qui Åuvre sur le marché mais avec ses principes propres,
* L’indivisibilité des réserves : patrimoine collectif et impartageable,
* Une finalité explicite au service de la collectivité : intérêt général et utilité sociale,
* Un processus de décision démocratique : « une personne, une voix » (et non «une action, une voix» comme dans le capitalisme),
* Une autonomie de gestion,
* Un ancrage territorial ou sectoriel.
Certains rapprochent l'économie sociale des communautés du logiciel libre.
Historique du mouvement coopératif et mutualiste [modifier]
Voir histoire de l'économie sociale.
Définitions et activités par pays [modifier]
En Belgique [modifier]
En Flandre, selon le VOSEC, « l'économie sociale consiste en une diversité d'entreprises et d'initiatives qui mettent en avant dans leurs objectifs la réalisation de certaines plus-values sociales et qui respectent les principes suivants : priorité du travail sur le capital, processus de décision démocratique, implication sociale, transparence, qualité, durabilité. Une attention particulière est portée à la qualité des relations internes et externes. Ces organisations offrent des biens et des services sur le marché et engagent leurs moyens économiques d'une manière efficace dans le but d'assurer leur continuité et leur rentabilité. »
En Wallonie, le Conseil Wallon de l'Economie Sociale (CWES) a adopté en 1990 une formulation issue de ce genre de démarche dans laquelle le concept d'économie sociale se construit (1) en identifiant les principales formes d'organisation que l'on retrouve - a priori - dans le troisième secteur et (2) en affirmant l'existence d'une éthique spécifique à ces organisations.
Définition de l'économie sociale "L'économie sociale se compose d'activités économiques exercées par des sociétés, principalement coopératives, des mutualités et des associations dont l'éthique se traduit par les principes suivants:
finalité de service aux membres ou à la collectivité plutôt que de profit, autonomie de gestion, processus de décision démocratique, primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus." (Conseil Wallon de l'Economie Sociale[1990])
Tout en reconnaissant l'existence de certains cas-frontières, on a maintenant coutume de repérer les organisations de l'économie sociale à la forme juridique qu'elles adoptent et qui consacrent les principes repris dans la définition du CWES. Ainsi, on rassemble sous le terme « économie sociale » des associations (ASBL, associations de fait, établissements d'utilité publique), des mutuelles (mutualités et unions nationales de mutualités) et des sociétés (sociétés coopératives à véritable projet coopératif et sociétés qui adoptent la qualité de société à finalité sociale), en supposant qu'elles respectent dans une large mesure les principes suivants qui sont autant de critères d'appartenance à un ensemble qui se démarque du secteur public et du secteur privé à but de lucre :
1. La finalité de service aux membres ou à la collectivité plutôt que de profit, qui insiste sur le fait que l'activité économique sociale est un service rendu aux membres ou à d'autres personnes et non un outil de rapport financier[5]. Les bénéfices sont un moyen de mieux réaliser ce service, mais non le mobile principal de l'activité.
2. L'autonomie de gestion, qui vise surtout à distinguer l'économie sociale des pouvoirs publics. En effet, les activités économiques menées par ces derniers ne disposent généralement pas de la large autonomie qui constitue un ressort essentiel de la dynamique associative.
3. La démocratie, qui renvoie au principe « un homme - une voix » (et non « une action-une voix ») dans les organes souverains et souligne que l'adhésion et la participation aux décisions ne peuvent découler principalement de la propriété d'un capital.
4. La primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus, qui traduit des pratiques telles que la rémunération limitée du capital, la répartition des excédents sous forme de ristournes, la réserve pour investissements, l'affectation sociale...etc.
Au Canada [modifier]
* Définition de l'Observatoire en économie sociale de l'Outaouais : http://www.uqo.ca/observer/SocialGeneral/definition.html
* Définition de l'Ãquipe économie sociale, santé et bien-être (EESSBE) : http://www.unites.uqam.ca/essbe/definition.htm
* Conférence sur l'économie sociale, allocution de Marie-Hélène Méthé : http://www.sadcdufjord.qc.ca/formpub/actes/Conf%C3%A9rence.html
* Lévesque Benoît, Mendell Marguerite, « L'économie sociale au Québec : éléments théoriques et empiriques pour le débat et la recherche » : http://www.crises.uqam.ca/c99/9908a.htm
En France [modifier]
En France, l'économie sociale regroupe les mutuelles, les coopératives, les associations et les fondations. Elle représente 10% du PIB et des emplois.
Les CRES (Chambres régionales d'économie sociale) fournissent un soutien logistique (information, conseil, études) au secteur au niveau régional et le CEGES au niveau national.
* C'est quoi, l'économie sociale ? : http://cidcspes.free.fr/index.html
* En France, l'économie sociale se structure à travers le CEGES : http://ceges.org/home_cadre.php
* On trouve également un espace ressource dédié aux initiatives socio-économiques sur le site de l'AVISE : http://www.avise.org
Il existe depuis 1982 une Direction interministèrielle de l'économie sociale (DIES). De 1997 à 2002, il y a eu un secrétariat d'Etat a l'économie solidaire dépendant du ministère de l'économie, avec a sa tête Guy Hascoët.
Définition de l'économie
Définition de l'esthétique
L’économie est l’ensemble des échanges généralisés
des produits consommables
et des rapports fluctuants
de leur production, de leur distribution et de leur consommation,
ensemble dont les actions tendent
simultanément et paradoxalement
vers la prolifération de la rareté et la raréfaction de l’abondance.
L'objet de l'économie politique*
L. Robbins
Introduction
Le but de cet essai est d'exposer la nature et la signification de la Science économique. Sa première tâche est donc de délimiter l'objet de cette science de donner une définition pratique de ce qu'est l'Ãconomie.
Malheureusement, c'est loin d'être aussi simple que cela paraît. Les efforts des économistes durant ces dernières cent cinquante années ont abouti à l'établissement d'un corps de généralisations dont l'exactitude et l'importance substantielles ne sont mises en doute due par les ignorants ou les gens qui ont l'esprit de contradiction. Mais l'unanimité n'a pas été atteinte sur la question de la nature définitive de l'objet commun de ces généralisations. Les chapitres principaux des ouvrages classiques d'Ãconomie politique détaillent, avec quelques variantes mineures, les principes essentiels de la science. Mais les chapitres qui exposent l'objet du travail présentent encore de grandes divergences. Nous parlons tous des mêmes choses, mais nous ne nous sommes pas encore mis d'accord sur ce dont nous parlons.
Cette circonstance n'est en aucune façon inattendue ou déshonorante. Comme Stuart Mill l'a observé il y a cent ans, la définition d'une science a presque invariablement suivi, et non pas précédé, la création de la science elle-même. " Comme le mur d'une ville, elle a été généralement érigée non comme un réceptacle pour les édifices qui pourraient s'y élever par la suite, mais pour circonscrire un ensemble déjà existant ". Certes, il s'en suit de la nature même d'une science que, tant qu'elle n'a pas atteint un certain degré de développement, une définition de son but est nécessairement impossible. Car l'unité d'une science ne se montre que dans l'unité des problèmes qu'elle est en mesure de résoudre, et on ne peut découvrir cette unité avant d'avoir établi l'interrelation de ses principes d'exposition. L'économie moderne prend sa source dans diverses sphères distinctes de l'étude pratique et philosophique dans l'examen de la balance commerciale, dans les discussions sur la légitimité de la perception de l'intérêt. Ce n'est qu'à une époque récente qu'elle est devenue suffisamment unifiée pour qu'il fût possible de découvrir l'identité des problèmes sous-jacents à ces différentes études. A une époque antérieure, toute tentative de découvrir la nature finale de la science eût été nécessairement vouée au désastre. C'eût été perdre son temps que d'entreprendre un tel travail.
Mais une fois ce stade d'unification atteint, non seulement ce n'est pas une perte de temps que d'entreprendre une délimitation précise, mais c'est perdre du temps due de ne pas le faire. On ne peut poursuivre des études que si leur objectif est clairement indiqué. Ce n'est plus une réflexion naïve qui indique les problèmes. Ils sont manifestés par des lacunes dans l'unité de la théorie, par des insuffisances dans ses principes d'exposition. Tant qu'on n'a pas saisi ce qu'est cette unité, on est exposé à s'engager sur de fausses pistes. Il est peu douteux que l'un des plus grands dangers qui menacent l'économiste moderne soit la préoccupation de questions étrangères à son sujet - la multiplication des activités ne se rapportant que peu ou pas du tout à la solution des problèmes strictement rattachés à son sujet. De même, il est peu douteux que dans les centres d'études où les questions de cette espèce sont sur la voie d'un règlement définitif, la solution des problèmes théoriques fondamentaux avance très rapidement. De plus, si nous voulons appliquer ces solutions d'une façon féconde, si nous voulons comprendre correctement l'influence qu'exerce la science économique sur la pratique, il est essentiel que nous connaissions exactement les implications et les limitations des généralisations qu'elle établit. C'est donc la conscience légère que nous pouvons aborder ce qui paraît à première vue le problème extrêmement académique de la recherche d'une formule décrivant l'objet général de l'Ãconomie politique.
La définition matérialiste de l'Ãconomie.
La définition de l'Ãconomie qui réunirait probablement le plus d'adhérents, tout au moins dans les pays anglo-saxons, est celle qui ramène cette science à l'étude des causes du bien-être matériel. Cet élément est commun aux définitions de Cannan et de Marshall, et même Pareto, dont la position est souvent si différente de celle des deux économistes anglais, lui donne la sanction de son usage. Il est également impliqué dans la définition de J. B. Clark.
Il semble à première vue, nous devons l'admettre, que cette définition décrive d'une façon générale l'objet que nous étudions. Dans le langage ordinaire il y a indubitablement un sens où le mot " économique " est pris comme équivalant à " matériel ". II suffit de réfléchir à sa signification profane dans des expressions telles que " l'Histoire économique " ou " un conflit entre l'intérêt économique et l'intérêt politique ", pour sentir l'extrême plausibilité de cette interprétation. II y a sans doute des matières rejetées par cette définition qui entrent dans le cadre de l'Ãconomie, mais on peut très bien les considérer, à première vue, comme étant de l'ordre de ces cas marginaux qu'aucune définition ne saurait éviter.
Mais l'épreuve finale de la validité de l'une quelconque de ces définitions n'est pas dans son harmonie apparente avec certains usages du langage quotidien, mais dans sa capacité de décrire exactement l'ultime objet des généralisations principales de la science. Et lorsque nous soumettons la définition en question à cette épreuve, nous voyons qu'elle présente des lacunes qui, loin d'être marginales ou subsidiaires, dénotent une impuissance complète à montrer soit la portée, soit la signification des généralisations les plus fondamentales.
Prenons l'une des divisions principales de l'Economie théorique, et voyons dans quelle mesure elle est recouverte par la définition que nous examinons. Nous admettons tous, par exemple, qu'une théorie du salaire soit partie intégrante d'un système quelconque d'analyse économique. Pouvons-nous nous contenter de l'affirmation que les phénomènes dont s'occupe cette théorie sont suffisamment décrits si on les présente comme appartenant au côté le plus matériel du bien-être humain ?
Le salaire, au sens strict du mot, est la somme gagnée par l'accomplissement d'un travail à un taux stipulé sous la surveillance d'un employeur. Dans le sens le moins étroit où l'on utilise souvent ce terme dans l'analyse économique générale, il désigne les revenus du travail autres que les bénéfices. Or, il est parfaitement exact que certains salaires sont le prix d'un travail qu'on peut décrire comme conduisant au bien-être matériel - le salaire d'un égoutier, par exemple. Mais il est également vrai que certains salaires, ceux des membres d'un orchestre par exemple, sont payés pour un travail qui n'a pas le moindre rapport avec le bien-être matériel. Cependant, cette dernière série de services, au même titre que la première, commande un prix et entre dans le circuit de l'échange. La théorie du salaire s'applique aussi bien pour expliquer la dernière série que pour expliquer la première. Ses enseignements ne se limitent pas aux salaires qui sont payés pour un travail qui pourvoit au côté "plus matériel " du bien-être humain - quel que puisse être celui-ci.
La situation n'est guère meilleure si nous passons du travail pour lequel les salaires sont payés aux objets pour lesquels on dépense les salaires. On pourrait soutenir que la théorie du salaire peut être résumée dans la définition précédente non parce que l'objet produit par le salarié conduit au bien-être matériel. d'autrui, mais parce que l'objet qu'il acquiert conduit à son propre bien-être. Mais cela ne résiste pas un instant à un examen attentif. Le salarié peut acheter du pain avec ses gains. Mais il peut aussi louer une place au théâtre. Une théorie du salaire qui ignorerait toutes ces sommes payées pour des services " immatériels " ou dépensées à des fins " immatérielles " serait inadmissible. Le cercle de l'échange serait irrémédiablement brisé. Le processus entier de l'analyse générale ne pourrait jamais être employé. Il est impossible de concevoir des généralisations significatives dans un domaine aussi arbitrairement délimité.
Il est peu probable qu'un économiste sérieux ait jamais tenté de délimiter de cette façon la théorie du salaire, quand bien même il aurait essayé de délimiter ainsi le corps de généralisations tout entier dont la théorie du salaire forme l'une des parties. Mais on a certainement essayé de nier la possibilité d'appliquer l'analyse économique à l'examen de la poursuite de fins autres que le bien-être matériel. Un économiste tel que le Professeur Cannan a soutenu que l'économie politique de guerre était " une contradiction dans les termes mêmes ", apparemment pour la raison que, l'Economie s'occupant des causes du bien-être matériel et la guerre n'étant pas une cause de ce bien-être, la guerre ne peut faire partie de l'objet de l'Ãconomie. En tant que jugement moral sur des usages auxquels il faudrait appliquer la science abstraite, les remarques critiques du Professeur Cannan sont acceptables. Mais il est absolument évident - comme l'a montré d'ailleurs l'Åuvre même du Professeur Cannan - que, bien loin d'être inutiles à la conduite favorable d'une guerre moderne, les enseignements de l'Ãconomie sont sans aucune espèce de doute indispensables à l'administration en temps de guerre. C'est un curieux paradoxe que cette déclaration du Professeur Cannan soit située dans un ouvrage qui, plus qu'aucun autre publié dans notre langue, utilise l'appareil de l'analyse économique pour éclairer un grand nombre de problèmes parmi les plus urgents et les plus complexes qu'ait à résoudre une communauté organisée pour la guerre.
Cette habitude des économistes anglais modernes de voir dans l'Ãconomie l'étude des causes du bien-être matériel semble plus curieuse encore si nous pensons à l'unanimité avec laquelle ils ont adopté une définition non matérielle de la "productivité ". Adam Smith, on s'en souvient, distinguait le travail productif et le travail improductif, selon que les efforts en question avaient ou non pour résultat la production d'un objet matériel tangible. " Le travail de quelques-unes des classes les plus respectables de la société, de même que celui des domestiques, ne produit aucune valeur ; il ne se fixe, ni ne se réalise sur aucun objet permanent ou aucune chose qui puisse se vendre, qui subsiste après la cessation du travail... Le souverain, par exemple, ainsi que tous les autres magistrats civils et militaires qui servent sous lui sont des travailleurs improductifs... Quelques-unes des professions les plus graves et les plus importantes, quelques-unes des plus frivoles doivent être rangées dans cette même classe : les ecclésiastiques, les gens de loi, les médecins, les gens de lettres de toute espèce, ainsi que les comédiens, les bouffons, les musiciens, les chanteurs, les danseurs d'opéra, etc... ".
Les économistes modernes, le Professeur Cannan tout le premier, ont rejeté cette conception de la productivité comme insuffisante. Tant qu'il est objet de la demande, que celle-ci s'exprime de façon privée ou collective, le travail des chanteurs et des danseurs d'opéra doit être considéré comme " productif ". Mais productif de quoi ? Serait-ce de bien-être matériel parce qu'il réjouit l'homme d'affaires et libère de nouvelles réserves d'énergie pour organiser la production de la matière ? C'est là dilettantisme et Wortspielerei. Il est productif parce qu'il est estimé, parce qu'il a une importance spécifique pour divers " sujets économiques ". La théorie moderne est si éloignée du point de vue d'Adam Smith et des Physiocrates qu'elle refuse le nom de travail productif même à la production d'objets matériels, si ces objets ne peuvent être estimés. En vérité, elle est allée plus loin encore. Le Professeur Fisher, entre autres, a démontré de façon concluante, que le revenu d'un objet matériel devait être considéré en dernier ressort comme une utilité " immatérielle ". De ma maison comme de mon valet ou des services du chanteur d'opéra, je tire un revenu qui " périt au moment de sa production ".
Mais, s'il en est ainsi, n'est-ce pas une erreur de continuer à décrire l'Ãconomie comme l'étude des causes du bien-être matériel ? Les services du danseur d'opéra sont de la richesse. L'Ãconomie s'occupe autant de l'évaluation de ces services que de l'évaluation des services d'un cuisinier. Quel que soit l'objet de l'Ãconomie, il ne concerne pas les causes du bien-être matériel en tant que tel.
Les causes qui expliquent la persistance de cette définition sont surtout de caractère historique. C'est là le dernier vestige de l'influence physiocratique. Les économistes anglais ne s'intéressent généralement pas aux questions de buts et de méthodes. Neuf fois sur dix, quand on trouve cette définition, on peut dire qu'on l'a vraisemblablement tirée, sans même réfléchir, de quelque ouvrage antérieur. Mais, dans le cas du Professeur Cannan, le fait qu'elle a été retenue est dû à des causes plus positives ; il est instructif d'essayer de rechercher les processus de raisonnement qui semblent l'avoir rendue plausible à un esprit aussi aigu et aussi pénétrant.
La raison d'être de toute définition doit se trouver généralement clans l'usage qui en est réellement fait. Le Professeur Cannan développe sa définition en étroite juxtaposition avec une discussion des " Conditions fondamentales de la Richesse pour l'homme isolé et pour la société ", et c'est en connexion avec cette discussion qu'il utilise effectivement sa conception de ce qui est et de ce qui n'est pas économique. Ce n'est pas par hasard, pourrait-on dire, que, lorsque l'on envisage l'analyse économique de ce point de vue, la définition " matérialiste", si nous pouvons l'appeler ainsi, a le maximum de plausibilité. Cela vaut d'être justifié de façon détaillée.
Le Professeur Cannan commence par contempler les activités d'un homme complètement isolé de la société., et recherche les conditions qui vont déterminer sa richesse - c'est-à -dire son bien-être matériel. Dans de telles conditions, une division des activités en " économiques " et " non économiques " - les unes dirigées vers l'augmentation du bien-être matériel, les autres vers l'augmentation du bien-être non matériel – a une certaine plausibilité. Si Robinson Crusoe arrache ses pommes de terre, il poursuit soit bien-être matériel ou " économique ". S'il parle à son perroquet, ses activités sont de caractère "non économique ". Il y a là une difficulté sur laquelle nous devrons revenir plus tard, mais il est certain, prima facie, que, présentée ainsi, la distinction n'est pas ridicule.
Mais supposons que Crusoe soit retrouvé, et que, rentrant chez lui, il monte sur la scène et parle à son perroquet pour gagner sa vie. Sûrement, dans ces conditions, ces conversations auront un aspect économique. Que Crusoe dépense ses gains en pommes de terre ou en philosophie, le fait qu'il acquiert et dépense est susceptible d'être exposé dans les termes des catégories économiques fondamentales.
Le Professeur Cannan ne s'arrête pas un instant pour se demander si sa distinction est d'un grand secours dans l'analyse d'une économie d'échange - bien que ce soit là , à tout prendre, que les généralisations économiques aient la plus grande utilité pratique. Au contraire, il se met aussitôt à examiner les " conditions fondamentales de la richesse " pour la société considérée comme un tout, sans se demander si celle-ci est organisée ou non sur la base de la propriété privée et de la liberté des échanges. Et là encore sa définition devient plausible : une fois de plus, l'ensemble des activités sociales peut être rangé dans la double classification qu'il implique. Certaines activités sont consacrées à la poursuite du bien-être matériel : d'autres ne le sont pas. Cela fait penser, par exemple, à l'exécutif d'une société communiste, décidant de consacrer tant d'heures de travail à l'approvisionnement en pain, tant à l'approvisionnement en spectacles.
Mais même ici, comme dans le cas précédent de l'Ãconomie Crusoéenne, on peut soulever une objection qui est certainement décisive. Admettons l'utilisation que fait le Professeur Cannan des mots " économique " et " non économique " dans les sens respectifs le conduisant au bien-être matériel et au bien-être non matériel. Nous pouvons alors dire avec lui que la richesse de la société sera d'autant plus considérable que la proportion de temps consacrée aux fins matérielles sera plus grande, et que sera moindre la proportion consacrée aux fins immatérielles. Mais nous devons admettre aussi, prenant le mot " économique " dans un sens parfaitement normal, qu'il reste encore, tant pour la société que pour l'individu, un problème économique à résoudre consistant à choisir entre ces deux genres d'activité le problème de savoir, étant donné les estimations relatives des produits et des loisirs et les possibilités de la production; comment répartir entre ces deux genres d'activité le nombre fixe des vingt-quatre heures du jour. II reste encore un problème économique consistant à trancher entre l' " économique " et le " non-économique ". L'un des problèmes essentiels de la Théorie de la Production reste à moitié en dehors de la définition du Professeur Cannan.
Cet argument ne suffit-il pas eu lui-même pour justifier l'abandon de celle-ci ?
L'Ãconomie définie selon le critère de la rareté.
Mais que pouvons-nous donc faire maintenant ? La situation n'est aucunement désespérée. Notre examen critique de la définition " matérialiste " nous a menés à un point d'où il nous est possible de formuler dès maintenant une définition ne tombant pas sous le coup de toutes ces objections.
Revenons au cas le plus simple où cette définition nous ait paru inadéquate au cas de l'homme isolé partageant son temps à produire un revenu réel et à jouir de loisirs. Nous venons de voir qu'une telle division pouvait à juste titre être considérée comme ayant un aspect économique. En quoi cet aspect consiste-t-il ?
On doit pouvoir répondre à cette question en formulant les conditions exactes qui rendent cette division nécessaire. Ces conditions sont au nombre de quatre. En premier lieu, l'homme isolé désire à la fois un revenu réel et des loisirs. En second lieu, il n'a pas assez de l'un ou de l'autre pour satisfaire pleinement son désir de chacun d'eux. Troisièmement, il peut passer son temps soit à augmenter son revenu réel, soit à prendre plus de loisirs. Quatrièmement, on peut présumer que, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels, son désir des différents éléments constituants du revenu réel et des loisirs sera différent. Il a donc à choisir. Il a donc à faire de l'économie. La disposition de son temps et de ses ressources est en relation avec son système de désirs. Elle a un aspect économique.
Cet exemple est typique pour le champ tout entier des études économiques. Du point de vue de l'économiste, les conditions de l'existence humaine présentent quatre caractéristiques fondamentales. Les fins sont diverses. Le temps et les moyens de réaliser ces fins sont limités et susceptibles d'application alternative. En même temps, les fins sont d'importances différentes. Nous voici donc, créatures sensibles, avec des faisceaux de désirs et d'aspirations, des masses de tendances instinctives nous poussant toutes par des voies différentes à l'action. Mais le temps dans lequel ces tendances peuvent être exprimées est limité. Le monde extérieur n'offre pas de pleines occasions de les réaliser complètement. La vie est brève. La nature est avare. Nos semblables ont d'autres objectifs que nous. Et pourtant nous pouvons employer nos existences à faire différentes choses, utiliser nos moyens et les services des autres à atteindre différents objectifs.
Or, en .soi, la multiplicité des fins n'intéresse pas nécessairement l'économiste. Si je désire faire deux choses, et si j'ai beaucoup de temps et de grands moyens pour les réaliser, et si je ne désire affecter mon temps ni mes moyens à quoi que ce soit d'autre, ma conduite ne revêt aucune de ces formes qui font l'objet de la science économique. Le Nirvana n'est pas nécessairement la seule béatitude. Il est simplement la satisfaction complète de tous les besoins.
De même, la seule limitation des moyens ne suffit pas par elle-même à donner naissance à des phénomènes économiques. Si les moyens de satisfaction n'ont pas d'usage alternatif, ils sont peut-être rares, mais ils n'ont rien à faire avec l'Economie. La manne qui tomba du ciel était peut-être rare ; mais, s'il était impossible de l'échanger contre quelque chose d'autre ou de différer son usage, elle ne pouvait faire l'objet d'aucune activité d'aspect économique.
Enfin, l'application alternative des moyens rares n'est pas non plus une condition complète de l'existence du genre de phénomènes que nous analysons. Si le sujet économique a deux fins et un seul moyen de les satisfaire, ces deux fins étant d'égale importance, sa position sera semblable à celle de l'âne de la fable, paralysé à mi-chemin de deux bottes de foin également attrayantes.
Mais lorsque le temps et les moyens de parvenir aux fins sont limités et susceptibles d'application alternative, et les fins susceptibles d'être distinguées par ordre d'importance, le comportement prend nécessairement la forme d'un choix. Tout acte impliquant un temps et des moyens rares pour parvenir à une certaine fin, implique la non-affectation de ce temps et de ces moyens à la poursuite d'une fin différente. Il a un aspect économique. Si j'ai besoin de pain et de sommeil et si, dans le temps dont je dispose, je ne puis avoir tout ce que je désire des deux, une certaine partie de mes désirs de pain et de sommeil doit demeurer insatisfaite. Si, dans la durée limitée d'une vie, je voudrais être à la fois un philosophe et un mathématicien, mais que ma rapidité d'acquisition de savoir fût insuffisante pour me permettre d'être l'un et l'autre complètement, il me faudrait renoncer à une certaine partie de mon désir d'être compétent dans l'une de ces deux matières ou dans les deux à la fois.
Or, les moyens de réaliser les fins humaines ne sont pas tous en nombre limité. II y a dans le monde extérieur des choses qui sont comparativement en telle abondance que le fait d'en utiliser des unités particulières pour une fin n'implique pas qu'on en sera privé pour d'autres. L'air que nous respirons, par exemple, est un de ces biens " libres ". Sauf dans des circonstances très particulières, le fait que nous ayons besoin d'air n'impose aucun sacrifice de temps ni de ressources. La perte d'un mètre cube d'air n'implique aucun sacrifice d'alternatives. Les unités d'air n'ont aucune signification spécifique pour la conduite à tenir. Et on pourrait concevoir des êtres vivants dont les " fins " seraient tellement limitées que tous les biens seraient pour eux des biens " libres ", et qu'aucun bien n'aurait de signification spécifique.
Mais, eu général, l'activité humaine avec sa multiplicité d'objectifs ne présente pas cette indépendance du temps ou des ressources spécifiques. Le temps dont nous disposons est limité. Il n'y a que vingt quatre heures dans la journée. Nous avons à choisir entre les différents usages auxquels nous pouvons les affecter. Les services que les autres mettent à notre disposition sont limités. Les moyens matériels permettant d'atteindre les fins sont également limités. Nous avons été chassés du Paradis. Nous n'avons ni la vie éternelle, ni des moyens illimités de nous contenter. Quoi que nous fassions, si nous choisissons une chose, nous devoirs renoncer à d'autres que, dans des circonstances différentes, nous aurions voulu ne pas avoir abandonnées. La rareté des moyens de satisfaire des fins d'importance variable est une condition à peu près générale du comportement humain.
Voilà donc l'unité du sujet de la Science économique : les formes que prend le comportement humain dans la disposition des moyens rares. Les exemples que nous avons déjà étudiés s'harmonisent parfaitement avec cette conception. Les services des cuisiniers comme ceux des danseurs d'opéra sont limités par rapport à la demande et peuvent être affectés à des usages alternatifs. La théorie du salaire tout entière est couverte par notre nouvelle définition. De même, l'économie de guerre. Pour qu'une guerre soit conduite de façon satisfaisante, il faut nécessairement détourner les biens et services rares de leurs usages. La conduite de la guerre a donc un aspect économique. L'économiste étudie le mode de disposition des moyens rares. Il s'intéresse à la façon dont les différents degrés de rareté de différents liens donnent lieu à différents rapports de valeur entre ceux-ci ; il s'intéresse aussi à la façon dont les changements dans les conditions de la rareté, qu'ils proviennent de changements dans les fins ou de changements dans les moyens - du côté de la demande ou du côté de l'offre - affectent ces rapports. L'Ãconomie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre les fins et les moyens rares à usages alternatifs.
L'Ãconomie et l'Ãconomie d'Ãchange.
Il est important de signaler en même temps certaines implications de cette conception. La conception que nous avons rejetée - celle de l'Ãconomie considérée comme l'étude des causes du bien-être matériel - était ce qu'on pouvait appeler une conception classificatoire. Elle distinguait certains genres du comportement humain, de ce comportement dirigé vers l'obtention du bien-être matériel, et voyait en eux le sujet même de l'Ãconomie. Les autres genres de conduite n'entraient pas dans le cadre de ses investigations. Par contre, on peut dire de notre conception qu'elle est analytique. Elle ne cherche pas à trier certains genres de comportement, mais concentre toute son attention sur un aspect particulier du comportement, sur la forme qu'il prend sous l'influence de la rareté. II suit de là par conséquent, que dans la mesure où il présente cet aspect, tout genre de comportement humain entre dans le cadre des généralisations économiques. Nous ne disons pas que la production des pommes de terre est une activité économique et que la production de la philosophie ne l'est pas. Nous disons plutôt que dans la mesure où l'une ou l'autre de ces sortes d'activité implique l'abandon des autres alternatives désirées, elle a un aspect économique. C'est là la seule limitation de l'objet de la Science économique.
Certains auteurs, cependant, tout en rejetant la conception de l'Ãconomie comme étude des causes du bien-être matériel, ont cherché à restreindre la portée de cette science d'une façon différente : ils ont soutenu que le comportement intéressant l'économie était essentiellement un certain type de comportement social, celui précisément qu'impliquaient les institutions de l'économie d'échange individualiste. De ce point de vue, le genre de comportement qui n'est pas spécifiquement social en ce sens précis, ne peut faire l'objet de l'Ãconomie. Le Professeur Amonn en particulier s'est donné une peine presque infinie pour élaborer cette conception.
Or, on peut très bien admettre que, dans les limites du vaste champ de notre définition, l'attention des économistes se concentre principalement sur les complications de l'économie d'échange. La cause en est une raison d'intérêt. Les activités de l'homme isolé sont, au même titre que les activités de l'économie d'échange, sujettes aux limitations que nous envisageons. Mais, du point de vue de l'homme isolé, l'analyse économique n'est pas nécessaire. Les éléments du problème sont soumis à une réflexion primitive. L'examen du comportement d'un Crusoe peut être d'un immense secours en tant qu'il facilite des études plus poussées. Mais du point de vue de Crusoe, il est évidemment extra-marginal. Il en est de même dans le cas d'une société communiste " fermée ". Là encore, du point de vue de l'économiste, la comparaison des phénomènes d'une telle société avec ceux de l'économie d'échange peut être très instructive. Mais, du point de vue des membres de l'exécutif, les généralisations de l'économie n'offriraient aucun intérêt. Leur attitude serait analogue à celle de Crusoe. Pour eux, le problème économique se ramènerait simplement à savoir si le pouvoir productif doit être appliqué à telle ou telle autre chose. Or, comme l'a souligné le Professeur Von Mises, dans le cas d'une propriété et d'un contrôle centraux des moyens de production, l'enregistrement des efforts et des résistances individuels par un mécanisme de prix et coûts est exclu par définition. Il s'ensuit donc que les décisions de l'exécutif doivent être nécessairement "arbitraires ". En d'autres termes, elles doivent être basées sur ses estimations à lui, et non sur celles des producteurs et des consommateurs. Cela simplifie immédiatement la forme du choix. Si elle n'est pas guidée par un système de prix, l'organisation de la production doit dépendre des estimations de l'organisateur final, de la même façon que l'organisation d'un système patriarcal non rattaché à une économie monétaire doit dépendre des estimations du père de famille.
Mais, dans une économie d'échange, la situation est beaucoup plus compliquée. Les conséquences d'une décision individuelle dépassent de beaucoup ses répercussions sur l'individu. On peut se rendre compte de toutes les conséquences qu'aura pour soi-même une décision de dépenser de l'argent d'une certaine façon plutôt que d'une autre. Mais on n'aperçoit pas aussi facilement les effets qu'exercera cette décision sur l'ensemble complexe des " rapports de rareté " sur les salaires, les bénéfices, les prix, les taux de capitalisation, et l'organisation de la production. Au contraire, il faut un immense effort d'abstraction pour élaborer les généralisations qui nous permettront de les découvrir. Pour cette raison, c'est dans l'économie d'échange que l'analyse économique a sa plus grande utilité. Elle est inutile dans une économie isolée. Elle en est exclue - sauf pour les généralisations les plus simples - par la raison d'être même d'une société strictement communiste. Mais là où l'initiative indépendante dans les relations sociales est permise à l'individu, l'analyse économique recouvre tous ses droits.
Mais déclarer que l'analyse économique a plus d'intérêt et d'utilité dans une économie d'échange est une chose. Autre chose est de soutenir que son objet se limite à ces phénomènes. Le caractère injustifiable de cette dernière proposition, peut être montré de façon concluante par les deux considérations suivantes. Tout d'abord, il est évident que le comportement étranger à l'économie d'échange est conditionné par la même limitation des moyens par rapport aux fins que le comportement propre à l'économie, et qu'il est de nature à être rangé dans les mêmes catégories fondamentales. Les généralisations de la théorie de la valeur s'appliquent aussi bien au comportement de l'homme isolé ou au pouvoir exécutif d'une société communiste qu'au comportement de l'homme dans une économie d'échange - même si elles ne sont pas aussi instructives dans de tels contextes. La relation d'échange est un incident technique, un incident qui, certes, donne naissance à presque toutes les complications intéressantes, mais qui est néanmoins subsidiaire par rapport au fait essentiel qui est la rareté.
En second lieu, il est évident qu'on ne peut expliquer les phénomènes de l'économie d'échange elle-même qu'en remontant en arrière de ces relations, et en se rapportant à l'action de ces lois du choix qui apparaissent le mieux dans l'observation du comportement de l'individu isolé. Le Professeur Amonn semble admettre qu'un tel système d'Ãconomie pure ait quelque utilité comme auxiliaire de la Science économique, mais il se défend d'en faire la base du système principal, en posant pour postulat la nécessité de définir l'objet de l'Economie dans les termes des problèmes étudiés par Ricardo. Cette idée qu'une définition doit décrire un ensemble de connaissances déjà existant et ne pas poser de limites arbitraires est admirable. Mais, on a le droit de se le demander, pourquoi s'arrêter à Ricardo ? N'est-il pas évident que les imperfections du système ricardien étaient dues précisément à cette circonstance qu'il s'arrêtait aux estimations sur le marché et n'allait pas jusqu'aux estimations des individus ? Ne serait-ce pas la plus grande conquête des théories de la valeur plus récentes que d'avoir renversé précisément cette barrière ?
Comparaison des critères "matérialisme " et "rareté ".
Pour conclure., nous pouvons revenir à la définition que nous avions rejetée et la comparer à celle que nous venons d'adopter.
A première, vue, on pourrait sous-estimer la divergence de ces deux définitions. Pour l'une, l'objet de l'Ãconomie est le comportement humain conçu en tant que relation entre les fins et les moyens, pour l'autre, les causes du bien-être matériel. Or, la rareté des moyens et les causes du bien-être matériel, n'est-ce pas là à peu près la même chose ?
Une telle affirmation, cependant, reposerait sur une conception tout à fait erronée. Il est vrai que la rareté des objets matériels est une des limitations de la conduite. Mais la rareté de notre propre temps et la rareté des services d'autrui sont tout aussi importantes. La rareté des services de l'instituteur et la rareté des services de l'égoutier ont chacune leur aspect économique. Ce n'est qu'en disant que les services sont des vibrations matérielles ou d'autres choses semblables, qu'on parvient à élargir la définition de façon à lui faire recouvrir son domaine tout entier. Mais ce procédé n'est pas seulement pervers, il est aussi fallacieux. Il se peut que sous cette forme la définition recouvre son domaine, mais elle, ne le décrit pas. Car ce n'est pas la matérialité des moyens même matériels de satisfaction qui leur donne leur qualité de biens économiques, mais leur relation avec les estimations. C'est leur relation avec les désirs donnés plutôt que leur substance technique qui a une signification. La définition " matérialiste " de l'Ãconomie donne donc une idée fausse de la science telle que nous la connaissons. Même si elle ne nous trompe pas entièrement sur le but de cette science, elle n'arrive pas à nous donner une idée juste de la nature de celle-ci. Il semble n'y avoir aucun argument valable contre le rejet de cette définition.
En même temps, il est important de comprendre que ce qui est rejeté n'est qu'une définition. Nous ne rejetons pas l'ensemble des connaissances qu'elle était censée décrire. La pratique des auteurs qui l'ont adoptée s'harmonise parfaitement avec la définition alternative que nous avons proposée. Il n'y a aucune généralisation importante dans le système tout entier du Professeur Cannan par exemple, qui soit incompatible avec la définition de l'Ãconomie comme mode de disposition des moyens rares.
D'ailleurs, l'exemple même que prend le Professeur Cannan pour illustrer sa définition se range beaucoup mieux dans notre cadre que dans le sien. " Les économistes, dit-il, seraient d'accord que la question `Bacon a-t-il écrit les Åuvres de Shakespeare ?' n'est pas une question économique, et que la satisfaction qu'éprouveraient ceux qui croient au cryptogramme si cette thèse était universellement acceptée n'est pas une satisfaction économique... D'autre part, ils admettraient que la controverse présenterait un côté économique si les droits d'auteur étaient perpétuels et si les descendants de Bacon et de Shakespeare se disputaient la propriété des pièces ". C'est exact. Mais pourquoi ? Serait-ce parce que la propriété des droits d'auteur implique un bien-être matériel ? Mais ses revenus pourraient aller tous à des Åuvres de bienfaisance. La question a certainement un aspect économique pour la seule et simple raison que les lois supposées sur les droits d'auteur rendraient l'usage des pièces rare par rapport à la demande de leur usage, et donneraient à leurs propriétaires la disposition de moyens rares de satisfaction qui seraient autrement distribués de façon différente.
* La nature et la signification de la science économique
Définition de l'économie
Le postulat économiste, de Marx notamment, est que l'homme doit subvenir à ses besoins. L'économie est donc, suivant ce postulat, l'activité de l'homme qui doit subvenir à ses besoins. Or que doit faire l'homme pour subvenir à ses besoins ? Il doit communiquer, il doit être reconnu. S'il ne communique pas, s'il n'est pas reconnu, il ne peut subvenir à ses besoins. Donc qu'est-ce que cette fameuse activité économique qui subvient à ses besoins ? C'est la communication. Toutes les activités particulières ont lieu dans la communication et sont déterminées par la communication y compris les besoins d'ailleurs. L'économie est donc la communication. (Marshall Sahlins conclut, lui, l'économie est donc la culture.) Donc l'économie n'existe pas puisqu'elle n'est que l' autre nom de la communication. Et cet autre nom n'est pas innocent. Il est une dénégation de l'existence de la communication. Cachez cette communication que je ne saurais voir dit le tartuffe utilitariste. Pourquoi ce nom est-il plus qu'un nom vide, sans objet, sans référent ? Parce que sous ce nom est accumulé depuis plus de deux siècles une montagne de préjugés utilitaristes. Il n'est donc pas un simple nom vide mais le mot magique qui fait immédiatement surgir dans l'esprit la nébuleuse confuse des préjugés utilitaristes qui peut se condenser en un "il faut bien vivre, n'est-ce pas ?" qu'il faut entendre comme un "il faut bien manger, n'est-ce pas ?" car c'est ainsi que ces gens là conçoivent la vie, tel ce Debord finalement, incapable de remplir son contrat anti-utilitariste, et Marx évidemment.
L'aliénation chez Weber.
Citation de Weber. Essai sur quelques catégories de la sociologie compréhensive. 1913 :
Le progrès que l'on constate dans la différentiation et la rationalisation sociale signifie donc, sinon toujours, du moins normalement quand on considère le résultat, que, dans l'ensemble, les individus s'éloignent
[Notez le terme "s'éloignent"]
de façon croissante de la base rationnelle des techniques et des règlements rationnels qui les concernent pratiquement et que, dans l'ensemble, cette base leur est d'ordinaire plus cachée que le sens des procédés magiques du sorcier ne l'est au "sauvage". La rationalisation de l'activité communautaire n'a donc nullement pour conséquence une universalisation de la connaissance relativement aux conditions et aux relations de cette activité, mais le plus souvent elle aboutit à l'effet opposé. Le "sauvage" en sait infiniment plus des conditions économiques et sociales de sa propre existence que le "civilisé", au sens courant du terme, des siennes [vous avez noté ? L'activité communautaire, c'est un peu de conditions économiques et un peu de conditions sociales. Weber n'a rien a envier à Marx sur ce point.]
Posted by Raphael Pallais
In Reply to: Définition de l'économie posted by Voyer on May 19, 1997
Pas d'excuses
Citoyen Voyer : je ne vois pas pourquoi tu aurais a re-essayer de définir ce que tu as si bien défini il y a presque vingt ans. Si je ne te connaissais mieux, je dirais que tu fais de la casuistique. Tes concepts explicitement anti-économistes, tels que tu les exposas avec clarté méridienne en 1979, n'en ont aucun besoin. Ce ne sont que les putes jésuitiques intellectuelles et les économistes intelleculs postsitus qui en éprouvent le besoin, ou qui font semblant de ne pas comprendre ce que tu as écrit en noir et blanc dans le Rapport, et qui te demandent des "explications" ou des éclaircissements additionnels afin de toujours reconduire leur soupe et ainsi éconduire le troupeau ignare qui suit leurs recommandations d'experts économistes ou communicationnistes.
La Première édition est souvent la bonne. Segui il tuo corso...
[Ce qui départage le phlogistique et l'oxygène, c'est le Napalm®. Il s'agit maintenant d'inventer le Napalm®. Je suis bien placé pour savoir que le Rapport est insuffisant et pas seulement lui. Je ne vois encore aucun holocauste, nulle fumée à l'horizon. Seulement Homais sur le pas de sa porte. Comme M. Bueno, le citoyen Pallais se contente de peu de chose. C'est étonnant l'énergie que ces deux là déploient pour m'interdire d'être insatisfait de ce que j'ai écrit. Je n'ai jusqu'alors publié que des pis aller. Si l'on trouve satisfaisant ce que j'ai déjà publié, qu'on prenne au moins la peine de me montrer pourquoi plutôt que d'affirmer péremptoirement que c'était très bien et très suffisant. On voudrait, une nouvelle fois, me faire taire que l'on ne s'y prendrait pas autrement. J'en profite pour signaler, pour ceux qui ne l'auraient pas remarqué, qu'il n'y a pas que des pis aller dans ce que j'ai publié. Il y a au moins deux propositions dont je suis totalement satisfait : "La valeur est un échange effectué en pensée" (je règle en huit mots un problème qui tracassait déjà Aristote, voilà qui devrait mériter les félicitations de M. Trobo, c'est encore mieux qu'en 281 words !) et "Le phénomène en tant que phénomène n'est pas un phénomène" (je règle en dix mots la question phénoménologique de Husserl : puisque le phénomène en tant que phénomène n'est pas un phénomène, le phénomène en tant que phénomène n'est pas observable, il est donc vain de vouloir l'observer. Pour parler des phénomènes comme W. parle des faits, les phénomènes constituent toute l'observation possible ; en dehors des phénomènes point d'observation, donc il est vain de vouloir observer ce qui n'est pas un phénomène, fut-il le phénomène en tant que phénomène. Puisqu'on ne peut l'observer, on ne peut rien en dire, sinon qu'il est inobservable. On peut réduire, c'est à dire faire abstraction, autant qu'on veut, on ne pourra observer le phénomène en tant que phénomène pour autant. Le moi est observable (et haïssable aussi, paraît-il), mais ce n'est pas le phénomène comme phénomène, c'est un objet comme un autre [avis au lecteur ; j'avais fait un lapsus ici et écrit phénomène au lieu d'objet ce qui rend la phrase incompréhensible ou, pire peut-être, compréhensible avec un faux sens], c'est pourquoi il est observable - Sartre, De la transcendance de l'ego. Recherches philosophiques, 1936, Vrin 1965. Puisque je règle cette question, je règle aussi celle de la torrentielle littérature prépuçologique qui s'est ensuivi. La prépuçologie est à Husserl, ce que le marxisme est à Marx.) Ce que dit cette proposition, je le sais depuis quarante ans, mais c'est seulement il y a quelques années que Hegel m'a obligeamment et fortuitement fourni les mots pour le dire. Un ami me faisait remarquer que Hegel incite à penser par soi-même. Comme j'ai mauvais esprit, je répliquai aussitôt : certainement car ce qu'écrit Hegel ne voulant rien dire on est bien obligé de trouver un sens par soi-même. Hegel est un sophiste, il prouve toute chose et son contraire, ce qui est le propre de la démonstration spéculative, très supérieure, sur ce point, à la démonstration déductive. Je suis seulement insatisfait de n'avoir écrit que deux propositions de cette sorte, j'en écrirais volontiers une centaine si je le pouvais.]
Posted by BORDEL on May 20, 1997
In Reply to: Définition de l'économie posted by Voyer on May 19, 1997
Le postulat anti-utilitariste de Voyer est que l'économie n'existe pas, la seule activité de l'homme qui doit subvenir à ses besoins c'est la communication. Afin de parvenir à ce postulat, il pré-postule que l'économie et la communication sont la même chose,
[J'ai déjà répondu sur ce point en Ethiopie®, je ne re-développerai pas l'ellipse pour ce mal comprenant, bordel ! mais je suis inlassable. Je ne postule pas que l'économie et la communication sont la même chose, je postule que l'économie n'est aucune chose tandis que la communication est une chose, pas seulement une chose d'ailleurs ; mais la chose en soi, un être collectif qui entretient une relation d'intériorité avec chacun de ses éléments (oui l'être est concept, oui la substance est sujet, seulement elle ne le sait pas. Le monde est devenir intérieur de la chose, auto-mouvement. Tout est dans le mot intérieur. Ce serait bien fort de café dit Homais sur le pas de sa boutique.) Pour que l'économie et la communication soient la même chose, il faudrait qu'elles soient toutes deux des choses.
D'ailleurs, dans les équations canoniques, par exemple, on ne fait qu'écrire finalement vitesse = VITESSE dans l'espace des positions et force = FORCE dans l'espace des moments. Dans chaque équation il ne s'agit que d'une seule chose sous deux formes. Tout est dans les formes. Donc, si on tenait à toute fin à écrire une équation économie = communication, il ne s'agirait de toute façon que de la même chose, et, pour que économie et communication soient la même chose sous deux formes, encore faudrait-il que l'économie soit une chose. Or elle n'est aucune chose. (C'est la définition de l'apparence chez Hegel, soit dit en passant : une chose qui n'est aucune chose.) Si l'on prétendait donc écrire une équation, on écrirait donc quelque chose aussi absurde que vitesse = FORCE.
Je ne pose pas une équation ; économie = communication. Il ne peut pas y avoir deux califes en même temps. Le califat n'est pas une équation. Un calife chasse l'autre, non sans avoir pris soin de lui faire crever les yeux.]
et pour simplifier encore l'équation supprime l'un des termes ; ce qui pourrait tout aussi bien s'énoncer : "si l'économie et la communication sont la même chose, alors la communication n'existe pas puisqu'elle est un autre nom de l'économie".
[Cela pourrait tout aussi bien s'énoncer : si le phlogistique et l'oxygène sont la même chose, alors l'oxygène n'existe pas puisqu'il est un autre nom du phlogistique.]
Voyer prouve donc que l'économie existe, particulièrement l'économie du moindre effort,
[Principe de moindre action, principe de moindre temps. La nature (abstraction hypostasiée) fait aussi des économies. Les efforts de M. Bordel sont imperceptibles. L'intégrale dans le temps des différences d'énergie potentielle et cinétique est nulle. Ce n'est pas moindre action mais action nulle. Ne faut-il pas appeler mauvaise une action qui n'est aucune action nous dit Hegel. Le canon de M. Bordel ne tire aucun coup contrairement à celui d'Apollinaire.]
de la moindre réflexion.
[La réflexion de M. Bordel est totalement transparente, ce qui est le comble pour une réflexion.]
La routine, quoi... Tout ce qui ne se transforme pas s'use et meurt, parfois devient.
Posted by trobo on May 23, 1997
In Reply to: Définition de l'économie posted by Voyer on May 19, 1997
In only 281 words, Mr. Voyer solved a mistery that has been baffling humanity for eons.
BRAVO!!
[Je ne résous pas, je pose le problème en 281 words. Et ce problème n'est pas une équation, hélas. Il est beaucoup plus compliqué, puisque depuis des millénaires, il n'est pas résolu et à peine posé, ce qui désolait Kant. Sous les yeux de Kant, la physique faisait des bonds prodigieux en perruque et costume à la française. La poudre occupe une grande place dans les romans de Stendhal. Elle est synonyme de old fashion. Et pourtant, Lagrange (comte), Hamilton et Laplace (marquis) mettaient de la poudre ! (Pas Hamilton puisqu'il est né en 1805)]
M. Ripley s'amuse
2006-11-02 14:11:21
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answer #8
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answered by mixxy0_0 4
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