salut
Napoléon II
de Victor Hugo (1802-1885)
[ Les chants du Crépuscule (aout 1832)]
Oui, l'aigle, un soir, planait aux voûtes éternelles,
Lorsqu'un grand coup de vent lui cassa les deux ailes;
Sa chute fit dans l'air un foudroyant sillon;
Tous alors sur son nid fondirent pleins de joie;
Chacun selon ses dents se partagea la proie;
L'Angleterre prit l'aigle, et l'Autriche l'aiglon !
Vous savez ce qu'on fit du géant historique
Pendant six ans on vit, loin derrière l'Afrique,
Sous le verrou des rois prudents,
-Oh ! n'exilons personne ! oh! l'exil est impie! -
Cette grande figure en sa cage accroupie,
Ployée, et les genoux aux dents !
Encor si ce banni n'eût rien aimé sur terre!... -
Mais les cœurs de lion sont les vrais cœurs de père.
Il aimait son fils, ce vainqueur !
Deux choses lui restaient dans sa cage inféconde,
Le portrait d'un enfant et la carte du monde,
Tout son génie et tout son cœur!
Le soir, quand son regard se perdait dans l'alcôve,
Ce qui se remuait dans cette tête chauve;
Ce que son œil cherchait dans le passé profond,
-Tandis que ses geôliers, sentinelles placées
Pour guetter nuit et jour le vol de ses pensées,
En regardaient passer les ombres sur son front; -
Ce n'était pas toujours, sire, cette épopée
Que vous aviez naguère écrite avec l'épée;
Arcole, Austerlitz, Montmirail;
Ni l'apparition des vieilles pyramides ;
Ni le pacha du Caire et ses chevaux numides
Qui mordaient le vôtre au poitrail;
Ce n'était pas le bruit de bombe et de mitraille
Que vingt ans, sous ses pieds, avait fait la bataille
Déchaînée en noirs tourbillons,
Quand son souffle poussait sur cette mer troublée
Les drapeaux frissonnants, penchés dans la mêlée
Comme les mâts des bataillons;
Ce n'était pas Madrid, le Kremlin et le Phare,
La diane au matin fredonnant sa fanfare,
Le bivouac sommeillant dans les feux étoilés,
Les dragons chevelus, les grenadiers épiques,
Et les rouges lanciers fourmillant dans les piques,
Comme des fleurs de pourpre en l'épaisseur des blés;
Non, ce qui l'occupait, c'est l'ombre blonde et rose
D'un bel enfant qui dort la bouche demi-close,
Gracieux comme l'Orient,
Tandis qu'avec amour sa nourrice enchantée
D'une goutte de lait au bout du sein restée
Agace sa lèvre en riant!
Le père alors posait ses coudes sur sa chaise,
Son cœur plein de sanglots se dégonflait à l'aise,
Il pleurait, d'amour éperdu... -
Sois béni, pauvre enfant, tête aujourd'hui glacée,
Seul être qui pouvait distraire sa pensée
Du trône du monde perdu
2006-11-01 09:45:20
·
answer #1
·
answered by bob l eponge 5
·
2⤊
0⤋