Dans l'univers économique, divers types de centres de décision coexistent et remplissent dans les relations de production et d'échange des rôles distincts : l'établissement ou unité locale, centre élémentaire de gestion, est intéressant ici surtout pour les fonctions techniques dont il est le lieu ; l'entreprise, qui peut le cas échéant coordonner la production de plusieurs établissements sous une même raison sociale, est une entité à la fois économique et juridique ; le groupe industriel et financier, au sein duquel plusieurs entreprises sont rassemblées sous une même autorité, remplit des fonctions de gestion particulières, notamment quant au choix et au financement des grandes options de développement pour l'ensemble des sociétés qui lui sont rattachées.
L'importance de cette dernière unité dans le monde contemporain s'est beaucoup développée. En 1992, on trouvait 21 groupes industriels dans le monde ayant un chiffre d'affaires supérieur à 40 milliards de dollars ; 14 de ces groupes appartenaient aux secteurs pétrolier ou de la construction automobile et 5 à celui de l'électronique. Parmi les 500 premiers groupes industriels classés en fonction de leur chiffre d'affaires, 1 sur 3 était américain et 1 sur 4 japonais, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France, la Suède et la Corée du Sud suivant dans l'ordre. Les études de prospective industrielle font parfois apparaître qu'une proportion élevée des activités mondiales devrait être détenue avant la fin de ce siècle par moins d'une centaine de groupes internationaux. Les statistiques sur la concentration montrent que si la part des entreprises leaders ne s'accroît guère sur les différents marchés, le contrôle de l'économie des principaux pays industriels par les groupes diversifiés, qu'ils soient traditionnels ou de type congloméral, s'est déjà renforcé de manière sensible par rapport à la situation antérieure à la Seconde Guerre mondiale.
Cette emprise progressive s'explique par le fait que les groupes industriels et financiers comprennent, comme les cercles d'une couronne, plusieurs degrés dans les liens d'association avec leurs partenaires et qu'ainsi leur contrôle s'étend. Toutefois, leurs types de gestion varient selon les lieux et les circonstances.
1. Définitions et mesures
La notion de groupe est liée d'une part au concept de contrôle, d'autre part à une fonction particulière dans le domaine de la gestion des entreprises, la planification stratégique du développement.
La notion de contrôle
La conception d'un contrôle pyramidal des entreprises membres d'un groupe de sociétés - financier ou industriel - est à la fois très ancienne et continuellement adaptée. Un exemple en est donné par l'entreprise publique italienne I.R.I. (Istituto della ricostruzione industriale), qui contrôle des sociétés holdings spécialisées dans des branches particulières - mécanique, sidérurgie, etc. -, lesquelles ont à leur tour des participations dans des firmes juridiquement indépendantes, ces dernières elles-mêmes pouvant enfin servir de support pour une opération de contrôle au troisième degré.
Les modalités du contrôle sont très variées. La première consiste en la détention de la propriété de l'ensemble ou d'une partie du capital social des entreprises membres du groupe. Ce contrôle par la propriété du capital peut être absolu, majoritaire ou minoritaire. Les responsables choisiront le taux de participation qui donnera le degré de contrôle le plus satisfaisant à court et à long terme.
Une seconde modalité consiste en un développement des liaisons personnelles entre les dirigeants du groupe et les entreprises rattachées ; elles prendront le plus souvent la forme d'un échange d'administrateurs entre la société holding du groupe et les différentes sociétés membres. Une proportion notable des entreprises qui constituent les actifs industriels des groupes sont certainement contrôlées de cette manière, spécialement quand le contrôle par la propriété se limite à des participations minoritaires.
Une troisième modalité tend à se développer avec le progrès des techniques de gestion : le contrôle par le service rendu aux entreprises par l'unité centrale ou par l'ensemble des cellules du groupe. Des entreprises feront partie d'un groupe non pas seulement à cause des intérêts financiers pris dans leurs affaires, ni même du fait de l'interpénétration des équipes dirigeantes, mais simplement en raison de l'assistance qu'elles auront reçue pour la gestion de la production, de la commercialisation, du financement de leur activité, etc., dans les divers secteurs où elles sont impliquées. On voit alors que la notion de contrôle cède progressivement la place, pour la définition du groupe, au concept de management.
« Management » d'un groupe
Il convient en premier lieu d'énumérer les différents types de groupes industriels et financiers qu'il est possible de rencontrer dans la réalité économique. On peut d'abord appeler groupe industriel un ensemble d'entreprises ou d'unités de décisions locales (établissements) que réunit un objet social proche. Le groupe industriel est dit horizontal lorsqu'il rassemble des entreprises appartenant à la même branche d'industrie ; vertical lorsqu'il associe des entreprises ou des établissements produisant des biens ou des services situés à des stades successifs de production. Dans cette première conception c'est l'objet matériel de la production qui est à l'origine de la constitution du groupe. Il en est ainsi pour les groupes dont l'activité concerne les industries de base (groupes sidérurgiques, pétroliers, chimiques...) ou pour ceux qui assurent une fonction technique particulière (groupes nucléaires, traitement des eaux, gros matériel électrique, calculateurs et leurs composants, etc.), ou encore pour les groupes définis par une technique particulière de gestion qu'ont en commun toutes les entreprises qui y participent (groupes dans le secteur de la distribution, groupes bancaires, immobiliers). De ce point de vue, un groupe formé d'établissements de crédit diversifiés et assurant des services variés à l'intention d'une clientèle multiple constitue un groupe « industriel ».
Dans une seconde direction, au-delà de l'objet matériel de la production, on peut chercher à définir l'appartenance au groupe par l'existence d'une stratégie commune de développement : le groupe industriel réunira ainsi toutes les entreprises - filiales au capital entièrement détenu par la maison mère ; filiales « majoritaires » ou « minoritaires », c'est-à-dire dont la majorité ou la minorité du capital est détenu par la société mère ; sociétés liées par des relations personnelles ; entreprises sous-traitantes ; sociétés dites « captives » dans la mesure où l'essentiel de leurs fournitures ou de leurs débouchés dépend des autres entreprises du groupe ; sociétés enfin qui bénéficient des services rendus par l'ensemble du groupe - sous la condition qu'elles suivent la planification stratégique du développement (corporate planning) retenue par l'autorité centrale. Dans ce cas, c'est l'acceptation des orientations à long terme des activités telles qu'elles ont été choisies par le centre de décision qui qualifie l'appartenance au groupe, et non plus seulement une définition matérielle faisant intervenir les types dans lesquels les firmes associées sont engagées.
À cette catégorie de groupes industriels appartiennent traditionnellement ce que l'on appelle les groupes financiers, c'està-dire les entreprises dont une grande partie de la gestion stratégique, le financement à court et à long terme, est entre les mains d'une institution financière qui peut être tantôt une banque d'affaires ou un établissement financier, tantôt une société holding n'appartenant pas au secteur bancaire, et notamment ce que l'on désigne parfois sous le nom de « groupe familial ». Ainsi le groupe Fiat a-t-il été constitué aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale autour d'une société holding issue d'une organisation de type familial. La gestion financière est une partie importante de la planification stratégique du développement des groupes ; aussi n'est-il pas étonnant que les groupes financiers se soient plus facilement adaptés à la seconde modalité des groupes industriels que les anciens groupes industriels.
Représentation des groupes
Lorsqu'il s'agit de représenter la structure d'un groupe industriel ou financier, la méthode la plus aisée consiste à établir un organigramme, lequel indiquera l'ensemble des entreprises, voire même des établissements contrôlés par le groupe. Cet organigramme correspond à un graphe orienté où les entreprises membres constituent des sommets et où des arcs relient les différents sommets entre eux. On donne à l'arc une cotation représentant l'importance de la liaison. Sur le chemin formé par les arcs liant des sommets successifs, par exemple des sociétés contrôlées par participation directe, puis par des participations indirectes de degré 2 à n, la société holding sera figurée par le sommet qui n'aura pas de précédent. Une telle représentation par un graphe permet par la suite une série de mesures se rapportant aux activités de l'ensemble des entreprises du groupe.
Les premiers problèmes de mesure qui se posent touchent à la consolidation des activités du groupe. Il importe en effet de définir par des grandeurs uniques les sociétés membres. La consolidation concernera l'ensemble des postes du bilan et des divers comptes (exploitation, pertes et profit). Deux conceptions de la consolidation sont généralement avancées ; selon la première, les données propres aux entreprises ne peuvent être incorporées dans les comptes consolidés qu'au prorata du taux global de participation (ou de contrôle) détenu par les membres du groupe dans chacune des entreprises contrôlées ; ainsi, dans le cas d'une filiale commune, les données relatives à cette filiale ne seraient reprises dans les comptes et bilan consolidés de l'un des groupes la contrôlant que pour le pourcentage de ce contrôle. À l'opposé, la seconde conception considère que dès lors qu'une entreprise fait partie d'un groupe, quelle que soit l'importance des intérêts minoritaires, l'ensemble des données concernant cette entreprise doit être intégré aux comptes et bilan consolidés du groupe. Seuls les doubles emplois seraient donc éliminés dans les calculs de consolidation. Suivant la conception retenue, on dira que la consolidation est pessimiste ou optimiste. Seule l'élimination des comptes réciproques paraît nécessaire à l'établissement d'un compte consolidé ; la mise en évidence de l'importance relative des intérêts minoritaires dans le groupe est cependant d'une grande utilité comme mesure de la cohésion du groupe, en tant que centre de décision.
Si la consolidation permet en effet de mesurer la puissance globale du groupe et ainsi de le classer parmi les autres groupes industriels et financiers, d'autres mesures ne sont pas moins intéressantes. Il s'agit notamment de l'établissement des comptes et bilans par division (divisional reporting), grâce auxquels on peut qualifier la substance des activités du groupe. Pour chacune des activités principales, on fait apparaître, outre les différents postes du bilan, les ventes, les profits, les ratios caractéristiques et la part contributive de l'élément du groupe au profit total de l'ensemble du groupe. L'avantage de ce type de mesures est évident : elles donnent le moyen de classer les « centres de profit » du groupe financier et industriel, de découvrir éventuellement les subventions croisées entre les membres et enfin d'orienter les options stratégiques pour le développement du groupe. Le graphe des centres de profit peut être différent de celui des participations représentant la structure juridique du groupe ; ce graphe des centres de profit a en effet une structure logique, puisqu'il représente les activités dans lesquelles le groupe est engagé. L'exemple d'une telle technique de représentation et de mesure a été donné par la société Martin Marietta dès 1965.
Les groupes de type congloméral
D'autres facteurs doivent encore permettre de qualifier les groupes industriels et financiers. Au cours des années qui suivirent 1950, on vit apparaître dans divers pays un type nouveau de groupes financiers caractérisés par des activités fortement décentralisées et par une croissance externe par fusion très rapide : les groupes de type congloméral ; ces entreprises conglomérales s'opposent par bien des aspects aux anciennes grosses entreprises diversifiées (diversified majors) issues des grands mouvements de concentration des décennies 1890-1930. Cette opposition soulève à nouveau le problème de la mesure du degré de cohésion des groupes industriels. La solidarité interne d'un groupe peut d'abord être mesurée par la division du travail au sein du groupe. La division du travail implique l'absence complète de concurrence interne et la définition de normes applicables par toutes les entreprises associées. La solidarité interne doit également se traduire par l'existence d'effets de dimension : économies dans l'obtention des fonds d'emprunt, dans la gestion des services communs de recherche, dans l'organisation centrale d'un système de commercialisation, etc. Aussi peut-on comprendre que les groupes financiers et industriels étaient jusqu'ici relativement centralisés, avec à leur sommet une organisation commune particulièrement importante ; une mesure de l'interdépendance des éléments du groupe et de leur solidarité pouvait alors être retenue : le rapport du nombre des personnes travaillant au siège social à l'importance du chiffre d'affaires consolidé. Plus le ratio est élevé, plus la solidarité est forte.
Au contraire, dans les entreprises de type congloméral, la solidarité interne est en relation directe avec le taux de rentabilité du capital investi dans chacune des unités constituant le groupe. En raison de l'extrême diversité des activités du groupe congloméral, il n'est plus possible d'envisager la mise en place de services communs efficaces, dans le domaine de la commercialisation par exemple. Le rôle du siège central consiste donc à faire en sorte que le second type de solidarité soit maintenu, à savoir que les éléments constitutifs maintiennent un taux de rentabilité voisin dans la longue période. Il consiste également à intégrer des éléments nouveaux à même capacité contributive, et à céder à l'extérieur ceux dont la capacité contributive a diminué au cours du temps. Mesurée par le rapport « personnel du siège/chiffre d'affaires consolidé », la cohésion du groupe congloméral devrait apparaître très faible par comparaison avec les grands groupes diversifiés traditionnels. Par contre, mesurée par la dispersion (variance) du taux de rentabilité du capital investi et du taux de rentabilité des fonds propres, la solidarité du groupe congloméral est généralement supérieure à celle des groupes diversifiés traditionnels. On voit à quel point la qualification des groupes est nécessaire pour les mesures principales : importance globale, consistance spécifique, cohésion.
2. Présence dans le monde contemporain
Que connaît-on en fait des groupes industriels et financiers ? Les grands complexes industriels tendent à ajouter leurs règles du jeu, en tant qu'entités socio-politiques, à celles des États traditionnels et des regroupements régionaux. On analysera ici par quels procédés et à partir de quels scénarios les groupes organisent leur développement dans une réalité internationale en évolution rapide. Pour donner un exemple, on évoquera le cas de la formation et du développement des groupes industriels et financiers dans l'économie japonaise.
Avant la Seconde Guerre mondiale, le Japon se caractérise par la présence de groupes financiers familiaux, les zaibatsu, qui occupaient une position prédominante dans la plupart des industries japonaises. Les quatre groupes familiaux majeurs : Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo et Yasuda, accompagnés de six zaibatsu de moindre importance, représentaient 50% des capitaux permanents dans le secteur bancaire, 49% dans l'industrie lourde et 17% seulement dans les industries légères, dominées par les organismes cartellisés des associations professionnelles, comme dans le textile et les industries alimentaires. La loi de déconcentration (juill. 1947) fit éclater les zaibatsu en supprimant les anciennes compagnies financières et commerciales qui coordonnaient les activités des groupes dans les diverses industries ; la plupart des filiales des zaibatsu furent également elles-mêmes démembrées. Dix ans plus tard, cependant, une vague de concentration allait rassembler les éléments des anciens zaibatsu. Toutefois des différences peuvent être notées : désormais, les nouveaux zaibatsu ne sont plus des groupes financiers familiaux, mais des groupes industriels décentralisés, gérés par une nouvelle génération de techniciens et de financiers ; en effet, le facteur « organisation », davantage que les liens personnels de types féodaux, explique la reconcentration des années récentes. Si, avant la guerre, l'organisme commercial était le centre de coordination des zaibatsu, désormais la banque est devenue l'organisme responsable de la stratégie du développement de l'ensemble des entreprises du groupe. C'est la raison pour laquelle les groupes axés sur une banque, comme les deux anciens zaibatsu Sumitomo et Mitsubishi, ou encore comme le groupe Yasuda, se sont développés plus vite et plus considérablement après la reconcentration que le groupe Mitsui, qui ne présente plus en 1969 qu'environ la moitié de sa puissance d'avant-guerre. Les groupes financiers japonais sont caractéristiques d'une nouvelle structure des groupes définie par trois niveaux de contrôle : des entreprises directement contrôlées par des participations financières, puis, second ensemble, des entreprises moins strictement contrôlées mais associées au moyen de liaisons personnelles ou par des conventions de fournitures de service émanant du groupe, enfin une troisième couronne d'entreprises liées au groupe par des relations d'affaires, et notamment par des accords de sous-traitance ou de fournitures. Ainsi se constituent des groupes au sens très large du terme, dont 20% sont formés de sociétés contrôlées financièrement, 40% d'entreprises associées par des liens personnels et 40% d'entreprises sous-traitantes ou de fourniture. Dans un certain sens, ces vastes ensembles à clientèles variées préfigurent la contexture des groupes financiers dans les autres pays industriels.
On peut alors résumer les différentes caractéristiques des groupes industriels et financiers tels qu'on les observe actuellement dans les économies les plus avancées :
- Les groupes industriels internationaux ont leurs activités principales dans l'industrie manufacturière ; cependant, ils s'intéressent de manière sans cesse accrue aux activités de service (distribution) et aux activités financières (banques). Les banques du groupe servent alors souvent de pôles de coordination pour l'ensemble du groupe.
- Ces groupes montrent une tendance à décentraliser leurs activités, en termes de produits et en termes de marché. La proportion des groupes traditionnels par rapport à ceux de type congloméral est encore très élevée, mais va en se réduisant ; ces derniers en effet connaissent les taux de croissance les plus importants.
- Les grands groupes financiers et industriels sont désormais de plus en plus fréquemment multinationaux, en dépit des obstacles qu'une implantation internationale ne manque pas de susciter : nécessité d'une légitimité multiple vis-à-vis des États, difficultés de gestion, difficultés de conserver le critère du rendement du capital investi dans les choix financiers du groupe multinational, qui a ses contraintes locales particulières.
- De tels groupes, enfin, sont de moins en moins sous le contrôle d'intérêts familiaux et de plus en plus administrés par des techniciens non propriétaires, avec de notables exceptions (I.B.M., Watson).
3. Méthodes de formation et de croissance
Puisqu'il existe à l'intérieur des groupes trois niveaux de coopération exprimant trois degrés de solidarité dans l'association des partenaires, on doit donc pouvoir déceler trois méthodes principales pour la formation et le développement des groupes financiers et industriels : les prises de contrôle et les concentrations (premier niveau), les liaisons personnelles (deuxième niveau), les accords d'associations commerciales ou de service (troisième niveau).
Les prises de contrôle constituent le mode traditionnel de croissance du groupe dans l'industrie ; elles s'effectuent soit sous la forme de concentrations ou d'absorptions qui suppriment la personnalité juridique de l'entreprise contrôlée, soit sous la forme de prises de participation dans le capital de l'entreprise rentrant au sein du groupe. Ces participations peuvent être le fait soit de la société holding du groupe, soit d'autres entreprises membres, soit encore de sociétés financières extérieures au groupe mais associées à lui pour une opération particulière. La différence entre ces modalités est purement contingente : elles représentent une même réalité, l'incorporation d'une entreprise ou le renforcement des liens unissant les entreprises à l'intérieur d'un groupe. Si le nombre des opérations de concentration peut être considéré comme un bon indicateur de la formation des groupes à ce premier niveau, il est alors permis d'affirmer que la formation des groupes industriels et financiers s'est réalisée de manière favorable en Europe et en Amérique du Nord depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans les pays hautement industrialisés, c'est la formation de groupes axés sur certains secteurs de base que les concentrations ont visée : en Grande-Bretagne, par exemple, le secteur des calculateurs ; en France, l'aéronautique et la sidérurgie ; en Allemagne fédérale, l'industrie du matériel électrique... Aux États-Unis, les grands groupes de type congloméral se sont développés par des absorptions en chaîne dans les branches les plus diverses de l'activité économique, et notamment dans les secteurs de service. Enfin, sur le plan international, on assiste à la fois à la constitution de groupes mondiaux spécialisés (dans l'électronique ou l'énergie nucléaire) et d'entreprises multinationales très diversifiées, tel par exemple le groupe multinational constitué en quelques années par la société Grâce.
Les liaisons personnelles sont également un moyen traditionnel pour renforcer la consistance d'un groupe ou encore pour assembler plusieurs grandes entreprises ou plusieurs groupes industriels sous la forme d'une entité plus vaste, souvent à coloration régionale. Ainsi, on a pu observer en 1965 aux États-Unis près de 2 500 relations personnelles dans les groupes des 250 premières affaires américaines, dont quelques-unes seulement peuvent être qualifiées de « groupes familiaux », en incluant les liaisons effectives avec les plus grandes institutions financières. Ces groupes constitués à partir de relations personnelles sont essentiellement régionaux ; certains d'entre eux entretiennent des interrelations très nombreuses qui ont créé des solidarités très fortes : il s'agit notamment des groupes formés par les banques et les grosses entreprises dont les sièges sociaux sont à New York, Chicago, San Francisco, Pittsburgh, Los Angeles, Cleveland et Detroit. D'autres groupes d'intérêts régionaux se sont également constitués, mais à partir d'interrelations personnelles moins nombreuses et moins solides. À ce second niveau du groupe industriel et financier, l'importance du complexe socio-économique vient transformer la nature du groupe et sans doute aussi le type de solidarité qui peut unir les différents partenaires au sein de ces groupes régionaux élargis.
Le troisième niveau de formation concerne les accords d'association commerciale entre les éléments du groupe : cela vise essentiellement les contrats de sous-traitance ou de fournitures de service passés entre les entreprises du groupe et des outsiders. La sous-traitance introduit à l'intérieur du groupe le receveur d'ouvrage ; une firme et ses sous-traitants constituent un groupe dont le degré de solidarité est souvent très élevé, même si des conflits sporadiques s'élèvent parfois au moment du renouvellement des contrats. De même, un grand nombre de groupes industriels ont fait de certains de leurs départements fonctionnels (division financière, divisions commerciales, division informatique, division recherche-développement, etc.) des centres producteurs de services au bénéfice de toutes les industries désireuses de les utiliser. Dans ces conditions, les sociétés utilisatrices seront rapidement amenées à s'intégrer au groupe, et notamment à envisager leur développement dans l'orbite des stratégies retenues par le groupe.
Cette analyse fait donc apparaître que si un comportement indépendant n'est jamais impossible de la part d'une entreprise « isolée », toutefois il deviendra de plus en plus difficile dans le monde industriel contemporain d'organiser une stratégie de développement sans tenir compte des groupes financiers ou être en partie associé à leur destin.
4. La gestion des groupes industriels et financiers
La dimension des groupes industriels, la diversification de leurs activités, l'implantation de leurs établissements sur l'ensemble du globe, la multiplicité des environnements politiques et sociaux qu'ils rencontrent imposent aux groupes des règles de gestion particulières.
Centralisation ou décentralisation
La proportion des groupes où prédomine une organisation hiérarchique centralisée se réduit au fur et à mesure qu'augmentent leur dimension et leur diversification. Ainsi les principales responsabilités fonctionnelles - gestion de la production, gestion commerciale, choix des investissements de productivité, gestion du personnel, trésorerie - sont le plus souvent dévolues aux grandes divisions du groupe. La décentralisation des activités requiert cependant la mise en place d'une organisation centralisée d'information et de contrôle, en même temps qu'elle confère au centre de coordination du groupe une fonction de gestion spécialisée.
La centralisation de l'information consiste à équiper le groupe d'un système informationnel tel que les dirigeants puissent à tout moment connaître la situation de chaque division, et les informer des contraintes globales que la participation au groupe leur impose. La constitution de ce système informationnel suppose une codification complète des opérations élémentaires effectuées à l'intérieur du groupe, ainsi que l'accumulation en mémoire des données extérieures sur la base desquelles les décisions de gestion ont été prises dans les divisions. Le système informationnel permet donc au centre de coordination de connaître, de contrôler et d'orienter l'action du niveau décentralisé : à l'inverse, grâce au système informationnel, les responsables des unités décentralisées sont à même de situer leurs décisions par référence aux autres éléments du groupe. La mise en place d'un système d'information peut jouer un rôle important dans les problèmes d'optimisation que les différents centres de profit doivent résoudre, en précisant les contraintes dont ils ont à tenir compte. Mais elle facilite également la solution des problèmes d'optimisation propres au centre de coordination du groupe, par exemple l'établissement des prix de cession interne, le choix des investissements de capacité, le choix des nouvelles acquisitions d'actifs.
Stratégie du développement
Une des premières applications du système d'information sur lequel reposent la gestion et le contrôle des groupes décentralisés concerne la stratégie du développement, ce que l'on appelle souvent le corporate planning. La planification du développement, pour un groupe industriel et financier, consiste d'abord en un vaste recensement des ressources totales du groupe, examiné sous la forme de contributions potentielles à la croissance de l'ensemble. À cet état permanent des potentialités à l'intérieur du groupe s'ajoute un inventaire continuellement amélioré des ressources existant à l'extérieur du groupe et de ses centres de profit, et qu'il pourrait être intéressant d'englober à un moment donné ; c'est cette étude des virtualités externes qui servira de point de départ à la politique de croissance par concentration du groupe. Outre ces deux inventaires s'ajoute le recensement des différentes contraintes dont le groupe a ou aura à tenir compte dans le processus de sa croissance. Ces contraintes sont d'origines variées : elles sont imposées par les États, les collectivités publiques, les organisations de travailleurs, les groupes concurrents. Le groupe, enfin, doit s'interroger sur l'ensemble des objectifs qui sous-tendent ses décisions, aussi bien les objectifs de chacun des centres de profit que ceux de tous les éléments sociaux intervenant dans le développement des activités de l'entreprise (actionnaires, cadres, travailleurs, fournisseurs et clients). Parmi les divers programmes que le groupe peut retenir, le choix portera sur celui qui satisfait le mieux les intérêts des différents participants à la fonction sociale d'objectif du groupe ; de plus, une place importante devra être faite aux nécessités d'une révision continuelle de ces programmes. Quant à la représentation de ces derniers sous la forme de plans pluriannuels et de budgets, elle s'effectue normalement au niveau des centres de profit, décentralisés, en conformité avec les options de développement arrêtées par le groupe.
Toutes les techniques de gestion des grands groupes financiers et industriels visent bien à améliorer les résultats de l'ensemble des centres de profit, tout en allégeant les charges de gestion de chacun des éléments du groupe et en les spécialisant. L'image que donne aujourd'hui le groupe industriel n'est pas seulement celle de vastes empires, mais aussi de réseaux de communication dont la qualité commande l'efficacité.
2006-10-22 15:42:06
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answer #9
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answered by Momo 7
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