Le texte que je t'envoie est très long, mais si tu es sincère dans ta rechrche de la vérité sur le voile lis le:
Le verset de la sourate An-Nûr : Et dis aux croyantes qu'elles baissent de leur regard, qu'elles restent chastes, qu'elles ne montrent de leurs parures que ce qu'il paraît et qu'elles ramènent sur leur encolure leur khimâr…" peut, d'après l'interprétation de Ibn Abbâs, ne concerner que le foulard porté sur la chevelure – al-khimâr – et non le voile sur le visage, comme vous l'avez dit.
Mais le verset de la sourate Al-Ahzâb : "O Prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux épouses des croyants qu'elles ramènent sur elles leur jilbâb. Ceci sera à même qu'elles soient reconnues et n'en soient alors point offensées", peut-il signifier autre chose que le voile du visage, étant donné qu'il y est demandé de tirer le jilbâb sur soi ? N'a-t-il pas été révélé après celui de An-Nûr, venant apporter quelque chose de supplémentaire, à savoir forcément le fait de se couvrir le visage ?
De plus, on lit dans ce verset : "Ceci sera à même qu'elles soient reconnues" : le port du voile aurait donc bien, contrairement à ce que vous pensez, comme objectif d'exprimer qu'on est musulmane.
Réponse :
Apporter des éléments de réponse à vos questions ne peut se faire qu'en plusieurs points… Mais avant tout, je vous prie de lire l'article suivant : L'islam a-t-il rendu obligatoire pour la musulmane de se voiler le visage ?, pour y découvrir les avis des savants à propos de la question du voile du visage. Ici nous aborderons le sujet sous un angle quelque peu différent, quoique complémentaire...
Les passages coraniques qui parlent du "voile féminin" : le verset dit "du khimâr", et le verset dit "du jilbâb" :
Il y a principalement deux versets :
– le verset de la sourate An-Nûr (24ème sourate du texte coranique), qui évoque le "khimâr" : "Dis aux croyants qu'ils baissent leur regard et qu'ils restent chastes. Ceci est cause de plus de pureté pour eux. Dieu est informé de ce qu'ils font. Et dis aux croyantes qu'elles baissent de leur regard, qu'elles restent chastes, qu'elles ne montrent de leurs parures que ce qu'il paraît et qu'elles ramènent sur leur encolure leur khimâr…" (Coran 24/31) ;
– le verset de la sourate Al-Ahzâb (33ème sourate du texte coranique), qui évoque le "jilbâb" : "O Prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux épouses des croyants qu'elles rapprochent sur elles de leur jilbâb. Ceci sera plus à même qu'elles soient reconnues et ne soient alors point offensées. Et Dieu est pardonneur, miséricordieux" (Coran 33/59-62).
En fait il y a également un troisième verset :
– le verset de la sourate Al-Ahzâb (33ème sourate du texte coranique), qui contient ce passage : "Et si vous demandez à (ses épouses) quelque objet, demandez-le leur derrière un rideau" ("min warâ'ï hijâb") (Coran 33/53).
Que signifient les termes du verset de la sourate Al-Ahzâb disant : "elles en seront reconnues et ne seront alors pas offensées" ?
Certains Hypocrites, à Médine, tenaient des propos déplacés à propos de certaines femmes lorsque celles-ci passaient près de là où ils se trouvaient. Le verset mentionne la sagesse (hikma) que recèle le fait de porter les vêtements adéquats : "Ceci sera plus à même qu'elles soient reconnues et ne soient alors point offensées".
De nombreux savants ont commenté ces termes comme signifiant : "afin qu'elles soient reconnues comme étant des femmes libres et non des esclaves, et qu'elles ne soient donc point offensées". Les écoles qui ont adopté ce commentaire en ont déduit que les musulmanes esclaves n'avaient pas le devoir de se couvrir les cheveux, même en public. Ceci ne veut pas dire que toutes ces écoles permettraient de regarder avec désir les attraits d'une esclave qui passe ; bien au contraire, elles ont, ici et là , explicitement précisé que ce genre de regard est interdit même par rapport à une esclave ; tout ce que cela veut dire est que ces écoles ne considèrent pas que l'esclave a la même awra que la femme libre.
Ibn Hazm n'a pas adopté le commentaire que nous venons de voir et s'en est au contraire démarqué, arguant qu'il impliquerait que seules les femmes libres et non les femmes esclaves aient été protégées des outrages des hypocrites (Al-Muhallâ 2/249). Le commentaire qui va avec son avis est celui-ci : "afin qu'elles soient reconnues comme étant des femmes pudiques et ne voulant pas être offensées par des propos masculins" (d'après Hijâb ul-mar'a al-muslima, pp. 42-43). Attention : toute femme qui s'habille ainsi exprime qu'elle est pudique ; ceci n'implique pas forcément que toute femme qui ne s'habille pas ainsi soit impudique, mais à tout le moins qu'elle n'exprime pas par sa tenue vestimentaire si elle est pudique ou si elle ne l'est pas.
Par voie d'incidence, Ibn Hazm n'a pas fait de différence entre la 'awra des femmes libres et celle des femmes esclaves. Ibn Hazm écrit : "La religion de Dieu est unique, et les formes et la nature sont les mêmes aussi bien chez les esclaves que chez les libres. Il y aurait eu différence si un texte avait fait différence" (Al-Muhallâ, 2/248-249).
En tout état de cause, cette phrase du verset ne signifie pas que l'objectif du port du jilbâb soit, en soi, que celles qui le portent soient reconnues comme musulmanes.
Ces deux versets coraniques, l'un du khimâr et l'autre du jilbâb, enseignent-ils la même chose, ou bien l'un offre-t-il un impératif supplémentaire par rapport à l'autre ?
Répondre à cette question demande que l'on détermine deux choses :
- y a-t-il une différence entre le khimâr et le jilbâb ?
- lequel des deux passages coraniques fut révélé en premier, lequel fut révélé ensuite ?
1) Qu'est-ce que le khimâr et qu'est-ce que le jilbâb ?
Le khimar couvre les cheveux (Mufradât Ar-Râghib).
Quant au jilbâb, qu'est-ce donc ? S'agit-il de la même chose que le khimâr, ou bien s'agit-il de quelque chose de plus ample ?
Les avis sont divergents sur le sujet, et Ibn Hajar a cité quelques sept vêtements qui entrent dans l'acception du terme "jilbâb" (Fat'h ul-bârî 1/549). On peut dire ici que deux choses reviennent essentiellement :
– le jilbâb est la même chose que le khimâr ("qîla : al-khimâr") ;
– le jilbâb est différent du khimâr : il s'agit d'une sorte de grand pardessus que les femmes portaient sur leur robe et leur khimâr ("al-malâ'a").
Une chose est certaine : certaines femmes utilisaient leur jilbâb pour se couvrir le visage également : Aïcha raconte ainsi : "Je me couvris alors le visage de mon jilbâb" (rapporté par Al-Bukhârî 3910, 4473, Muslim 2770). Mais en fait, ce que ce récit montre c'est seulement que le jilbâb peut être utilisé pour couvrir le visage ; cependant, il ne dit pas explicitement si le jilbâb est la même chose que le khimâr ou non, ni si l'utilisation de se couvrir le visage par le moyen du jilbâb est une obligation sur toute musulmane (cela constitue un autre point, sur lequel nous reviendrons plus bas).
2) Lequel de ces deux passages fut révélé en premier, lequel fut révélé ensuite ?
Il est difficile de le dire avec certitude.
Ibn Hajar écrit que le verset du jilbâb fut lui aussi révélé dans la période où le verset "min warâ'ï hijâb" fut révélé (Fat'h ul-bârî 1/328), donc (nous allons le voir plus bas) dans les temps qui suivirent le mariage du Prophète avec Zaynab.
Ce qui est certain, c'est que le mariage du Prophète avec Zaynab a eu lieu avant la calomnie contre Aïcha ; en effet, car lorsque Aïcha manquera par mégarde le départ de la caravane, qu'elle sera ramenée par Safwân ibn al-Mu'attal et que des hypocrites trouveront là l'occasion de pouvoir faire courir des rumeurs sur son sujet, Zaynab sera déjà mariée au Prophète (puisque Aïcha parlera d'elle en tant qu'épouse du Prophète : rapporté par Al-Bukhârî). Un certain nombre de versets de la sourate An-Nûr seront révélés peu après, venant clarifier la situation et affirmer l'entière innocence de Aïcha. Cependant, ce qui est relaté c'est que ce furent les versets n° 11 à n° 26 qui furent alors révélés (voir Fath' ul-bârî, 8/606) ; il n'est donc pas certain que le verset du khimâr (qui porte le n° 31) ait, lui aussi, été révélé après la calomnie contre Aïcha : il peut avoir été aussi révélé dans cette période, mais ce n'est pas spécifié.
Le verset du khimâr peut donc avoir été révélé après la calomnie contre Aïcha, et donc forcément après celui de Al-Ahzâb (puisque, d'une part, celui-ci a été révélé après le mariage du Prophète avec Zaynab, et que, d'autre part, Zaynab était déjà mariée au Prophète lors de l'épisode de la calomnie contre Aïcha).
Mais il peut aussi avoir été révélé bien avant la calomnie contre Aïcha, et peut-être même avant le mariage du Prophète avec Zaynab et donc avant la révélation du verset de Al-Ahzâb.
Par contre, nous disposons de deux récits authentiques qui parlent chacun de ce qui s'est passé après la révélation de chacun des deux versets…
D'un côté Umm Salama relate : "Lorsque le verset "Qu'elles rapprochent sur elles de leur jilbâb" fut révélé, les femmes ansârites sortirent avec, sur leur tête, à cause des manteaux ("kissâ"), comme des corbeaux" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 4101) (la comparaison porte sur la couleur noire, comme l'a écrit Al-Azîmâbâdî).
D'un autre côté Aïcha relate : "Que Dieu fasse miséricorde aux femmes émigrantes premières : lorsque Dieu révéla : "Et qu'elles ramènent leur khimâr sur leur encolure", elles firent plusieurs pièces de leurs pièces de tissu et se couvrirent avec" (rapporté par Al-Bukhârî, n° 4481) ; "Lorsque la sourate An-Nûr fut révélée : "Et qu'elles ramènent leur khimâr sur leur encolure", les hommes de leur parenté allèrent leur réciter ce qui avait été révélé ; toutes les femmes (ansârites) prirent alors leur manteau ("mirt"), et, le matin, elles accomplirent la prière de l'aube portant foulard ("mu'tajirât"), comme s'il y avait des corbeaux sur leur tête" (Fath' ul-bârî 8/622).
D'un autre côté, les hypothèses suivantes s'offrent à nous…
3) Hypothèses quant à l'impératif du verset de Al-Ahzâb et de celui de An-Nûr :
En fonction des deux questions que nous venons de voir – quelle différence y a-t-il entre khimâr et jilbâb, et lequel, des deux versets du khimâr et du jilbâb, fut révélé en dernier – on peut faire les hypothèses suivantes :
A) Soit les deux versets communiquent la même règle, et celui qui a été révélé ensuite n'est venu qu'effectuer un rappel de ce qui avait déjà été révélé ; cette hypothèse n'est envisageable que si on considère que les termes "khimâr" et "jilbâb" signifient la même chose.
B) Soit chacun des deux versets est venu apporter une règle différente de celle que l'autre a apportée…
B.1) … et le verset du khimâr a été révélé d'abord et celui du jilbâb ensuite : dans ce cas :
B.1.1) soit le verset du khimâr demandait aux musulmanes de porter un foulard couvrant leurs cheveux et de rabattre ce foulard sur leur encolure ; puis le verset du jilbâb est venu leur dire de se couvrir le visage aussi ;
B.1.2) soit le verset du khimâr demandait aux musulmanes de porter un foulard couvrant leurs cheveux et de rabattre ce foulard sur leur encolure ; le verset du jilbâb leur demanda de porter un vêtement ample, enveloppant la robe et le foulard mais ne couvrant pas le visage ;
B.2) … et le verset du jilbâb a été révélé d'abord et celui du khimâr ensuite : dans ce cas :
B.2.1) soit le verset du jilbâb demandait aux musulmanes de porter le jilbâb, cet ample vêtement pour le corps, mais ne leur demandait pas de se couvrir la chevelure ; c'est ensuite le verset du khimâr qui est venu demander de porter un foulard couvrant sa chevelure ;
B.2.2) soit le verset du jilbâb demandait aux musulmanes de porter le jilbâb, cet ample vêtement couvrant le corps et la chevelure ; cependant, certaines musulmanes crurent que le port de ce vêtement était obligatoire seulement quand elles étaient à l'extérieur de chez elles, mais pas si un homme qui n'est pas leur proche parent venait chez elles à l'occasion d'une visite au mari, par exemple ; le verset du khimâr vint alors rappeler que l'obligation de couvrir ses attraits était due à la présence de tout homme ne faisant pas partie des proches parents, que l'on soit à l'extérieur ou bien chez soi (voir Le Prophète de l'islam, sa vie, son Åuvre, 2/952) ;
B.2.3)soit le verset du jilbâb demandait aux musulmanes de porter le jilbâb, cet ample vêtement couvrant le corps et la chevelure ; cependant, l'encolure restait jusqu'alors découverte, et le verset du khimâr vint demander aux musulmanes de rabattre leur foulard sur leur encolure.
4) Analyse de ces différentes hypothèses :
L'hypothèse A ne permet pas d'expliquer à la fois le récit de Umm Salama et celui de Aïcha. En effet, chacun de ces deux récits montre qu'après la révélation de chacun des deux versets, les musulmanes ont entrepris quelque chose de nouveau. Il ne peut donc apparemment pas s'agir du même impératif répété deux fois. Ne sont donc envisageables que les hypothèses relevant du point B…
L'hypothèse B.2.1, selon laquelle le verset du jilbâb ne demandait pas aux musulmanes de se couvrir la chevelure – chose que le verset du khimâr vint demander plus tard – mais seulement de porter un vêtement ample, ne permet pas de comprendre le récit de Umm Salama, lequel montre qu'après la révélation de ce verset du jilbâb, les musulmanes portèrent un vêtement sur leur tête. Il ne s'agit donc apparemment pas d'un vêtement ample mais ne couvrant pas la chevelure.
L'hypothèse B.1.1 exprime l'idée que le verset relatif au jilbâb a été révélé après celui du khimâr, afin de rendre obligatoire pour toute musulmane de se couvrir également le visage ; ce serait donc là ce que signifie le récit de Umm Salama.
Or, c'est l'avis disant qu'il n'y a pas eu obligation pour l'ensemble des musulmanes de cacher leur visage qui paraît pertinent, et ce pour plusieurs raisons. Pour ce qui est des termes employés dans le verset, "qu'elles rapprochent sur elles de leur jilbâb", il est faux de dire qu'ils désignent sans doute possible le fait de "ramener le jilbâb sur le visage", puisqu'un autre commentaire que celui-ci existe qui est relaté de Ibn Abbâs : "elle rapproche le jilbâb de son visage et ne le rabat pas" (cité et authentifié dans Ar-Radd ul-mufham, pp. 50-51) ; Qatâda dit quant à lui : "Dieu leur a demandé de ramener (le vêtement) près de leurs sourcils quand elles sortent" (Idem). Pour ce qui est maintenant de la façon dont les musulmanes ont appliqué ce verset, voici ce que l'on peut dire… Jâbir relate qu'un jour de fête, le Prophète, s'adressant aux musulmanes, leur demanda d'être charitables, et qu'ensuite une femme aux joues abîmées questionna le Prophète par rapport à ce qu'il avait dit (rapporté par Muslim, n° 885). Or Ibn Abbâs relate qu'après la prière d'un jour de fête, le Prophète se rendit auprès des rangées des femmes pour faire un discours ; le Prophète récita devant elles le verset de la mubâya'ah (rapporté par Muslim, n° 884, Al-Bukhârî, n° 4613). An-Nawawî a écrit que ce qu'a relaté Jabîr et ce qu'a relaté Ibn Abbâs parlent du même événement (Shar'h Muslim sur 884). Ibn Hajar écrit qu'il y a un récit voisin relaté par Asmâ' bint 'Umays, et qu'il parle aussi du même événement (Fat'h ul-bârî 2/604). On peut dès lors faire le raisonnement suivant : lors du récit montrant la femme aux joues abîmées, le Prophète récita le verset de la mubâya'ah ; or ce verset a été révélé après le pacte de Al-Hudaybiya (Fat'h ul-bârî 1/92), lequel a été conclu en dhul-qa'da de l'an 6 ; or le "voile" a été rendu obligatoire au plus tard en dhul-qa'da de l'an 5 (voir Fat'h ul-bârî 7/537, nous allons y revenir plus bas) ; ce récit se déroule donc quand le voile a déjà été rendu obligatoire ; or on y voit une musulmane ne rien porter sur son visage, puisque ses joues étaient visibles, et le Prophète ne lui dit rien à ce sujet. Le verset du "jilbâb" ne fait donc pas obligation à la musulmane de couvrir son visage.
L'hypothèse B.2.2 est intéressante : selon elle, le verset relatif au jilbâb a été révélé avant, pour dire aux musulmanes de se couvrir le corps sauf le visage et les mains lorsqu'elles sortent de chez elles, pour qu'elles soient reconnues comme manifestant leur pudeur ; c'est ensuite que le verset du khimâr fut révélé, pour rappeler aux musulmanes de se couvrir les cheveux non pas seulement lorsqu'elles sortent de chez elles mais également en présence de tout homme n'étant pas de leur parenté, fût-il venu rendre une visite à leur mari.
Un point subsiste cependant par rapport à cette hypothèse : elle ne permet pas de comprendre le récit de Aïcha, qui montre qu'apparemment, c'est à la mosquée – et non pas à la maison devant des hommes n'appartenant pas à la famille – que les femmes ansarites ont mis en application l'impératif du verset du khimâr : il ne s'agissait donc apparemment pas d'un impératif relatif à la maison.
Restent donc deux hypothèses : B.1.2 et B.2.3…
Selon l'hypothèse B.1.2, c'est le verset de An-Nûr qui a été révélé avant, et celui de Al-Ahzâb après : celui de An-Nûr, révélé d'abord, était venu dire que les musulmanes devaient se couvrir la chevelure et rabattre le khimâr – un foulard – sur leur poitrine ; celui de Al-Ahzâb, révélé ensuite, est venu dire qu'elles devaient désormais porter, sur leur robe et leur foulard, un jilbâb – c'est à dire un pardessus enveloppant.
Et selon l'hypothèse B.2.3, c'est l'inverse : c'est le verset de Al-Ahzâb qui a été révélé avant, et celui de An-Nûr après : celui de Al-Ahzâb, révélé en premier, était venu demander aux musulmanes de se couvrir la chevelure par un jilbâb ; celui de An-Nûr, révélé en second, est venu leur dire de rabattre leur khimâr sur leur encolure.
Cette hypothèse se comprendrait autant avec l'avis selon lequel le jilbâb est la même chose que le khimâr, qu'avec l'avis selon lequel le jilbâb était une sorte de grand pardessus, plus ample que le khimâr.
Cette hypothèse permettrait de comprendre la parole de Umm Salama comme celle de Aïcha : la parole de Umm Salama signifierait que le verset de Al-Ahzâb ayant été révélé, les femmes se mirent à se couvrir la chevelure en public par un jilbâb : il s'agirait soit d'un foulard noir porté sur leur tête, soit d'un pardessus ramené de façon à couvrir la chevelure également ; ensuite, le verset de An-Nûr ayant été révélé, les femmes se mirent, comme l'a raconté Aïcha, à ramener sur leur encolure leur foulard : il s'agissait soit de la même chose qu'elles portaient déjà sur leur chevelure uniquement, soit d'un foulard qu'elles portèrent sous leur pardessus.
Cette hypothèse permettrait de comprendre aussi le récit relaté par les commentateurs quant aux circonstances de révélation du verset de An-Nûr : "Lorsque les femmes se cachaient la chevelure, elles laissaient leur foulard sans l'attacher, de sorte que leur encolure restait découverte. Dieu leur dit donc dans ce verset de rabattre leur foulard sur leur encolure" (voir par exemple Tafsîr Al-Qurtubî). Voyez : ce récit semble indiquer que les musulmanes portaient déjà un vêtement sur leur tête, mais ne le rabattaient pas sur leur encolure. La révélation du verset de An-Nûr vint donc leur rappeler de le faire.
Aperçu chronologique des choses :
Dans un premier temps :
Cela faisait quelque temps que Omar disait au Prophète (sur lui la paix) : "Messager de Dieu, des hommes biens comme des hommes mauvais sont amenés à venir chez toi. Si tu ordonnais aux mères des croyantes [= à tes épouses] de se voiler ?" (Bukhârî 4512). Survint alors le mariage du Prophète avec Zaynab : lors du repas nuptial, alors que le Prophète avait invité des gens à partager ce repas, quelques-uns restèrent, après le repas, assis dans l'appartement du Prophète ; le Prophète se leva, voulant leur faire comprendre qu'il souhaitait être seul avec sa nouvelle épouse, qui d'ailleurs était assise dans un coin de l'appartement (Fath' ul-bârî 8/672) ; mais ils ne comprirent pas et demeurèrent sur place ; le Prophète revint, mais ils ne comprirent toujours pas, absorbés qu'ils étaient dans leur discussion (Bukhârî 4514) ; plus tard seulement ils comprirent et se levèrent. C'est suite à ces deux événements – Omar qui demandait au Prophète de voiler ses épouses et le désagrément que connut le Prophète lors du repas nuptial suivant le mariage avec Zaynab – que furent révélés les versets 33/53-55, les versets "min wara'ï hijâb", ceux-là où Dieu dit entre autres : "Et lorsque vous leur demandez quelque chose, demandez-le leur derrière un rideau". Ce verset signifie que les épouses du Prophète devaient désormais se voiler entièrement (c'est le hijâb ul-abdân) et qu'elles avaient l'obligation de se couvrir non seulement la chevelure mais aussi le visage, les mains et les pieds. Il ne signifie cependant pas qu'elles ne devaient parler que derrière un rideau : c'est uniquement quand, en présence d'hommes n'étant pas leurs proches parents, elles n'étaient pas vêtues de la façon que nous venons de voir, qu'elles devaient être derrière un rideau ; sinon, du moment qu'elles portaient de tels vêtements, elles pouvaient venir à la mosquée, accomplir le pèlerinage, et c'est ce qu'elles ont d'ailleurs toujours fait pendant le vivant et après le décès du Prophète (sur lui la paix).
Comme nous l'avons vu, d'après Ibn Hajar, le verset du jilbâb ("Qu'elles ramènent sur elles leur jilbâb") fut révélé dans la période où les versets "min warâ'ï hijâb" s'adressant aux épouses du Prophète furent révélés (Fat'h ul-bârî 1/328), c'est-à -dire juste après le mariage du Prophète avec Zaynab.
Et, selon l'hypothèse B.2.3, ce verset du jilbâb aurait été révélé avant celui du khimâr : ce serait donc ce verset du jilbâb qui vint dire aux musulmanes en général de porter le "voile" : d'après le récit de Umm Salama, les musulmanes portèrent alors des vêtements de couleur noire sur leur chevelure ; comme nous l'avons vu plus haut, ce verset ne leur fit pas obligation de se couvrir le visage également.
C'est donc juste après le mariage du Prophète avec Zaynab que les musulmanes auraient eu l'obligation de porter en public des vêtements recouvrant tout leur corps sauf leur visage et leurs mains, dans le même temps où les épouses du Prophète, elles, eurent l'obligation de se couvrir le visage et les mains aussi. Quand ce mariage eut-il donc lieu ? Des explications détaillées sont nécessaires…
La calomnie contre Aïcha a eu lieu suite à la campagne contre les Banu-l-Mustaliq (propos de az-Zuhrî relaté en Sahîh ul-Bukhârî, maghâzî, bâb 30, voir aussi Zâd ul-ma'âd 3/265, Fat'h ul-bârî 7/537). Quand cette campagne eut-elle lieu ? Trois avis existent à ce sujet : a) cha'bân de l'an 4 de l'hégire ; b) cha'bân de l'an 5 de l'hégire ; c) cha'bân de l'an 6 de l'hégire. Sa'd ibn Mu'âdh était encore vivant juste après la bataille contre les Banu-l-Mustaliq (puisqu'il se mettra debout dans la mosquée et prendra la parole, comme l'a rapporté Al-Bukhârî) et il est mort juste après celle contre les coalisés (ghazwat ul-ahzâb) (c'est ce qu'a rapporté Al-Bukhârî) ; la bataille contre les Banu-l-Mustaliq ne peut donc avoir eu lieu qu'avant celle contre les coalisés ; or cette dernière a eu lieu en shawwâl de l'an 5 (Fat'h ul-bârî 7/491) ; l'avis disant que la bataille contre les Banu-l-Mustaliq a eu lieu en l'an 6 de l'hégire n'est donc pas possible. Ne restent que les deux autres avis : a) cha'bân de l'an 4, b) cha'bân de l'an 5. La calomnie contre Aïcha a eu lieu dans les temps qui ont immédiatement suivi l'une de ces deux dates.
Dans le récit des événements liés à la calomnie contre Aïcha on voit :
– que le voile avait alors déjà été révélé aux épouses du Prophète (puisque Aïcha en parle) ;
– que Zaynab était alors déjà mariée au Prophète (puisque Aïcha parlera d'elle en tant que co-épouse, comme l'a rapporté Al-Bukhârî) ;
– que, comme nous l'avons vu ci-dessus, Sa'd ibn Mu'âdh était alors encore vivant.
Trois avis sont relatés quant à la date où le voile a été révélé : a) soit en l'an 3, b) soit en dhul-qa'da de l'an 4, c) soit en dhul-qa'da de l'an 5 (cf. Fat'h ul-bârî 7/537). Le voile ayant déjà été révélé quand Sa'd ibn Mu'âdh est encore vivant, et celui-ci ayant été grièvement blessé pendant la bataille contre les coalisés (shawwâl de l'an 5), le voile n'a pas pu avoir été révélé en dhul-qa'da de l'an 5 (puisque dhul-qa'da est postérieur à shawwâl) ; cet avis c est donc à délaisser. Ne restent donc que les deux autres avis : le devoir de porter le voile a été révélé : a) soit en l'an 3 de l'hégire, b) soit en l'an 4 de l'hégire.
Et si l'on retient ce que Ibn Hajar a écrit, à savoir que le devoir de porter le jilbâb pour toutes les musulmanes a lui aussi été révélé après le mariage du Prophète avec Zaynab, alors ces deux avis relatifs à la date de la révélation du voile correspondent avec deux des avis relatés quant à la date du mariage de Zaynab avec le Prophète. En effet, trois avis sont relatés quant à la date de ce mariage : soit en l'an 3 (Le Prophète de l'islam 2/621), soit en l'an 4 (Sîrat ul-mustafâ, Idris al-Kandahlawî, 3/317), soit en dhul-qa'da de l'an 5 (Ar-Rahîq ul-makhtûm, p. 533). Le dernier avis est à délaisser car nous venons de voir que lorsque la calomnie contre Aïcha a eu lieu, Zaynab était déjà mariée au Prophète et le voile avait déjà été révélé ; or, le voile a été révélé avant dhul-qa'da de l'an 5, comme nous l'avons vu plus haut. Ne restent donc que les deux autres avis : le Prophète s'est marié à Zaynab soit en l'an 3 de l'hégire soit en l'an 4.
Si on retient l'hypothèse B.2.3, c'est le verset du jilbâb qui est venu demander aux musulmanes de se couvrir le corps sauf le visage et les mains ; ensuite fut révélé celui du khimâr, qui vint leur demander de rabattre le foulard sur l'encolure. D'après Ibn Hajar, le verset du jilbâb fut révélé juste après le mariage du Prophète avec Zaynab ; d'après les recherches que nous venons de voir, ce mariage a eu lieu soit en l'an 3 soit en l'an 4 de l'hégire ; ceci correspond tout à fait aux deux avis que nous avons vus quant à la date où le port du voile a été révélé pour les musulmanes : soit en l'an 3 de l'hégire, soit en dhul-qa'da de l'an 4 de l'hégire.
Dans un second temps :
Omar souhaitait ensuite que les hommes ne puissent plus voir la personne des épouses du Prophète (hijâb ul-ashkhâs), même vêtues des vêtements adéquats, et qu'elles ne sortent donc presque plus. Aïcha raconte que Omar dit au Prophète : "Cache [la personne de] tes épouses". Le Prophète n'en fit rien" (Bukhârî 146). "Après que le voile [du visage] ait été rendu obligatoire [sur les épouses du Prophète], Sawda sortit pour quelque besoin. Elle était grande et on reconnaissait qu'il s'agissait d'elle quand on la voyait [même entièrement couverte]. Omar ibn Al-Khattâb la vit et dit : "Sawda, par Dieu, on peut te reconnaître ! Vois toi-même comment tu sors (si tu dois sortir) !" Sawda revint alors sur ses pas. Le Prophète était chez moi, et il était en train de prendre son repas ; dans sa main il y avait un morceau de viande enrobant un os. Sawda entra et dit : "Messager de Dieu, j'étais sortie pour quelque chose, et Omar m'a dit telle chose". Le Prophète reçut alors la révélation ; celle-ci se fit puis cessa tandis que le morceau de viande était toujours dans la main du Prophète ; il dit alors : "Il vous a été permis de sortir pour faire ce que vous avez besoin de faire"" (Bukhârî 4517). Ici donc, le souhait de Omar de voir la personne des épouses du Prophète être dissimulée (hijâb ul-ashkhâs) pour éviter que quelqu'un puisse les reconnaître ne fut pas approuvé par Dieu, et elles eurent la possibilité de continuer à sortir de chez elles (Fat'h ul-bârî 1/327, 8/674).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
2006-10-19 12:20:04
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answer #6
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answered by mas 5
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