Le grand cirque
Extraits de l'avant-propos de Pierre Clostermann
Enfant unique, dix mille kilomètres m'ont séparé pendant quatre ans de mes parents, Français Libres comme moi. De Londres à Brazzaville, la correspondance était difficile, les lettres sévèrement censurées sur tout ce qui touchait les activités militaires. L'espace restreint de la carte-lettre aérienne mensuelle autorisée ne se prêtait guère à la description de ma vie en Angleterre avec la R.A.F. et les Forces Aériennes Libres.
Et pourtant, je voulais évoquer pour mon père et ma mère cette vie nouvelle, si pleine d'émotions, d'imprévu - ingrate, mais très belle. Je voulais qu'ils puissent la revivre, minute par minute - même si je ne revenais pas pour la raconter... C'est ainsi que, par le truchement d'un gros cahier d'ordonnance de l'Air Ministry, frappé du chiffre du roi d' Angleterre, G. R., tous les soirs je leur ai décrit ma journée. Une vieille enveloppe collée à la couverture contenait mon testament - un peu ridicule, car les "mercenaires" du général de Gaulle n'avaient à coucher sur le papier, en guise de biens temporels, que leur foi dans la France et leurs rêves précaires d'avenir. Sur la page de garde, j'avais écrit : "ln case something should happen to me (either to be killed or posted missing) I want this book to be sent to my Father, capitaine Jacques Clostermann, French Headquarters, Brazzaville (1) 10-3-1942 avec l'espoir qu'au cas où je serais tué ou porté disparu, ce cahier leur parviendrait. Et je voulais que mes parents, en le recevant, en le lisant, retrouvent ma présence et ma voix, comme une consolation.
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Le destin, qui a été si cruel pour tant de mes camarades, a voulu que je survive à quatre cent vingt missions de guerre. Un beau jour, la tragédie terminée, j'ai pu conter de vive voix, à mon père l'histoire de ces quatre années. Deux ans ont passé. J'ai eu, avec les rares survivants des F.A.F.L., l'ingrate mission de visiter les familles de nos amis qui n'étaient pas revenus - de chercher à leur donner l'amère consolation du récit de la vie de leurs enfants. Mais nous n'avons pas pu les toucher tous.
Nous avons aussi rencontré beaucoup de Français qui n'avaient pas la moindre notion de ce qui s'était passé de l'autre côté de la Manche - ou qui préféraient continuer à l'ignorer... Mais nous sentions également que d'autres Français cherchaient, eux, à le savoir, pour y trouver peut-être de quoi soutenir leur espérance et leur foi. C'est pour eux tous que ces pages sont publiées.
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Je demande au lecteur de ne pas y chercher une oeuvre littéraire. J'ai simplement consigné au jour le jour des impressions, des instantanés photographiques, des images gravées au passage dans ma mémoire. Il aurait fallu un bien grand talent pour faire revivre sous une forme à la fois littéraire et vraie la carrière d'un pilote de chasse de cette guerre ! Et c'est justement parce que c'était vrai, parce que c'était tout chaud de l'action, que je n'ai pas voulu retoucher ces cahiers. J'ai tenu à conserver les expressions anglaises, certains mots qui frisent le barbarisme - je ne pouvais quand même pas les renier , puisque nous les avons eus dans la bouche quatre années durant ! L'anglais était de rigueur à la radio, avec toute sa floraison si pittoresque de mots de code et d'argot de la R.A.F. Comment traduire, autrement qu'en notes au bas d'une page, ces conversations radiotéléphoniques, sans leur faire perdre leur vigueur et leur concision.
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Certaines réflexions ou descriptions choqueront peut-être par leur franchise ou leur cruauté. Mais il ne faut pas oublier que ces pages ont été écrites pour mon père et ma mère, qui étaient mes amis et mes confidents auxquels je pouvais exposer à coeur ouvert mes faiblesses, mes amertumes, mes joies ou mes enfantillages. Évidemment, j'ai longuement hésité devant certaines pages, par une sorte de pudeur intime - mais la vérité eût souffert de ces suppressions. Et puis, après tout, nous étions tous des gosses, avec les mêmes réactions devant le danger, les victoires et les injustices... Ce que j'exprime, nous tous, les F.A.F.L., nous l'avons vécu, senti ou pensé.
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Puissent ces pages et ces photos aider celui qui entreprendra de conter en détail l' histoire atroce mais merveilleuse de cette longue guerre. Puissent-elles aussi amener certains à plus de discrétion ou de pudeur dans leurs jugements, à se rappeler que même si les aviateurs Français Libres n'ont pas de monuments, de places, de rues ou de stations de métro, ils n' en ont pas moins inscrit dans le ciel beaucoup de gloire très pure et accru de beaucoup le prestige de la France. Puissent-elles enfin enlever à d'autres ce complexe d'infériorité qui les porte à honorer les victoires de nos alliés, et à ignorer complètement les nôtres.
C'est mon seul désir, et ce sera ma fierté.
Pierre Clostermann
N° MIe 30.973 des Forces Aériennes Françaises Libres.
(1) Au cas où je serais tué ou porté disparu, je désire que ce livre soit envoyé à mon père, le capitaine Jacques Clostermann, Quartier Général Brazzaville -10-3-1942.
(2) Hutte où les pilotes s'abritent entre les vols.
(3) Sweep : opération offensive de chasse lointaine en territoire ennemi.
http://www.pierre-clostermann.com/livres.html
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http://www.fnac.com/Shelf/article.asp?PRID=1211290
http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/livres/ANCIEN/25218-403/module/product/Default.aspx?donnee_appel=RLNYAHOO&chapsid=01109000027000413910196217215217
http://www.livresdeguerre.net/forum/sujet.php?sujet=279
http://aviation-ancienne.forumactif.com/ftopic9-0-asc-120.htm
2006-10-08 23:46:14
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answer #4
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answered by Nada 5
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