antisémitisme
1 PRÉSENTATION
antisémitisme, doctrine et attitude d’hostilité et de discrimination à l’égard des Juifs.
Le terme a été forgé en 1873 par un journaliste allemand, Wilhem Marr, dans un pamphlet intitulé la Victoire du judaïsme sur le germanisme. Si l’usage a retenu le terme d’antisémitisme, celui-ci n’est en fait pas adéquat puisqu’il englobe tous les Sémites, alors que l’hostilité qu’il désigne se porte sur les seuls adeptes du judaïsme. Cette hostilité, qui s’est exprimée dans les vexations, les déportations, jusqu’à l’insoutenable — le génocide — sous le IIIe Reich, est beaucoup plus ancienne que l’apparition du terme.
2 LES ORIGINES DE L’ANTISÉMITISME
Dès 597 av. J.-C., les Juifs ont été l’objet d’une discrimination. En effet, lorsque Nabuchodonosor prend Jérusalem, il déporte les habitants du royaume de Juda à Babylone.
Jusqu’à la révolution industrielle, l’antisémitisme est essentiellement de nature religieuse. Au IVe siècle, le triomphe de l’Église chrétienne marque pour les Juifs le début d’une ségrégation qui ne prendra fin qu’avec la Révolution française : enfermement dans des ghettos, obligation de porter un signe distinctif, etc. Certains pays vont même jusqu’à l’expulsion pure et simple des Juifs de leur territoire : ils sont rejetés d’Angleterre en 1290, de France en 1394, d’Espagne en 1492. En effet, après la reconquête chrétienne, les Juifs, qui jouissaient dans l’Espagne musulmane du statut de protégé (dhimmi) qu’accorde l’islam aux religions du Livre (judaïsme et christianisme) et avaient participé au développement du savoir et des arts, sont persécutés par l’Inquisition.
Pour une majorité des chrétiens du Moyen Âge, les Juifs, qui refusent le message chrétien et la nouvelle Église, sont coupables de la mort de Jésus-Christ. L’accusation de déicide se double souvent de celle de crimes rituels. Les Juifs sont soupçonnés d’empoisonner les sources, de répandre la peste, de tuer les enfants chrétiens pour utiliser leur sang dans des cérémonies occultes, de profaner des hosties sacrées, etc.
Le siècle des Lumières et surtout la Révolution française marquent une pause dans les persécutions menées contre les Juifs : en 1791, l’abbé Grégoire fait voter la loi d’émancipation des Juifs qui, à l’occasion des guerres de la Révolution, est largement appliquée en Europe.
3 L’ANTISÉMITISME AUX XIXE ET XXE SIÈCLES
Durant la deuxième moitié du XIXe siècle cependant, l’antisémitisme se développe à nouveau, sur des fondements toutefois différents. Aux motifs religieux se substituent des arguments politiques et économiques. Cette évolution est liée à l’essor du nationalisme et à la révolution industrielle. Pour les nationalistes, le judaïsme menace l’identité nationale. Du fait de leur particularité linguistique (l’utilisation du yiddish en Europe orientale), de leur singularité religieuse (la religion juive fondant une communauté ignorant les frontières) et d’une supposée préférence pour le libéralisme économique (lequel ne peut s’accommoder d’un repli sur la nation), les Juifs sont accusés d’affaiblir l’unité nationale. Le développement du capitalisme alimente également l’antisémitisme : les Juifs, dont la religion n’interdit pas l’usure, participent activement à la révolution industrielle et à la mise en place du nouveau système économique, notamment en tant que banquiers et financiers — d’où le mythe de la « banque juive ». L’Allemagne, la Russie et la France, où se conjuguent nationalisme et anticapitalisme, sont ainsi parmi les pays européens qui connaissent les plus fortes poussées d’antisémitisme.
La théorisation de l’antisémitisme moderne apparaît en Allemagne et en Autriche. Après le krach boursier qui, de Vienne en 1873, s’étend à l’Allemagne, une première campagne antisémite est lancée, dans laquelle le pasteur Adolf Stöcker a joué un rôle prépondérant. En 1880, Eugène Dürhing systématise les griefs faits aux Juifs dans un ouvrage intitulé la Question juive, question de race, de mœurs et de culture. En Autriche, le parti chrétien-social parvient à faire élire Karl Lueger bourgmestre de Vienne sur un programme antisémite. Les causes de l’antisémitisme germanique sont exemplaires à la fois de l’argumentaire développé par les théoriciens de l’antisémitisme au XIXe siècle et de l’utilisation politique qui a pu en être faite. Le premier de ces arguments est raciste : reprenant les thèses développées par Joseph Gobineau, des intellectuels favorables au pangermanisme développent une idéologie affirmant la supériorité d’une prétendue « race aryenne » que le métissage avec « la race juive » peut corrompre. Les arguments sont également économiques : selon les mêmes auteurs, la nation est menacée par le libéralisme, considéré par une partie de l’élite germanique comme une doctrine spécifiquement juive. Cette théorisation du sentiment antisémite est utilisée à son profit par Bismarck pour lutter, en Allemagne, contre l’opposition sociale-démocrate et marxiste : en désignant les Juifs comme responsables des maux de la classe ouvrière, il espère détourner celle-ci du socialisme.
Ce double mouvement de justification théorique et d’utilisation politique de l’antisémitisme existe également en France. Comme en Autriche et en Allemagne, un événement financier a été le signal de départ de campagnes antisémites. En 1882, en effet, la banqueroute de l’Union générale est immédiatement attribuée aux intrigues de la « banque juive ». En 1886, Édouard Drumont publie la France juive, ouvrage dans lequel il légitime l’antisémitisme. Le thème de l’anticapitalisme est central : selon Drumont, la « France honnête et laborieuse » est tombée sous l’oppression juive. Drumont se fait également le héraut des théories pseudo-scientifiques du racisme. L’extrême droite reprend les arguments de Drumont pour ébranler la République, désignée comme un « régime juif », dénué de toute légitimité et profondément corrompu. Le journal la Libre Parole, fondé en 1892 par le même Drumont, est le principal vecteur de ces thèses qui nourrissent, entre 1894 et 1906, l’affaire Dreyfus. Officier d’origine juive, Alfred Dreyfus est accusé de trahison envers la France, condamné et emprisonné. La droite nationaliste et antisémite voit dans cette présumée trahison la preuve de la menace que font peser les Juifs sur la France. Aussi s’oppose-t-elle passionnément à la révision du procès du capitaine Dreyfus, dont l’innocence sera reconnue en 1906. En Europe de l’Est, et tout particulièrement en Russie, l’antisémitisme est utilisé par le régime tsariste pour détourner le mécontentement ouvrier et paysan vers le fanatisme religieux. À partir de 1801, de nombreux pogroms ont lieu dans les pays d’Europe orientale.
L’antisémitisme atteint son paroxysme durant la Seconde Guerre mondiale. Il est codifié dans les législations et sert d’idéologie nationale en Allemagne (voir lois de Nuremberg). Dès 1940, le gouvernement de Vichy promulgue en France les lois antisémites qui trouvent leur prolongement, à partir de 1942, dans la déportation des Juifs vers les camps de concentration nazis : de juillet 1942, date de la première rafle française, dite rafle du Vel’ d’Hiv, jusqu’à la Libération, on estime à 85 000 le nombre de personnes victimes de la persécution raciale en France. Près de 6 millions de Juifs ont péri victimes du national-socialisme allemand.
Depuis 1945, on assiste à un perpétuel mouvement de lutte contre l’antisémitisme et de renaissance de celui-ci. Après la guerre, les révélations des crimes nazis ont suscité une réaction violente des pays occidentaux qui ont cherché à se prémunir contre tout risque de renaissance de l’idéologie antisémite. De nombreux dirigeants et officiers nazis ont ainsi dû répondre du génocide et des crimes contre l’humanité perpétrés durant la guerre au procès de Nuremberg en 1945. En 1960, le criminel de guerre nazi Adolf Eichmann, arrêté par les Israéliens en Argentine, est jugé et pendu en Israël. En France, en 1987, le procès de Klaus Barbie est l’occasion de rappeler l’importance de la lutte contre l’antisémitisme.
En dépit de ces efforts et du travail de mémoire pour que le génocide juif ne sombre pas dans l’oubli, l’antisémitisme est loin d’avoir disparu. En Europe occidentale, et tout particulièrement en Allemagne, en France, en Suède et en Grande-Bretagne, les années quatre-vingt-dix ont connu un important retour des préjugés antisémites dont témoignent la création de partis néonazis, la réapparition d’actes de vandalisme commis contre des monuments juifs et la diffusion de thèses révisionnistes niant l’importance, voire l’existence, du génocide. En outre, la naissance de l’État d’Israël (1948) et les conflits israélo-arabes qu’elle a entraînés ont pu contribué à la confusion entre le combat contre le sionisme et l’antisémitisme.
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2006-10-06 04:06:18
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answer #1
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answered by fernandez a 1
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