Les hommes de la préhistoire : une très lente évolution vers le néolithique et l’âge des métaux
Problématique: La préhistoire s’étend sur notre territoire sur près de 450 000 ans, soit 4500 siècles ! C’est en grande partie l’histoire de l’homme prédateur. L’homme producteur apparaît dans l’Hexagone au milieu du IV° millénaire avant JC, grâce à des influences venues du Proche-Orient par la Méditerranée et le Danube. En quoi la " révolution néolithique " a-t-elle déterminé des structures fondamentales dans l’organisation des sociétés ?
I) Un très long paléolithique : l'invention de l'homme
La préhistoire s'intéresse à la vie des hommes depuis l'apparition de leurs plus anciens ancêtres (gorilles et chimpanzés) jusqu'à la découverte de l'écriture.
A) De Lucy à l'homme de Tautavel
Lucy est un hominidé (mâle/femelle ?, déjà bipède), un Australopithèque trouvé en Afrique orientale, foyer de dispersion de l'hominisation, et daté de - 3 millions d'années.
L'Homo habilis (homme adroit, habile) est le premier représentant de l'espèce humaine : station debout encore assez courbée ; 1,20m, une capacité crânienne double de celle des Australopithèques, des dents proches de celles des hommes. Il sait produire des outils (le ler, trouvé en Ethiopie, daté de - 2,3 M ans : un chopper, couperet biface façonné à partir de galets aménagés).
Rien ne prouve que l'Homo erectus descende de l'homo habilis. Trouvé surtout en Eurasie. 1,5 m et capacité crânienne de 850 à 1200 cm3. Il fabrique des outils élaborés : des bifaces et des hachereaux. C'est l'homme le plus ancien en Europe. Ex : l'homme de Tautavel (son crâne), trouvé en 1971 dans la "Caune" de l'Arago, près de Perpignan, et daté d'environ -450 000.
Ces petits groupes d'une vingtaine d'individus nomadisent, tenant compte des allées et venues du gibier. Leur civilisation marque toute l'Europe, avec la maîtrise du feu, il y a peut-être 500 000 ans (attestée à Terra Amata, près de Nice vers - 380 000), et la découverte de la chasse (- 300 000) qui complète la cueillette. Avec de simples pieux, ils s'attaquent à des loups, des bisons, des mouflons, des rennes. Toutefois, les hommes de Tautavel n'avaient pas encore domestiqué le feu.
Vers - 130 000, apparition de l'homme de Néandertal, type d'homo sapiens archaïque. Il pratique parfois le culte des morts, avec les premières sépultures, souvent avec des offrandes : outils, animaux, fleurs. Peut-être aussi invention du chant, en tout cas d'une forme de communication. Capacité crânienne de 1100 cm3, et parfois équivalente à la nôtre. Sa lignée est progressivement remplacée par notre ancêtre direct, un immigré venu du Proche-Orient...
B) L'invention de l'art : le paléolithique supérieur
- 35 000 : notre ancêtre direct, l'homo sapiens sapiens (Cro-Magnon) (lm80, 1400 cm3, un cerveau qui vaut le nôtre) met au point une véritable industrie osseuse (harpons, pointes de sagaie, aiguilles à chas) et de nouvelles techniques de taille de la pierre (débitage en série de lames de silex). Son adaptation au milieu se manifeste par choix du gibier (renne dans l'ouest européen - Pincevent -, mammouth dans la plaine russe) et type d'habitat (huttes, campements saisonniers dans l'ouest - tentes de peaux de rennes à Pincevent -, cabanes consolidées en os de mammouth en Russie).
Caractéristique majeure de cette époque : l'art. "Vénus", petites statuettes féminines en ivoire ; peinture pariétales dans le sud-ouest de la France (Lascaux, Niaux) à une époque magdalénienne où le bassin parisien est parcouru par grands troupeaux de bœufs, bisons, rennes, chevaux sauvages. Ces formes artistiques, les premières en Occident, pourraient revêtir une signification "chamanique" et religieuse.
Cet art décline avec les débuts du mésolithique, marqué par un progressif réchauffement du climat (- 10 000 à -8000) : modification de la végétation (développement du bouleau et des feuillus, du pin) et de la faune. Certaines espèces disparaissent (mammouths, rhinocéros laineux). D'autres, comme le renne, remontent vers le nord.
II) La Révolution néolithique : l’homme producteur
A) Des influences proches-orientales
Les régions du Proche-Orient (Mésopotamie, Palestine, Syrie ... ) fournissent les + anciens éléments de néolithisation : céréales (blé, orge, millet) et espèces domestiques (moutons et chèvres) qui n'existaient pas en Europe.
Le néolithique se répand dans le finistère de l'Europe par deux voies : * un cabotage en Méditerranée occidentale ; * une diffusion le long du Danube et du Rhin, puis dans le bassin parisien.
Les pratiques agricoles, la céramique, l'habitat sont caractéristiques, tout comme statuettes féminines sans doute liées à culte de la fécondité et invention du mégalithisme, lui-même lié aux cultes astronomiques essentiels aux rythmes agraires. (Ces " grandes pierres " ont été édifiées surtout entre 4500 (Carnac) et 2500 avt JC, soit bien avant les aventures d’Obélix le Gaulois ! Les dolmens sont des chambres mortuaires. Quant aux menhirs… ?)
B) Agriculture et élevage : la maîtrise des surplus et les hiérarchies sociales
D'une façon générale, la production céréales ----- > conséquences sociales. Le stockage des céréales (amphores/greniers) permet pour la première fois accumulation des richesses (qu'on peut compter : apparition du calcul et de l'écriture, à Sumer 3300 ans avt JC) et concentration du pouvoir dans les premières cités-Etats.
Possibilité partage du travail et diversité des métiers comme celle des fonctions sociales.
Hiérarchies sacrées des prêtres / hiérarchie politico-militaire des rois et des guerriers se constituent.
C) L’âge des métaux : des progrès pour l'agriculture et la guerre
Le chalcolithique (- 2200) et l'âge du bronze (-1800) marquent l'apparition de sociétés nouvelles (Seine-Oise-Mame). Les sociétés se hiérarchisent de plus en plus. Témoin : la richesse de certaines sépultures, individuelles, avec bijoux, colliers (tombes à tumulus, à tertres, des chefs).
Ces chefs arbitrent des tensions croissantes entre les classes de la société, où grandit influence des artisans, des forgerons, des commerçants (minerai/métaux/ambre/sel), où l'occupation des terres devient plus dense, avec amélioration des techniques agricoles (lères faucilles en bronze ; invention de la roue et de l'araire, au chalcolithique).
Mais c'est grâce à la technologie du fer que s'affirment puissance et richesse des princes celtes, à partir VIII° avt J.C.
De l’héritage celte
à la première dynastie royale des Mérovingiens
Problématique : Ce sont les Romains qui ont " inventé " la Gaule. Depuis la conquête de César, en entrant dans l’histoire, les noms des peuples et des régions de la Gaule n’ont plus bougé. Les Romains ont aussi doté ces territoires d’une structure étatique sous la forme de provinces intégrées à l’empire romain. En quoi cet empire latin, devenu chrétien, a-t-il favorisé la naissance du royaume des Francs de Clovis ?
I) La Gaule celtique : un "chaos" (Michelet)
ou une première civilisation proto-urbaine
A) Des Indo-Européens conquérants :
une " civilisation de la guerre " appuyée sur le fer
Un rameau occidental des Indo-Européens (peuples différents; langues apparentées).
Expansion dès le VIII° siècle, surtout à partir du V° siècle, à partir d'un secteur originel bavarois, vers ouest, nord, sud, sud-est... Expansion durable, pendant 4 siècles : de longs convois d'hommes, de femmes. d'enfants, de chariots, de cavaliers. Migrations sans buts déterminée, avec farouche résistance, au sud basse vallée du Rhône, des Ibères à l'ouest et des Ligures à l'est.
Partout, pas de disparition des populations antérieures, mais brassage, colonisation et acculturation.
Vagues de conquêtes réussies par maîtrise technologie du fer (longue épée à double tranchant), diffusée par l'avancée celte : des sociétés aux pratiques et aux valeurs guerrières, dédaignant la paix : bravoure dans le combat, buste nu, sans crainte de la mort ("Nous ne craignons qu'une seule chose, que le ciel nous tombe sur la tête..." (à Alexandre le Grand) / Les jeunes gens trop gros pouvaient être condamnés à des amendes).
B) Des dizaines de "cités" celtes dans un Hexagone "multi-ethnique"
Cité = civitas (sources gréco-latines) : territoire contrôlé par un peuple (cf carte p. 391). Territoire délimité souvent par frontières naturelles.
D'abord, peuples, divisés en 3 groupes, dirigés par roi-chef, puis
a) aristocratie de grands propriétaires terriens, tirant aussi profit exploitation commerce (douanes ; péages sur carrefours commerciaux) et industrie (exploitation des mines). Aristocratie militaire, * où le pouvoir se mesure au nombre d'ambacts et de dépendants (la clientèle des hommes libres, paysans et artisans, cherchant protection - comme à Rome)
* où le pouvoir "exécutif" et "judiciaire" se délègue vergobret (magistrat annuel élu par l'assemblée des aristocrates).
Pouvoir religieux (chênaies sacrées/sources des rivières/culte des dieux dans sanctuaires dont fossés contiennent ossements d'animaux et humains, armes brisées ou tordues) assuré par les druides, recrutés dans l'aristocratie, exempts de la guerre et des impôts. Force divinatrice au service justice et politique (choix des chefs), enseignement des jeunes aristocrates, médecine.
Enseignement oral, mais les Celtes connaissent l'écriture (alphabet grec).
b) Hommes libres : classe d'artisans de grande qualité. Travail du métal : forgerons, bronziers, émailleurs, orfèvres (monnaies, épées, bijoux, torques), verriers ; travail du bois (le tonneau celte remplace l'amphore méditerranéenne) ; bons céramistes et potiers ; les premiers à fabriquer du savon...
Classe de paysans, qui bénéficie outillage en fer, dont le soc de l'araire qui permet de travailler terres lourdes.
c) Les esclaves sont au service aristocrates et hommes libres.
Organisation politique peu poussée : pas d'Etat, ni d'empire celte, ni une fédération de cités. Quand les Celtes cessent leur expansion, développement de quelques villes notables qui organisent le territoire qu'elles dominent : des villes fortifiées (oppida - guerres entre peuples celtes : Gergovie/Alésia/Bibracte). (Cf pp.38 et 39) Centres artisanaux et carrefours commerciaux, où siège l'aristocratie = proto-urbanisation.
C) La fondation de Massalia :
l'entrée de l'Hexagone dans l'histoire
Plus exactement protohistoire ; l'histoire de la Gaule commence avec Jules César.
Grande colonie phocéenne, grecque, qui multiplie colonisation du littoral méditerranéen, d'Antipolis à Agathé (Agde). Diffusion de la monnaie, de l'olivier et de la vigne (aménagement du paysage, du Midi).
Elément essentiel de contact avec civilisations méditerranéennes de Grèce : stimulation du commerce (dès la fin du VI° siècle avt JC, le cratère grec de la tombe de la Princesse de Vix (Chatillon sur Seine) ; la place du vin et des amphores grecs dans les tombes montre courants d'échange avec le monde grec, contre métallurgie, viande de porc celtes). Commerce à très longue distance : routes de l'étain, routes de l'ambre traversent la Gaule ----------- > puissance arverne qui contrôle l'axe du Rhône.
Influence alphabet grec, traditions homériques grecques (festin arrosé), acropole/oppidum : la civilisation celte est en partie hellénisée, tout comme les Romains, ce qui favorisera la symbiose gallo-romaine...
II) La Gaule gallo-romaine : l'invention de l'Etat
A) La Gaule : une création des Romains et de Jules César
Le coq (gallus) est l'animal caractéristique des Celtes établis en Italie du Nord (Gaule cisalpine) : ce sont les galli, les Gaulois.
Des appels au secours de Marseille, menacée par Celtes et Ligures, provoquent premières interventions durables de Rome au-delà des Alpes, en Gaule transalpine:
- 122: première colonie romaine, Narbonne (avec installation de colons romains)
Ensuite, création de la Province (future Provence) de Gaule transalpine (cf carte p.391), qui accélère les échanges économiques entre Rome et la Gaule celtique.
De -58 à -52 (défaite de Vercingétorix à Alésia), conquête du reste de la Gaule par le général romain César, en quête d'argent et de troupes pour s'emparer du pouvoir à Rome. A noter que César intervient en Gaule celtique à la demande de cités celtes alliées des Romains (les Eduéens), dont le territoire est ravagé par une avant-garde germanique (Arioviste).
César attaque à la périphérie de la Gaule celtique, au nord et à l'ouest, des cités celtes totalement désunies, et souvent avec l'aide de contingents et de chefs gaulois.
C'est la lourdeur des, tributs, la trahison de traités, qui provoquent pour la première fois, une révolte de nombreuses cités gauloises (pas toutes, les Rèmes, autour de Reims, restent fidèles à Rome), en –52, dont le chef arverne Vercingétorix prend la tête.
- 49, Marseille perd l'essentiel de ses privilèges et de son territoire.
La conquête romaine, poursuivie sous le règne de l'empereur Auguste, permet la première unification étatique du territoire gaulois (cartes 2 et 3 pp.393 et 394), et une première définition.
Tant au ler siècle ap. JC qu'au IV° siècle ap. JC, la Gaule s'étend de l'Atlantique au Rhin, jusqu'à son embouchure, avec les deux provinces de Germanie comme zone-tampon entre l'empire et le monde barbare.
A l'intérieur de cet espace, noter la coupure de la Loire, entre le Nord et un Sud plus romanisé, plus urbanisé, plus proche de la civilisation latine. Coupure durable dans l'histoire de la France, avec deux entités bien définies, le pays de la langue d'oil et le pays de la langue d'oc.
B) Les Gallo-Romains : une symbiose ethnique et culturelle
La conquête romaine a entraîné (outre morts et dévastations) des bouleversements considérables : une romanisation des pays celtes, partie intégrante de l'empire romain.
- l'armée construit un dense réseau routier qui unifie le territoire des Gaules. Les camps permanents des soldats sont parfois à l'origine de villes (Strasbourg, en arrière du limes sur le Rhin). Des vétérans sont installés sur des terres confisquées ou dans de nouvelles colonies romaines.
- de nombreuses villes sont créées (Autun à la place de Bibracte), d'autres agrandies, surtout dans le sud: toutes unifiées autour d'un urbanisme typiquement romain : un centre, le forum, où se croisent cardo et decumanus (les 2 axes principaux de circulation, larges voies), centre politique (curie, basilique) et religieux (capitole) de la ville ; des monuments urbains de pierre (amphithéâtre - Lyon 177 -, cirques, thermes, odéons, temples...), y compris dans des bourgs (vicus), y compris près de lieux de pèlerinage et de cultes celtes (sources).
Civilisation urbaine de l'ostentation (évergétisme), de la rhétorique (écoles municipales), du loisir (thermes, théâtres) à partir surplus du commerce et de l'exploitation de la terre.
- la diffusion du culte impérial, au niveau municipal (temple de la Maison carrée à Nîmes) et provincial, (autel de Rome et d'Auguste à Lyon, avec les délégués des cités des Trois Gaules.
Mais la conquête romaine a su s'appuyer sur les anciennes aristocraties gauloises pour durer et assimiler progressivement les différentes, ethnies présentes en Gaule.
- rôle des élites gauloises, qui prennent des noms romains : intégrées à l'administration des Gaules, avec recherche promotion sociale et politique (table claudienne)--------- > Edit de Caracalla (en 212, tous les hommes libres de l'empire sont citoyens romains). Pour la lère fois, essor d'une classe de riches industriels et commerçants (thermes de Paris financés par corporation des armateurs de la Seine, les nautes).
- symbiose religieuse : Sucellus, dieu au maillet typiquement gaulois, prend l'aspect du Jupiter romain (cf le sanctuaire gaulois de Sanxay, p.74). Le druidisme disparaît au profit religions orientales, dont le christianisme (cf chronologie). Implanté dans la vallée du Rhône au IIème siècle, il pénètre d'abord les villes (Lyon) puis les campagnes grâce au zèle d'évêques (rôle de + en + éminent dans la ville) comme St Martin (cf texte p. 86), fondateur du monachisme en Occident.
- diffusion du latin, qui supplante les dialectes celtes.
Une marque profonde sur le paysage : les villes, les villas (cadastration du territoire immenses exploitations agricoles et artisanales, qui placent dans la dépendance et la justice du maître des centaines de paysans libres ou esclaves).
Une marque durable sur la civilisation : à partir début IV° siècle, la dépendance des colons et esclaves chasés : les + pauvres entrent dans le patronage des plus puissants, l'aristocratie gallo-romaine ; être paysan devient une condition héréditaire. Obligation en ville de reprendre le métier de son père. Il s’agit de fixer les individus sur le sol et dans leur condition pour faire face aux invasions et aux troubles sociaux (crise démographique et bagaudes - révoltes populaires - du III° siècle, fin IV° et début V°). Ces hommes libres qui recherchent la protection d'un "patron" et se mettent à son service, c’est la préfiguration du monde médiéval.
C) Dès le III° siècle, de nouveaux peuples "barbares" s'installent en Gaule
Dès milieu du III' siècle, des peuples germains, dont Francs et Alamans, franchissent le limes et pillent régions à l'ouest du Rhin. Dès 288, l'empereur accepte l'installation de soldats francs, dans le nord des Gaules : début d'un processus d'acculturation des Francs, des tribus germaniques païennes (frank en langues germaniques signifiant "libre"). Les prisonniers germains servent dans l'armée romaine et à repeupler les campagnes, comme paysans astreints au service militaire (letes).
Au milieu IV° s. (358), l'empereur Julien (qui fait de Paris sa capitale, après avoir été élevé sur la pavois, à la façon germanique) autorise, après les avoir battus, l'installation de tout le peuple des Francs Saliens, entre Escault et Meuse, contre obligation service militaire.
Lors des premières grandes invasions de Vandales en 410 et d'Alains en 406-407, Francs Saliens, Burgondes et Visigoths combattent en défenseurs de l'empire. Burgondes (à l'ouest du Rhin supérieur) et Visigoths (en Aquitaine) gagnent le statut de peuple fédéré, bénéficiant de l'hospitalité. Tout comme en 451 (avec en + les Visigoths) lors de l'invasion d'Attila le Hun (Ste Geneviève, patronne de Paris, est d'origine barbare aristocrate).
De véritables royaumes barbares se créent (monnaie wisigothique), au nom de la défense de l'empire d'Occident.
III) La Gaule mérovingienne : un Etat franc
A) Clovis : le fils d'un administrateur romain
L'Etat franc : un Etat fondé par des troupes romaines d'origine franque. Une très large partie des groupements de populations barbares en Gaule n'appartient ni aux "grandes invasions" ni au royaume mérovingien, mais bien à la colonisation de letes organisée par l'administration romaine (témoignage des rangées de tombes, avec enfouissement des armes, tombes bien alignées).
Clovis : fils de Childéric, roi reconnu par administration romaine et l'Eglise gallo-romaine. Dispose des structures romaines encore en vigueur, comme l'impôt, qui continue à être payé (sauf par l'armée). Les ateliers et dépôts d'armes continuent d'équiper l'année, qui reste fidèle aux usages et à la discipline (cause de supériorité de l'armée franque) de l'armée romaine (ex : la revue des troupes le ler mars au Champ de Mars - épisode du vase de Soissons, après victoire sur le dernier général romain Syagrius, en 486).
Clovis s'allie à l'aristocratie riche et puissante des sénateurs gallo-romains, et surtout, aux plus puissants d'entre eux, les évêques. L'aristocratie franque (extrêmement peu nombreuse par rapport population gallo-romaine) s'unit par des alliances matrimoniales à l'aristocratie gallo-romaine, qui adopte noms francs, avec des intérêts communs : préserver les structures et les privilèges d'un Etat menacé à l'Est par les Germains et au Sud par les Visigoths.
D'où baptême catholique de 498 (?), avec un très grand nombre de grands et de petits (le roi ne se coupe pas de son peuple) : Clovis trouve ainsi l'alliance des Gallo-Romains déjà convertis (armes, troupes) et peut libérer la Gaule de la souillure des hérétiques ariens (Alamans et Wisigoths - Vouillé 507).
L'empereur d'Orient le reconnaît officiellement comme roi, seul souverain catholique à côté de l'empereur. Il est nommé "consul" et "Auguste" (distribution de pièces d'or à la population de Tours, à la manière du triomphateur romain). Elit Paris comme capitale, où il fonde l'Eglise Pierre et Paul (future Ste Geneviève) sur sa sépulture. Basculement des centres de pouvoir en Gaule vers le Nord.
B) Une société germanique, catholique, rurale
Les fils de Clovis achèvent la conquête. L'unité de la Gaule est reconstituée au profit du royaume des Francs, qui s'inscrit dans une grande continuité / Rome, tout en annonçant la société nouvelle visible surtout à partir du VII°s.
Une société germanique : principe de la personnalité des lois / territorialité des lois. C'est avt tout le "roi des Francs". Coutumes germaniques nouvelles : la vengeance privée (faide), la compensation pécuniaire (wergeld) et l'ordalie judiciaire. Le roi, qui appartient à une famille à l'ancêtre légendaire Mérovée, est la source du droit, de la loi, de la justice. Il nomme comtes et évêques.
Une société catholique : l'évangélisation des campagnes progresse, avec la multiplication des églises privées fondées par les grands sur leurs domaines et par celle des monastères. Malgré la coupure réelle de la Loire, tous les habitants du royaume des Francs, dans leur variété ethnique et linguistique, sont catholiques (rôle essentiel de fusion dans une culture commune).
Une société rurale : l'aristocratie a fui les villes pour se réfugier à la campagne, dans les villas. Des vici ont disparu (affaiblissement démographique, péril des invasions, insécurité). Fusion des Gallo-Romains et des Germains dans la vie quotidienne.
C) La première dynastie royale : les débuts du Moyen Age
Société guerrière, où l'Etat est chose personnelle et divisible. Le partage des territoires conquis par Clovis et ses fils et de nouvelles conquêtes donnent naissance à 3 royaumes rivaux (Austrasie, Neustrie, Bourgogne) (cf carte pp.396-397). Au VII° s, Provence et Aquitaine ont retrouvé leur autonomie / Mérovingiens.
Dans cette société guerrière, les + faibles aliènent liberté et biens pour se recommander à un + fort, dans le cadre rural dominant. Des aristocrates locaux accroissent ainsi leur puissance : ils rendent héréditaires les bénéfices concédés par les rois mérovingiens, ainsi que leurs titres (les Pippinides s'emparent de la charge de maires du palais d'Austrasie à la fin du VII°). La noblesse apparaît : transmission d'un sang noble et conscience d'une généalogie.
La culture antique a disparu au profit d'une éducation médiévale religieuse. L'Eglise conserve le plan de la basilique pour ses églises, le latin, et intègre les apports celtes (entrelacs géométriques celtes des enluminures des manuscrits) et francs (orfèvrerie cloisonnée) dans l'élaboration d'un art sacré.
De Charlemagne à la féodalité
Problématique: Tout comme les conquêtes de Clovis et de ses fils n'aboutissent qu'à une unification provisoire du Royaume des Francs, vite fragmenté en comtés indépendants, l'Empire de Charlemagne ne survit pas à ses petits-fils. Le partage de cet empire carolingien, en 843, est l'acte de naissance d'une Francia occidentalis, avec des frontières géographiques durables, avec également la mise en place d'un nouveau mode de gouvernement des hommes : la féodalité. Comment la féodalité s'est-elle mise en place ? Pourquoi a-t-elle profité à la nouvelle dynastie des Capétiens ?
I) Des Carolingiens aux Capétiens, une monarchie sacrée
A) Un pouvoir qui vient de Dieu...
Pépin le Bref est le fondateur de la nouvelle dynastie royale des Carolingiens. En 751, il est le premier roi sacré. Cette cérémonie du sacre rappelle les rois juifs de la Bible, comme David. Le front du souverain est oint d'une huile sainte (le saint chrème), qui fait du nouveau roi l'élu de Dieu. Le pouvoir vient de Dieu : la monarchie française est née (cette cérémonie du sacre durera jusqu'en 1824, avec Charles X).
Le sacre, qui manifeste l'élection divine, fonde :
- l'hérédité royale dynastique
- les rois thaumaturges (ils disposent du pouvoir de guérir les écrouelles, maladie de peau assez fréquente due à la sous-nutrition : le roi te touche, Dieu te guérisse ... )
Pour asseoir la légitimité de la nouvelle dynastie franque, des "intellectuels" comme Hincmar de Reims affirment que le saint chrème est renouvelé par Dieu lui-même, et que c'est la même huile sainte, amenée dans une ampoule par une colombe, qui a servi au baptême de Clovis. Il s'agit de montrer que si Pépin le Bref a déposé le dernier roi mérovingien, les Carolingiens sont bien les héritiers du premier roi catholique Clovis. A leur tour, les Capétiens, autres usurpateurs, reprennent le rituel du sacre.
B)... et soutient l'Église catholique
Dès l'origine, une solide alliance se noue entre les premiers Carolingiens et l'église catholique, à l'intérieur et à l'extérieur du royaume franc (c'est le père de Pépin, Charles Martel, qui met un coup d'arrêt définitif à l'expansion de l'Islam en Europe, par sa victoire près de Poitiers en 732 - ou 733).
C'est le pape qui sacre une seconde fois, à Saint Denis, Pépin le Bref et ses deux fils. C'est un autre pape qui couronne "auguste et empereur" (des titres romains, le dernier ayant été abandonné depuis 476) son fils Charlemagne, le 25 décembre 800, jour de Noël. Les Carolingiens apparaissent alors comme la première puissance de l'Europe chrétienne, face à l'islam (622 : an I du calendrier musulman) et à la chrétienté orthodoxe de l'empire byzantin. Soutenus par la papauté, Pépin le Bref et son fils Charlemagne vainquent les Lombards, alors dominants en Italie, et abandonnent au pape de larges territoires autour de Rome : les Etats de l'Eglise (qui dureront jusqu'à l'unification de l'Italie, au XIX° siècle).
A l'intérieur du royaume, les Carolingiens assurent l'immunité aux domaines de l'Eglise (le roi renonce à ses droits publics concernant les impôts, la justice, la levée des troupes) et la généralisation de la dîme (le dixième des récoltes et des revenus est dû aux ecclésiastiques). Ils aident à diffuser la morale chrétienne, en réorganisant église séculière et église régulière (les moines qui observent une règle).
A leur tour, les Capétiens renouvellent l'alliance avec l'Eglise de Rome. C'est à Clermont que le pape Urbain Il prêche, en 1095, la première croisade, un pèlerinage armé destiné à reprendre le tombeau de Jésus, à Jérusalem, tombé sous le contrôle des Turcs musulmans. Ce sont surtout des chevaliers francs du nord du royaume, ainsi que des petites gens, qui conquièrent Jérusalem, en 1099. Au XII° siècle, Louis VII et Philippe-Auguste conduisent les deuxième et troisième croisades.
II) Un espace politique de plus en plus fragmenté
A) L'Empire de Charlemagne
Cf carte pp 396-397
Charlemagne (768-814) est le petit-fils de Charles Martel, le fils de Pépin : il hérite d'un royaume étendu à la Germanie qu'il agrandit encore par des campagnes militaires incessantes, appuyées sur une cavalerie équipée. De nouveaux territoires germains sont conquis, et ouverts à l'évangélisation (notamment celle des saxons). En revanche, Charlemagne échoue face au royaume basque d'Espagne (son arrière-garde, commandée par le comte Roland, est anéantie par les Basques à Roncevaux, à l'ouest des Pyrénées : La chanson de Roland, datée du X° siècle, est l'un des plus anciens textes du patrimoine littéraire français).
A la tête d'un ensemble de territoires d'un million de km2, étendus jusqu'au Danube, Charlemagne veut restaurer l'administration et l'Etat. Successeur de l'Empire romain, empereur chrétien couronné en 800, Charlemagne centralise l'administration dans sa nouvelle capitale d'Aix la Chapelle, d'où partent les envoyés du maître, les missi dominici, chargés de surveiller les centaines de comtes qui représentent l'empereur dans tous ses territoires. Ce souci d'une bonne administration passe par l'élévation du niveau des "fonctionnaires", et donc par une réforme de l'enseignement : ouverture d'une école dans chaque évêché et chaque monastère, étude du latin et des textes antiques, invention d'une nouvelle écriture (la minuscule caroline, à l'origine de nos caractères d'imprimerie), appel aux grands "intellectuels" du temps. Les résultats sont tels qu'on peut parler à juste titre de Renaissance carolingienne.
Enfin, Charlemagne accentue la hiérarchie des dépendances. Il encourage le processus de vassalité, c'est à dire le serment privé de l'hommage rendu à l'empereur par ses vassaux (cavaliers de l'armée, ducs, comtes, évêques, abbés, responsables de l'administration) qui reçoivent en retour des bénéfices (terres, argent, pendant le temps de leur engagement au service de l'empereur). Charlemagne exige aussi de tous les hommes libres un serment public de fidélité, gage de cohésion de cet immense Empire aux peuples, aux langues et aux coutumes multiples.
B) La Francia occidentalis naît du Partage de Verdun (843)
Un tel gouvernement, si centralisé, si dominé par la personnalité de Charlemagne, ne pouvait que s'effondrer à la mort du fondateur. Son fils, Louis le Pieux, affronte la révolte de ses propres fils qui remettent en cause le partage prévu. Finalement, l'empire est découpé en trois royaumes complètement indépendants, lors du Partage de Verdun (843) : trois bandes parallèles de territoires étirés du nord au sud (cf carte pp 396-397), permettant la jonction commerciale entre Europe du Nord et Europe méditerranéenne.
843 : un acte de naissance de la France, puisque la Francia occidentalis, la Francie occidentale qui naît à cette occasion est limitée à l'Est par les "quatre rivières" (Escault, Meuse, Saône et Rhône). Elles serviront de frontières aux rois carolingiens et capétiens jusqu'à la fin du Moyen Age...
C) Les princes territoriaux s'affirment, et parmi eux, les Capétiens
Entre 843 et 987 (Hugues Capet), le pouvoir royal s'affaiblit considérablement. Les comtes revendiquent de plus en plus l'honneur (et l'intérêt) de conserver leur charge leur vie durant. Comme eux, les vassaux cherchent à rendre leurs bénéfices héréditaires. Abbés et évêques sont pratiquement indépendants sur leurs terres.
Ce processus de dissolution de l'autorité royale est aggravé par les dernières grandes invasions. Les Musulmans, installés depuis le VII° siècle en Afrique du Nord et en Espagne, lancent des raids sur la côte méditerranéenne, occupant même des points fortifiés jusqu'à la fin du X° siècle (La Chanson de Roland accuse les Sarrasins de la mort de Roland). Dès 840, les Vikings venus de Scandinavie remontent avec leurs drakkars les grands fleuves (Seine, Loire, Garonne, Rhône) et pillent cités et monastères de l'arrière-pays. A la fin du IX° siècle, ce sont les Hongrois - peut-être les ogres de notre folklore - qui ravagent le territoire, avant d'être repoussés, au siècle suivant, par le roi de Germanie.
Alors que les parties méridionales de Francie occidentale sont de plus en plus délaissées par les rois carolingiens, les échelons régionaux du pouvoir sont mieux à même d'assurer la défense et la protection des populations. Dès le début du X° siècle, alors que l'Empire carolingien disparaît, les comtés sont regroupés entre les mains de princes territoriaux, qui prennent le titre de ducs ou de marquis, et qui exercent toute la puissance publique. Parmi ces grands, le duc d'Aquitaine, le duc de Bourgogne ou encore le duc de Normandie, après l'abandon par le roi carolingien, en 911, de la région de Basse-Seine à des Vikings, les "hommes du Nord", devenus Normands...
Parmi ces grandes familles, il faut signaler les Robertiens, qui contrôlent les comtés entre Seine et Loire. Dès la fin du IX° siècle, ils fournissent des rois : l'hérédité du souverain carolingien ne s'impose plus aux princes et aux évêques du royaume qui se sentent assez forts pour élire de temps à autre un Robertien. En 987, quand le dernier Carolingien meurt sans héritier direct, c'est le Robertien Hugues Capet qui est élu. La même année, il associe au pouvoir son fils. Une nouvelle dynastie était née : celle des Capétiens. Elle se prolongera jusqu'à la Révolution.
D) A la fin du XI° s., plusieurs centaines de châtellenies
Les débuts de la nouvelle dynastie coïncide avec la mise en place de la féodalité. Le processus de dissolution du pouvoir s'est encore aggravé, cette fois aux dépens des principautés territoriales. Ainsi, la grande principauté des Robertiens s'est fragmentée en différents comtés, et les premiers rois capétiens ne contrôlent directement que 1'lle de France et l'Orléanais.
A l'intérieur même des comtés, le pouvoir est de plus en plus accaparé par de simples possesseurs de châteaux. A partir de 1030, on assiste à un véritable "choc châtelain", à une "mutation féodale" (Georges Duby). La puissance publique comtale (impôts, justice, levée des troupes, calendrier agricole) est exercée par des châtelains, de façon privée, dans le cadre de la seigneurie rurale [cf III) A)]. A la fin du XI° siècle, il existe en France plusieurs centaines de châtellenies, chacune ayant pour ressort une douzaine de paroisses. Cette appropriation privée de la puissance publique définit la féodalité au sens large: autrement dit la dépendance du monde paysan à l'égard des seigneurs de tout rang, du duc ou comte au simple châtelain. Au sens restreint, la féodalité désigne les relations sociales entre seigneurs et vassaux.
III) Une nouvelle société : la féodalité
A) L'aggravation des dépendances personnelles au profit des seigneurs
La seigneurie rurale (ou châtellenie) est double. La seigneurie foncière est divisée entre la réserve du seigneur, directement exploitée par lui ou par ses agents, et le reste, des lots, des tenures exploitées par des paysans contre une redevance annuelle en argent ou en nature - le cens - et des journées de travail sur la réserve - les corvées. La seigneurie banale est plus large : elle reconnaît au seigneur un droit de ban (de commandement), des pouvoirs de police et de justice sur tous les hommes qui habitent sur son territoire. Des corvées comme l'entretien de la forteresse ou des chemins, des impôts comme la taille, des taxes sur l'usage obligatoire du moulin, du pressoir ou du four banal (seigneurial) frappent tenanciers et paysans indépendants, libres et non-libres. Quand cette dépendance paysanne à l'égard du seigneur devient héréditaire, on parle de servage. Le nombre de serfs, caractérisés par des redevances particulières comme la main-morte, varie fortement d'une région à l'autre.
Nombre de châtelains tiennent leur châtellenie d'un seigneur plus puissant. Cette châtellenie - territoire, château et droits sur les paysans dépendants - c'est le fief (d'où le mot féodalité), le mot désignant les bénéfices à partir du XI° siècle. La remise du fief au vassal, lors de la cérémonie de l'investiture (cf doc. 1 p.129), implique un devoir d'aide (surtout militaire) et de conseil au seigneur, dans le cadre de la cour, au château. En échange, le vassal engage sa foi (sa fidélité) lors de la cérémonie de l'hommage, agenouillé devant le seigneur, et conclue par un baiser sur la bouche. Quand un vassal est l'homme de plusieurs seigneurs, ce qui est souvent le cas, il prête un hommage-lige au seigneur prééminent.
Vassaux et seigneurs sont des hommes d'armes, des combattants à cheval, des chevaliers. La richesse de leur équipement (heaume, haubert, bouclier, épée, lance), leur entraînement à la guerre (joutes, tournois, chasse), l'hérédité de leur condition (lors de la cérémonie de l'adoubement), la possession de fiefs constituent cette élite aristocratique en caste consciente de ses origines, de son nom, d'un lignage : la noblesse. Au XII° siècle, la société médiévale ne distingue plus entre libres et non-libres, mais entre nobles (laïques et ecclésiastiques) et roturiers.
Le cadre de vie de la noblesse est le château. D'abord (début X°.), il ne s'agit que de châteaux à motte, avec des tours en bois. A la fin du X°, puis pendant tout le XI° siècle, les forteresses en pierre se répandent, avec leur donjon quadrangulaire dominant le village, leur basse-cour capable d'accueillir les dépendants en cas de conflit. Centre de la seigneurie rurale, le château est le siège de la force et de la justice châtelaines, un entrepôt pour les redevances paysannes, un lieu de refuge, mais aussi de distraction (banquets, tournois, trouvères au nord, troubadours dans les pays d'oc). Symboles de la puissance et de la violence seigneuriales, ces châteaux ont souvent eu d'heureux effets économiques. Ils ont servi de points d'appui pour les grands défrichements et la mise en valeur des terres (cf C), doté la seigneurie d'équipements collectifs (moulins, fours, forges, pressoirs) et permis la naissance de bourgs castraux.
B) La christianisation d'une société soumise à l’église
Soutien essentiel de la monarchie (depuis Clovis), l'Eglise catholique essaie d'imposer ses propres normes et ses propres hiérarchies à une société féodale violente et guerrière. D'abord en se rendant indépendante des rois, des princes et des seigneurs. C'est l'objectif de la Réforme Grégorienne (du nom du pape Grégoire VII, XI° s.) qui arrache aux grands laïques les nominations ecclésiastiques. Ainsi, l'évêque est-il élu par les chanoines du chapitre cathédral. Peu à peu, l'Eglise parvient à "moraliser" les comportements sociaux des grands, notamment en imposant la monogamie et le mariage non consanguin, avec le consentement des deux époux, en disposant de l'arme de l'excommunication (le Capétien Philippe ler, à la fin du XI°, est excommunié trois fois pour avoir voulu épouser sa maîtresse et légitimer ses enfants bâtards).
L'Eglise tente aussi de discipliner la violence des puissants, en décidant, aux alentours de l'an mil, "la paix de Dieu" (qui protège certains lieux d'asile comme les églises et certaines catégories sociales comme les paysans, les clercs, les marchands, les pèlerins, les veuves - cf. doc. 2 p. 130) et "la trêve de Dieu" (qui interdit la guerre pendant des temps religieux forts comme Pâques, du vendredi au dimanche). Les croisades sont enfin le moyen de détourner la violence des guerriers contre l'infidèle, loin en Palestine, contre la promesse papale d'indulgence (la mort en Terre Sainte vaut absolution des péchés).
Malgré les menaces d'excommunication, l'Eglise a fort à faire pour faire respecter ses propres valeurs, qui se diffusent néanmoins par le biais de ses institutions : exemple des monastères ruraux (avec la remise à l'honneur de la prière, comme à Cluny, de la pauvreté et du travail, comme chez les Chartreux, près de Grenoble), pèlerinages auprès des reliquaires, hôpitaux (hôtels-Dieu), écoles...
Cette christianisation en profondeur de toute une société s'opère enfin dans l'existence quotidienne : calendrier chrétien dont les fêtes (Pâques, Noël ... ) et les saints rythment la vie de la paroisse, dont le curé enregistre l'état civil et assure soin des âmes et éducation de tous, où même les analphabètes lisent sur le tympan, les sculptures, les fresques et les vitraux des églises romanes et gothiques scènes des Evangiles et Jugement Dernier.
C) Essor démographique. agricole et urbain
Contrairement aux idées reçues (et fausses) sur l’atmosphère de fin du monde de l'an mil, cette date est à retenir comme point de départ d'une période d'expansion durable, aux multiples manifestations. Expansion démographique, nette, durable, jusqu'au début du XIV° siècle (famine et Peste Noire). Des hommes plus nombreux, plus nombreux parce que mieux nourris (les rendements atteignent 4 pour 1 en Bourgogne au XII° s. contre 2 à 3 pour 1 à l'époque carolingienne), mieux nourris parce que plus nombreux. D'immenses défrichements, assèchements de marais permettent d'étendre les surfaces cultivées. La diffusion de nouvelles techniques (charrue attelée, collier d'épaule pour les bœufs, moulin à eau, puis à vent à partir de 1180) autorise d'autres progrès agricoles.
La production de surplus monnayables permet une différenciation sociale, l'apparition de marchands et d'artisans dans les faubourgs des anciennes villes épiscopales ou dans les nouveaux bourgs castraux, et permet parfois aux serfs d'acheter leur affranchissement (cf doc. 3 p. 131).
Dans une société féodale christianisée, cet essor démographique et économique permet de fournir les effectifs ouvriers considérables et les finances nécessaires à l'érection de milliers d'églises rurales romanes (voûte en berceau, arc de plein cintre), et à partir du milieu du XII° s. et de 1'lle de France, des premières cathédrales gothiques urbaines (arc brisé, voûte sur croisée d'ogives).
La diffusion dans toute l'Europe du modèle gothique ou clunisien prouve que cet essor démographique et social est celui de tout l'Occident. Il est le fait d'une Eglise conquérante, qui assure la cohésion des trois ordres d'une société féodale divisée entre ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent. Cet essor est aussi le fait de nouvelles couches sociales mal intégrées à ce schéma d'une société profondément rurale : artisans, marchands, noyaux de cette bourgeoisie qui anime de mieux en mieux les villes de commune, qui ont su acheter ou arracher leur autonomie au seigneur.
C'est en particulier sur ces villes (" villeneuves ", " villefranches ") que les grands rois capétiens vont s'appuyer pour reconstruire leur autorité et faire émerger l'Etat moderne de la féodalité.
2006-10-05 01:16:31
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answer #1
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answered by le_gars_la_en_bas_au_fond 6
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